Test | Persona 3 Reload – Episode Aigis
24 sept. 2024

L'or en plomb

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Persona 3 Reload - Episode Aigis
  • Éditeur SEGA
  • Développeur SEGA
  • Sortie initiale Sept. 2024
  • Genres Aventure, Rôle

Ça y est ! L'extension Episode Aigis de Persona 3 Reload est disponible, histoire de conclure en beauté l'aventure principale. Petit plus : même s'il se déroule chronologiquement après, ce DLC est accessible d'emblée, depuis le menu – pas besoin de finir le jeu original pour se lancer donc. Alors qu'est-ce qu'il apporte ? Est-ce que son prix élevé de 35 € est justifié ?

L'histoire

Cet Episode Aigis a inventé le poisson d'avril ultime : le 31 mars à minuit, le monde entier bascule... au 31 mars à nouveau. Comme dans un célèbre film avec Bill Murray, tout le monde répète la même journée indéfiniment. Tout le monde ? Non ! Un petit groupe d'étudiants irréductibles résiste encore et toujours au sortilège. Coincés dans leur dortoir, incapables de sortir, Mitsuru, Junpei, Yukari et leurs amis cherchent une solution. Elle leur tombe littéralement dessus sous la forme de Métis, une androïde agressive qu'Aigis va calmer à grands coups de claques. Ça n'a aucun sens ? Attendez la suite : il y a un désert paranormal dans la cave, avec des portes qui donnent sur des donjons. Une mystérieuse silhouette qui ressemble à un ami disparu. Et des voyages dans le temps. Oui, c'est probablement à ce moment-là que vous vous rendez compte, comme les développeurs, qu'il ne vous reste plus de cocaïne.
Comme dans Monstres et Cie, il faut se prendre des portes

Le principe

Derrière ces portes, une fois un donjon fini, un flashback très sympa ou... un bête retour au hub.

Bonne nouvelle, vous pouvez importer votre sauvegarde de Persona 3 Reload dans Episode Aigis, en conservant toutes vos stats et Personas débloquées (des cartes de démons que vous récupérez lors des combats et qui permettent d'utiliser leurs sorts, pour simplifier). Si vous n'aviez pas fini le jeu, attention quand même : Episode Aigis spoile la fin régulièrement, tout en vous permettant d'incarner des personnages que vous ne connaissez pas forcément. Et ce n'est pas la seule surprise : la quasi intégralité du jeu se déroule dans des donjons, sans accès à la surface – exception faite du centre commercial Paulownia pour s'équiper en armes et autres soins. Plus de cours au lycée Gekkoukan ou de balades au sanctuaire de Naganaki : vous êtes là pour casser des Ombres et trouver la sortie, point. Sur le papier, pourquoi pas : après les innombrables corvées que représentaient les cours et les activités extra scolaires (jobs d'étudiant pour payer l'équipement, sorties pour créer du lien avec les autres), l'idée de se concentrer sur la baston est séduisante.

Sauf que. En retirant la carte de la ville, ses destinations, les personnages non joueurs externes au dortoir et tous les petits moments de liberté que vous aviez le soir et le week-end, cette extension enlève beaucoup de vie et de charme au jeu original. Alterner entre le dortoir et le donjon signifie qu'il n'y a plus de ragots, de sorties avec des camarades de classe ni de conversations charmantes avec un couple de vieux libraires par exemple. Ni d'événements spéciaux : Ombre géante qui envahissait le dortoir, monorail devenu fou... Cette extension a un côté très utilitaire : nettoyer les donjons. Tout tourne autour de cette unique activité, y compris vos discussions dans le dortoir barricadé. Un beau gâchis, vu le potentiel ; explorer la ville et essayer de changer le cours de la journée comme dans Un jour sans fin aurait été beaucoup plus fun.
Le jeu se déroule presque exclusivement dans des donjons, en sous-sol : claustrophobes s'abstenir

La répétition des donjons

Bien utiliser les jauges "Théurgie" des héros ajoute une dimension stratégique aux combats.

Le jeu se transforme en bête dungeon crawler, un sous-genre de RPG ultra niche en Occident. Pour une raison bien simple : ce type de jeu est hyper répétitif. Surtout quand les donjons sont générés aléatoirement comme ici, avec des briques de salles que vous apprenez vite à reconnaître au premier coup d'œil. Les premières heures font un peu illusion, grâce aux nouvelles mécaniques de gameplay : furies "Théurgie" propres à chaque héros, portes "Monade" pour affronter des mini boss successifs et gagner du loot de qualité... Au début, cette extension abat ses cartes très progressivement, donnant l'illusion de la variété. Brièvement.

Puis au bout de quatre ou cinq heures, la photocopieuse s'emballe : vous retrouvez les mêmes décors recyclés. Les mêmes ennemis, dont seules les vulnérabilités magiques changent – super, vu que le jeu vous encourage à tester les nombreuses magies sur tous les ennemis pour documenter leurs failles et les achever facilement, et que ça coûte un nombre de points dédiés ruineux (les PC). Et surtout la même mécanique : portes "Monade" dès le deuxième sous-sol d'un nouveau donjon, Ombre Gourmande géante à courser puis à taper comme une piñata pour lui faire cracher tous ses trésors, boss, et nouvelle porte qui ramène au hub désertique. Avec comme unique carotte quelques rares cinématiques, des flashbacks très bien faits mais vraiment trop peu nombreux. Rincez et répétez, comme disent les anglais. Pendant 20 heures environ, ce qui fait beaucoup trop pour des donjons et des ennemis copiés-collés, sans intermèdes ni activités annexes en ville.
Les quatre ou cinq premières heures font illusion, les quinze suivantes beaucoup moins

Pour qui ?

