Test | Mass Effect 2 : pactisez avec le diable !
18 févr. 2010

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Mass Effect 2

Vous êtes mort ! Shepard, le héros de la galaxie, a succombé lors de l'attaque surprise de son vaisseau spatial. Vous commencez le jeu dans l'espace, un prologue exceptionnel, dérivant dans le vide intersidéral au milieu des débris du Normandy, ce même vaisseau que vous avez obtenu puis appris à diriger dans le premier Mass Effect. Une fuite de votre combinaison spatiale vous entraîne doucement mais sûrement vers la mort... et vers le diable, un individu tout puissant qui prétend vouloir sauver la race humaine. En échange d'une seconde vie, une reconstruction moléculaire spectaculaire qui vous fait revenir d'entre les morts, celui-ci vous charge d'affronter les Moissonneurs, une race extra terrestre qui décime l'humanité. A vous de relever le défi dans ce jeu d'action aventure où les dialogues sont aussi importants que les compétences guerrières, où les rapports sexuels côtoient les génocides, où la psychologie influence chaque décision et où, au final, il est terriblement question de morale...

La guerre, toujours la guerre

C'est quand le dernier bon jeu auquel vous avez joué ? Pong ? Pac-Man ? Elite ? Laissez tomber. Mass Effect 2 est là pour remettre les pendules à l'heure avec une violence rare. C'est un bon jeu. C'est vraiment un bon cru, ce Mass Effect 2 ; un jeu exceptionnel à côté duquel il ne faut pas passer, tant sa richesse et sa profondeur le placent à part au sein de la production vidéoludique. C'est un jeu ambitieux ; mal maîtrisé par certains côtés, certes, mais animé par un souffle qui balaie tout sur son passage. En fait, seuls ceux qui ont joué au premier risquent de pester devant les vraies lacunes de cette suite : une simplification exagérée de l'équipement (armes, munitions, armures) et l'absence incroyable d'un véritable ennemi doté d'un corps, d'un visage et de motivations abjectes. Vous affrontez une horde, les Moissonneurs, dont vous ne verrez qu'à quelques reprises le commandant en chef, lors de cinématiques : un gros insecte accroché à son clavier. On a déjà vu mieux comme méchant (Sovereign dans le premier épisode, au hasard). A la limite, votre employeur pourrait jouer ce rôle mais vous êtes sous ses ordres : vous obéissez à l'Homme trouble, leader de Cerberus, l'entreprise tentaculaire et richissime qui a payé pour vous ressusciter. Les cinématiques intéractives, lors des dialogues, sont truffées de bugs : personnages qui disparaissent, changent de position brutalement entre deux lignes de dialogue... C'est incompréhensible pour un jeu de cette trempe. A noter que sur Xbox, si les textures sont d'une rare beauté, notamment les visages (Grunt, Shepard et quelques autres sont spectaculaires), quelques unes sont incompréhensiblement foirées ; comme l'armure de Garrus, pixelisée à mort. Pour un jeu de ce calibre, ça fait tache. C'est vrai, Mass Effect 2 n'est pas parfait ; mais quand même, cette suite est beaucoup plus rythmée ; plus sombre et plus désabusée aussi.

Ceci n'est pas un jeu d'action

Sur chaque planète, vous allez faire des rencontres vraiment spéciales.

