Test | Les Chevaliers de Baphomet : Reforged
30 sept. 2024

La chèvre de M. Stobbart

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Broken Sword : Reforged

Les Chevaliers de Baphomet : Reforged est le remaster d'un jeu de 1996 qui aura marqué le genre du point'n click. Grâce à son cadre contemporain, loin des magiciens et autres pirates du genre, ses énigmes réalistes et surtout son humour grinçant. Ce remaster sublime les graphismes originaux mais garde sa structure antique, ce qui va séduire les nostalgiques ou les rendre... chèvre.

L'histoire

George Stobbart n'aime pas les clowns. Il faut dire que le dernier qu'il a croisé à Paris a laissé une bombe et un mort derrière lui – vraiment noir, son humour. George pourrait quand même remercier le clown tueur : c'est grâce à lui qu'il rencontre la journaliste Nico Collard, et toute une galerie de personnages hauts en couleur. L'historien Lobineau, incollable sur les chevaliers du Temple. Le jeune vendeur syrien Nejo devenu polyglotte grâce aux séries télé des années 80. Des animaux aussi, du chat hautain à la mythique chèvre irlandaise. France, Espagne, Syrie, Irlande, George collectionne les miles et les moues de Nico, sans jamais remercier un instant le maudit clown assassin. Sans lequel il serait toujours assis à la terrasse d'un café parisien, à regarder les passants et la serveuse.
Irlande, Syrie, Espagne : vous allez voir du pays grâce au clown (et aux Templiers)

Le principe

George a une dent contre les clowns. Et les mimes. Et les jongleurs. Et les touristes. Et les...

En bon jeu point'n click à l'ancienne, Les Chevaliers de Baphomet : Reforged demande un peu de logique et beaucoup d'observation. Chaque scène est bourrée d'éléments à observer ou avec lesquels interagir, du journal indispensable pour distraire un ouvrier et s'emparer de ses outils, en passant par la clef d'une chambre surveillée de (très) près par un réceptionniste d'hôtel consciencieux (et hautain). La solution ? Parler à tout le monde, souvent plusieurs fois, pour débloquer de nouvelles actions. Contrairement aux antédiluviens Discworld, la collecte et l'utilisation des objets est souvent logique ici. Et pour ceux qui calent, un système d'indices progressifs à la Return to Monkey Island permet d'avancer sans consulter une soluce en ligne.
Les énigmes reposent autant sur les dialogues que sur les objets à ramasser

La nostalgie

Cette chèvre irlandaise en a laissé plus d'un sur le carreau. Pro tip : George sait courir...

Chaque nouveau décor, chaque nouvelle scène sont un régal. L'impression d'avancer dans une bande dessinée est incroyable, chaque nouveau lieu ressemblant à une case de BD. Le soucis du détail, la qualité des éclairages et de la direction artistique magnifient le jeu et laissent penser qu'il n'a pas changé, qu'il est identique à vos souvenirs. C'est faux ! Il suffit d'appuyer sur un bouton pour afficher les graphismes d'origine et constater l'ampleur de la restauration.

La bouille de pixels, dont certains détails étaient illisibles, devient une peinture 4K. Le travail de réinterprétation est aussi impressionnant que pour Diablo II : Resurrected, dans un autre genre. L'humour potache (et souvent scabreux) est fidèle à la version originale aussi, comme dans ce passage où George compare la taille de son engin avec celui d'un majordome. Reste le gameplay, un peu raide : le point'n click en 2D vieillit mal, surtout comparé à sa relecture moderne type Until Dawn.
Déplacements lambins, dialogues verbeux : le jeu cache ses archaïsmes sous un ravalement 4K sublime

Pour qui ?

L'humour vachard de George fait mouche, comme lorsqu'il se moque de ses compatriotes américains.

Attention, il faut aimer les point'n click à l'ancienne. Sous ses graphismes superbes se cache une ossature un peu rigide, basée sur des déplacements lents, des dialogues savoureux mais aussi verbeux, et des énigmes restées dans leur sauce – vous adorerez l'Irlande, son pub déglingué, sa chèvre enragée et ses allers-retours redondants. Même remarque pour l'hôtel du tueur où vous allez passer votre temps à parler aux deux mêmes personnages en alternance pour résoudre l'essentiel des obstacles – usant. Rien de rédhibitoire pour ceux qui ont adoré l'original ou qui aiment le genre, mais il vaut mieux être prévenu : les graphismes sont modernes, le fond du jeu est ultra vieillot.
Les nostalgiques seront aux anges. Les autres ont intérêt à aimer les point'n click à l'ancienne

L'anecdote

Voilà le jeu version 1996. C'était plus beau dans mes souvenirs...

Ayant alterné entre une TV 4K et le Steam Deck OLED, je suis bluffé par la réalisation. Même le nez collé à la TV, la finesse des graphismes et le détail ahurissant des décors décrochent la mâchoire – surtout quand je repasse d'un bouton à la version originale 1996 "dans son jus". C'est pareil sur Steam Deck : la qualité des décors, des éclairages, des animations contribue largement au plaisir de débloquer de nouvelles zones, quitte à multiplier les allers-retours et les dialogues. Cerise sur le gâteau : vous pouvez passer à tout moment de l'écran tactile aux contrôles manette sur le Steam Deck, sans avoir à valider le moindre menu – le jeu détecte en temps réel le changement de contrôle. Pratique pour cliquer sur un objet lointain ou pour balayer l'écran avec le stick, à la recherche de zones interactives.
Un régal sur TV 4K comme sur Steam Deck
Les Plus
  • La réalisation sublime
  • Les contrôles remis au goût du jour, avec le tactile sur Steam Deck
  • L'ajout d'indices progressifs si jamais vous séchez sur une énigme
  • L'humour moqueur de George Stobbart n'a pas pris une ride
  • La possibilité de passer à tout moment aux graphismes de 1996
Les Moins
  • Souvent verbeux, avec des allers-retours lambins : il ne faut pas être pressé
  • La chèvre irlandaise, toujours aussi teigneuse 20 ans après
Résultat

Visuellement, c'est une réussite. L'humour omniprésent et très années 90 fait mouche, 20 ans après, ce qui va ravir les boomers et les fans de l'original. Et les autres ? Ils peuvent se laisser convaincre, à condition d'accepter les contraintes du genre point'n click, avec ses déplacements lambins et ses objets hétéroclites à collectionner puis à utiliser au bon endroit. Les énigmes ne sont pas farfelues contrairement à d'autres jeux du genre (coucou Rincevent), mais les dialogues verbeux, les allers-retours entre personnages et les passages Wikipedia forcés sur les Templiers nuisent au rythme sur la durée. Un jeu magnifique qui garde un gros ventre mou.

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