Vous retombez vite sur les mêmes ennemis, dont les vulnérabilités sont juste réinitialisées. Usant.

Vous avez tous vu le Coca-Cola coupé avec de l'eau des distributeurs de mauvais fast-food ? C'est l'impression que donne Episode Aigis. En retirant les activités scolaires et les sorties en ville, cette extension se concentre un peu trop sur des donjons pas fifous. Leur level design est médiocre, la faute à un générateur aléatoire qui peine à masquer les briques dont chaque niveau est constitué. La répétition des décors et des monstres renforce l'impression de faire du surplace. Drame vécu : comme moi, vous risquez de jeter un œil à des soluces pour vérifier que non, vous n'êtes pas en train de tourner bêtement en rond, que vous n'avez pas raté un embranchement, une porte. Aucun risque : cette extension est ultra dirigiste. Elle coupe juste son Coca avec beaucoup trop d'eau.

C'est aussi parce que l'histoire n'avance pas : la poursuite de la mystérieuse silhouette qui sert de fil conducteur est essorée jusqu'à plus soif. C'est presque un running gag : vous arrivez devant un boss, et vous voyez ce MacGuffin disparaître au coin, sous les exclamations poussives de vos héros. Ridicule. Du coup les quelques innovations comme les furies "Théurgie" ou les portes "Monade" ne suffisent pas à renouveler l'intérêt. Il manque des personnages hauts en couleur qui donnent du fil à retordre à vos héros ; des méchants dont il faudrait purifier le cœur comme dans Persona 5 : Royal. Poursuivre une ombre pendant tout le jeu, c'est un peu court jeune homme – ça ne tient pas 20 heures en tout cas.
Il manque des pauses entre les donjons, et du peps au scénario

L'anecdote

Le jeu original multiplie personnages secondaires et histoires annexes dehors, entre deux donjons.

Episode Aigis m'a d'autant plus déçu que j'ai adoré Persona 3 Reload. Je ne compte plus les trajets en train passés sur le jeu original (merci le Steam Deck), avec le temps qui défile aussi vite que la campagne française derrière les vitres crades du TGV. L'équilibre du jeu original est tout simplement parfait : matinées pénibles avec cours puis examens. Après-midi trop courtes passées avec des filles qui vous trouvent plutôt mignon, tout en rougissant quand leurs copines vous prennent pour leur petit ami. Soirées passées à réviser ou à... euh... traîner en boîte avec une voyante. La belle vie quoi.

Bref. Les donjons servaient surtout d'intermèdes la nuit, et de défouloir. Leur côté répétitif était contrebalancé par le fait que vous reveniez très vite à la surface, souvent par manque de points de magie PC – ou parce qu'une barrière infranchissable vous empêchait de rejoindre l'étage suivant avant d'avoir progressé en classe. Le meilleur moyen de compenser la répétitivité de cette extension Episode Aigis, amputée de toutes les sections vivantes du jeu original, c'est de la pratiquer à petite dose. De lancer une partie de temps en temps, sur Asus ROG Ally X ou Steam Deck par exemple ; ou en faisant autre chose, comme écouter un podcast (ou votre compagne/compagnon vous raconter sa journée). La répétition des couloirs et des ennemis a un côté hypnotisant qui passe crème au fond d'un canapé, ou d'un lit, en mode portable.
Le jeu de base reste une valeur sûre : donjons et narration sont très bien équilibrés
Les Plus
  • Les combats enrichis
  • Les nouvelles furies "Théurgie", les épreuves des portes "Monade"
  • Le côté complétiste du Compendium de Personas
  • Optimisé pour Steam Deck
  • La carotte de la "vraie" fin
Les Moins
  • La suppression du lycée, des sorties, des relations à creuser en dehors de l'équipe...
  • La répétitivité des donjons générés aléatoirement – handicapant pour un dungeon crawler
  • Prix élevé de 35 €
Résultat

Atlus a transformé l'or d'un excellent RPG, Persona 3 Reload, en dungeon crawler plombant. Les quelques nouveautés de cette extension ne renouvellent pas suffisamment l'intérêt ; la vingtaine d'heures nécessaires à la finir pour voir la "vraie" fin deviennent vite répétitives. Donjons générés de façon procédurale, recyclage des décors et des ennemis, prétexte scénaristique étiré comme un élastique, manque de rebondissements et de narration... La variété et l'équilibrage du jeu original font cruellement défaut, tout comme les séquences en extérieur – rarissimes. En ne reprenant qu'une toute petite partie de la recette initiale (les donjons), et en la diluant beaucoup trop de surcroît, Atlus facture au prix fort le remaster de cette extension. À réserver aux fans, à petites doses quotidiennes pour ne pas trop se lasser.

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