Après, si vous pensez avoir à faire à un énième Halo 3, vous allez tomber de haut : Mass Effect 2 n'est pas qu'un jeu d'action mâtiné d'aventure (ou l'inverse). Les combats sont réussis, notamment si vous choisissez une classe comme Adepte où les pouvoirs paranormaux rendent les affrontements hyper joussifs : c'est toujours drôle d'envoyer une boule d'énergie par dessus un mur, de créer un vortex qui aspire les ennemis ou de balancer des ondes de choc qui traversent tout... En comparaison, ça sent le déjà vu avec les autres classes : l'ingénieur, le soldat ou encore le sniper. Pour avancer, il faut quand même recruter des spécialistes dans chaque classe et constituer une équipe homogène, capable d'abattre les cibles humaines, aliens, robotiques ou psy. Les combats en temps réel, dotés d'un mode pause bien pratique pour donner des ordres, sont souvent tactiques. Vous serez obligé de vous abriter et d'utiliser toutes vos compétences, plus celles de vos coéquipiers. A vous de les placer au bon endroit, à l'aide de la croix directionnelle, pour éviter que ces imbéciles ne crèvent bêtement en fonçant sur leurs cibles au lieu de se planquer courageusement. L'intelligence artificielle n'est pas douée, ce qui est gênant si vous ne jouez pas en mode Facile ou Normal. Non, malgré les apparences, Mass Effect 2 n'est pas au niveau des ténors que sont Gears of War 2 ou Uncharted 2, même si de gros progrès ont été faits depuis le premier épisode (notamment sur la localisation des dégâts). Et au fond, peu importe : les jeux d'action purs et durs, avec des burnes et des gros mots, on en a déjà plein. Non, la vraie différence, la vraie valeur de Mass Effect 2 est ailleurs. Ce jeu est anthologique pour une autre raison ; il s'agit d'une fresque épique, d'un space opéra qui par ses accents, ses décors et sa bande son, fait furieusement penser aux références cinématographiques du genre : Star Wars en tête, notamment, ou encore le Star Trek de J.J. Abrams.

La condition humaine, version space opera

Les combats sont en temps réel, mais vous pouvez faire une pause à tout moment pour donner des ordres précis.

La grande force de Mass Effect 2, c'est d'offrir une variété d'environnements et de créatures absolument incroyable, plus qu'aucun jeu n'en a jamais proposé. Chaque planète a sa propre personnalité : jungle luxuriante, désert aride, cité technologique, île paradisiaque, ville dévastée... Les planètes sont à l'image des peuples qui vivent dessus. Autant dire que chez les Krogan, la race la plus agressive de la galaxie, le paysage est apocalyptique. Comme le résume très bien un natif, la planète rend les Krogan plus endurants et plus brutaux encore, tandis que les Krogan la défigurent chaque jour un peu plus. Recruter un alien de chaque espèce pour constituer votre commando, puis gagner sa loyauté, est du coup particulièrement compliqué ; tout en offrant au final une vision nuancée de la complémentarité et de la cohabitation entre les différents peuples, les différentes races. Les développeurs posent intelligemment les bases d'une vraie réflexion sur la conquête de l'univers, basée sur les forces et les faiblesses de chaque espèce ; en pointant du doigt la guerre avec les Krogan, ou l'épuisement des ressources naturelles chez les Drell, mais sans jamais tomber dans le moralisme débile. Les particularités biologiques marquent au fer rouge les différentes espèces : les individus de certaines races vivent mille ans ; d'autres comme les Geth bénéficient d'une conscience collective qui les rend immortels, même si leur corps est détruit. Evidemment, chaque race est conditionnée par ces particularités et par les conflits qui en découlent. Mais les particularités biologiques ne sont qu'une partie du problème. Ce sont surtout les comportements des différentes races qui sont critiquables : elles sont toutes motivées par la peur, la haine, le pouvoir, l'orgueil ou la soif de revanche... Les humains notamment sont détestés par les autres pour leur réussite, combinée à une soif de pouvoir et un individualisme aveugles. Un mélange très dangereux pour les autres espèces, parfois ressenti comme une menace pour la galaxie. Et que diriez-vous si une race plus évoluée, les Moissonneurs par exemple, jugeait l'humanité de la même façon que celle-ci juge les Krogan : comme une race nuisible à écarter... ?

Shepard ! Vous êtes plutôt idéaliste ou pragmatique ?

Les rapports sexuels sont rares et les cinématiques vite expédiées. Dommage !

