Brade Runner
- Éditeur PLAION
- Développeur Critical Hit Games
- Sortie initiale 17 juil. 2024
- Genres Aventure, First Person Shooter
New York, un futur alternatif. Des voitures volantes au look des années 30. Des transferts de conscience dans des individus achetés aux enchères. Des jeunes forcés de vendre littéralement leurs corps à des nababs, faute d'argent – tout ça est tristement banal dans Nobody Wants to Die, un jeu d'enquête en vue subjective qui rappelle autant Observer que la série TV Altered Carbon.
L'histoire
Votre radio grésille. Une voix féminine : c'est la jeune officière de liaison Sara Kai, 30 ans à peine. Vous en avez 120 et vous en êtes déjà à votre quatrième corps – le dernier, vu l'état de vos désynchronisations et autres hallucinations, amplifiées par les traumas à répétition, l'alcool et les drogues. Cette enquête sur des nababs assassinés les uns après les autres dans des endroits toujours plus luxueux est votre dernière enquête, vous le sentez bien. Celle qui vous permettra peut-être de mettre vos affaires en ordre, d'aider quelques proches. Avant de rejoindre Rachel dans l'au-delà, votre ex-femme adorée. La mort vous accompagne pas-à-pas dans Nobody Wants to Die, et malgré vos enveloppes charnelles successives, vous sentez bien que votre esprit finira par lâcher. Peut-être même avant la fin de cette affaire...
Le principe
Le travail sur le son est incroyable. Quand vous rembobinez, vous entendez quantité de... détails...
Nobody Wants to Die propose aussi des mécaniques hyper intéressantes. Aux gadgets qui permettent de détecter les taches de sang ou de voir à travers les objets avec des rayons X, il faut ajouter le clou du jeu : un bracelet qui sert à rembobiner le temps, comme dans les phases d'enquête d'un Batman : Arkham Knight. L'effet est saisissant, quand un bar qui explose se reconstitue lentement sous vos yeux. Ou qu'une sénatrice chevauche un vieillard de 91 ans qui s'amuse dans le corps d'un jeune éphèbe... avant que les balles d'un tueur ne les séparent au ralenti façon Max Payne. Remontez le temps, suivez les projectiles, rétablissez la chronologie des événements : il y a du Return of the Obra Dinn dans le puzzle que constitue chaque scène de crime.
Les limitations
Chaque scène de crime présente un ou plusieurs cadavres à inspecter. La DA est sublime.
C'est d'autant plus étrange que c'était théoriquement possible : il faut étudier plusieurs endroits successifs dans chaque scène de crime pour débloquer l'intégralité de la boucle temporelle, dans laquelle vous pouvez ensuite vous balader librement. Dommage donc que le jeu vous oblige à inspecter les indices dans un ordre choisi par avance – et ce même si vous avez repéré ici une blessure mortelle, là des impacts de balle, hélas pas dans l'ordre prévu par les développeurs. La réalisation a beau être somptueuse, du niveau d'un Cyberpunk 2077 patché, la liberté est minimale. Vous êtes sur des montagnes russes, sanglé dans des couloirs et des énigmes bien ficelées, avec des moments vraiment spectaculaires, cinématiques. Mais sans la moindre liberté. Une décision de game design qui épouse le propos liberticide du jeu, mais qui frustre clairement. Les ficelles sont un peu grosses.
Pour qui ?
Votre femme décédée vous hante. Vous ne saurez jamais vraiment pourquoi, même à la fin... Dommage.
Reste que si vous aimez passer des pièces au peigne fin pour détecter des indices (avec les développeurs qui vous tiennent gentiment la souris ou la manette pour vous montrer où regarder et dans quel ordre), Nobody Wants to Die est fait pour vous. C'est un jeu court, certes. C'est un jeu bancal aussi, hyper directif, terriblement linéaire. Au rythme haché, avec un climax à Liberty Island qui retombe comme un soufflé. Qui donne l'impression que les développeurs ont changé le dénouement à Central Park à la dernière minute, dans la précipitation – tant rien n'a de sens. Mais c'est aussi un jeu qui vous laisse une impression durable grâce à son atmosphère poisseuse, son monde liberticide et corrompu, ses décors sublimes. Et ses personnages cassés qui se débattent dans leurs névroses. Un jeu qui a une âme, et de vrais moments de grâce.
L'anecdote
Ce n'est pas parce que le jeu vous dit qu'un choix est déterminant pour la suite qu'il l'est.
Cette mention est surtout là pour vous responsabiliser, voire vous culpabiliser. Reste qu'il suffit de relancer une partie pour se rendre compte de la supercherie. Il y a quatre fins, très similaires, toutes cryptiques, avec quatre choix déterminants seulement pendant toute l'enquête – dont un à la toute fin du jeu. Moi qui m'étais fait un plaisir de jouer les flics alcooliques, voleurs et agressifs lors de mon premier run, je m'attendais à des sanctions qui ne sont... jamais tombées. Soupir. Comparé à Detroit : Become Human avec ses multiples embranchements à visualiser (et à modifier) en cours de partie, c'est forcément la douche froide.
- L'ambiance, la direction artistique, la réalisation
- La bande-son, musiques et bruitages – notamment les déformations sonores quand on joue avec le temps
- Les dialogues et respirations entre deux scènes de crime : une réussite
- Le petit prix, 25 € seulement
- Les indices à étudier dans un ordre précis pour chaque scène de crime : dommage
- 90 % des choix sans conséquences, à part quatre d'entre eux (dont un à la toute fin)
- Cinq à six heures seulement, sans possibilité de rejouer un chapitre ; une fois le jeu fini, la sauvegarde automatique vous bloque au générique de fin
- Un bug vous empêche de valider les options de dialogues au clavier sur PC, et c'est impossible à reconfigurer : jouez à la manette en attendant...
Nobody Wants to Die passe à deux doigts du chef d'œuvre. Les quatre fins, toutes décevantes, achèvent une enquête qui commençait à partir en boudin après la déception de son faux climax, sur Liberty Island. Le tueur en série reste élusif, ses motivations et son mode opératoire obscurs ; et le jeu retombe comme un soufflé, abandonnant des pans entiers de scénario comme les apparitions spectrales de votre ex-femme Rachel. Pire, vos décisions martelées comme critiques par le jeu n'ont en réalité aucun impact, à part quatre d'entre elles sur cinq ou six heures de jeu (voir encadré). Restent l'ambiance, exceptionnelle, et quelques dialogues particulièrement inspirés sur la mort, la liberté et le capitalisme débridé – cités en italique dans ce test. Suffisamment pour donner au jeu son âme. Mais pas assez pour le faire entrer dans la cour des grands. Vivement une suite, car ce premier jeu (jet ?) est prometteur.