Mass Effect 2 est tellement dur avec la race humaine, on se croirait presque chez Tolkien... Du coup ce jeu fait preuve d'une ambition, d'une profondeur et d'une finesse incomparables. Vous allez juger des individus, mais aussi des peuples ; réparer ou entériner des décisions amorales mais présentées comme salutaires, par exemple sur la politique de natalité des dangereux Krogan ; et déclencher ou empêcher des génocides. Chacune de ces décisions majeures a non seulement un impact sur la galaxie toute entière (et sur Mass Effect 3, comme l'annoncent déjà les développeurs), mais aussi sur vos coéquipiers qui ne se gênent pas pour exprimer leur ressenti. Au point de vous faire peut-être regretter certaines décisions. Chaque situation est conflictuelle, et le moins qu'on puisse dire c'est que Bioware n'y est pas allé de main morte. Certains personnages ont subi des sévices sexuels dans leur enfance, d'autres sont obligés de tuer des membres de leur propre famille... Uniquement par le biais des dialogues, ciselés comme des diamants, vous pouvez pousser vos interlocuteurs au meurtre, voire au suicide. Un peu d'intimidation, des propos trop durs, et vous allez assister, sidéré, aux conséquences parfois extrêmes de vos actions. Pendant l'intégralité du jeu, qui dure entre 20 et 35 heures selon que vous décidez de tout voir ou non, vous aurez le choix entre le pragmatisme le plus sordide et l'idéalisme le plus niais ; en sachant que vos coéquipiers et votre employeur, l'Homme trouble (Illusive Man en anglais : c'est plus subtil), réagissent soit à l'un, soit à l'autre. La fin du jeu perd le côté dramatique du premier dont le final était calqué sur Le Retour du Jedi, entre duel impitoyable et bataille spatiale, mais livre in extemis la vision de Bioware sur l'humanité et ses faiblesses viscérales : l'orgueil, la haine et la peur. Des défauts qui sont aussi ceux de l'Homme trouble, incarnation explicite du diable, le pragmatisme le plus absolu et le plus inhumain martelé sur fond de lave en fusion ; la question étant de savoir si, tout au long de cette aventure imparfaite mais remarquable, vous allez lui vendre votre âme après qu'il ait acheté votre corps.
Les Plus
  • Une profondeur psychologique inouïe
  • La variété et la splendeur des planètes, des décors et des créatures : dépaysement garanti !
  • Un jeu d'action mâtiné de réflexion humaniste et de conflits moraux
  • Plus rythmé et plus sombre que le précédent
Les Moins
  • Très grosse simplification des armes, armures et munitions
  • Extraire les minéraux des planètes : indispensable mais ennuyeux à mourir
  • Les bugs lors des dialogues / cinématiques, impardonnables
  • Les temps de chargement trop longs sur Xbox 360 : une grosse vingtaine de secondes à chaque fois
  • Il y a du sexe, mais vraiment pas assez
Résultat

Mass Effect 2 n'est pas un bon jeu d'action, mais c'est une putain d'aventure : il n'y a pas d'autre expression pour décrire la richesse et la profondeur de sa psychologie, ou la variété de sa faune alien. Voilà enfin un jeu dépaysant, motivé par une vraie réflexion sur l'humanité : ses faiblesses, ses forces, ses aspirations, mises en lumière par les autres races qui toutes, sans exception, ont quelque chose de terriblement humain. Depuis les Krogan émasculés et leur soif guerrière de combat jusqu'aux terribles Geth, chaque race, chaque personnage, déclenche des réactions, des réflexions et des décisions qui donnent une coloration unique à ce qui n'est, pour le reste, qu'un jeu vidéo imparfait. Entre morale, psychologie et philosophie, Mass Effect 2 mérite largement son titre de jeu incontournable ; et tant pis si cette suite a subi des simplifications majeures ou souffre de quelques bugs. Le niveau de la partie aventure est placé tellement haut que seuls les férus de jeux d'action ou les adorateurs du premier volet pourront sans doute lui en tenir rigueur.

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