Test | SCHiM
15 juil. 2024

Le sol est en lave

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SCHiM

En quelques images, SCHiM tape dans l'œil et ne laisse pas indifférent. Avec sa vue en 3D isométrique, ses palettes de couleurs tout en bichromie et sa mécanique étrange où vous sautez d'ombre en ombre, le titre a tout pour vous embarquer loin des standards, le temps d'une échappée onirique. Mais est-ce que SCHiM vaut le détour ? L'ombre d'un doute persiste...

L'histoire

Après une enfance classique, un homme entre difficilement dans la vie active : études hasardeuses, vie amoureuse en miettes, ce pauvre bougre finit par en perdre son ombre. Voilà qui est fâcheux. Cette ombre, c'est vous, ou plutôt une forme de petite grenouille qui saute d'ombre en ombre pour retrouver votre maître. Abandonnée, esseulée, vous lui courez après à travers les niveaux, le manquant de peu à chaque fois. Et vous le voyez d'ailleurs vieillir au fil des jours qui passent, jusqu'à mûrir également. Cette errance personnelle qu'il a vécue sans vous, son ombre, prend finalement fin quand vous vous retrouvez. Mais avant cela, vous observez de loin un homme déprimé, paumé, qui embrasse même les mimiques des Sims quand vous les priviez totalement de sommeil et de nourriture. Et courir après un dépressif n'est en réalité pas le but le plus marrant qui soit dans un jeu vidéo.
À l'ombre d'un jeune homme en pleurs

Le principe


SCHiM est un titre bourré de bonnes idées qui manquent cependant de liant. Le principe de base est intriguant : vous êtes un petit être sauteur à deux grands yeux, capable de plonger d'ombre en ombre avec un premier saut d'une distance correcte, suivi si besoin d'un petit sursaut pour terminer votre course. Pas d'ombre signifie pour vous pas de déplacement, avec un temps limité pour toucher une flaque noire, sans quoi vous revenez à votre point de départ. Cela implique donc de bien choisir vos chemins, certains (un peu trop nombreux) vous menant dans des culs-de-sac. Par ailleurs, vous pouvez activer des mécanismes pour faire évoluer leur ombre, comme par exemple une barrière de voie ferrée, un feu rouge qui va devenir vert et lancer le flux de cyclistes, ou encore utiliser l'ombre d'un golfeur pour tirer un fantastique coup à travers la carte. Malheureusement, ces quelques mécaniques sont à la fois bien trop rares, et quasi systématiquement optionnelles. Au lieu d'être un jeu nécessitant d'exploiter au mieux son environnement par un peu de réflexion, SCHiM est avant tout un jeu de plateforme où la répétition s'installe malheureusement trop rapidement.
Plongez dans le côté obscur

Les mécaniques

L'unique coup de club (j'ai fait un birdie).

Rah, c'est dommage quand même. Toutes les bonnes idées qui arrivent dans SCHiM sont l'occasion de se dire que ses auteurs sont drôlement malins, quand même : après une phase assez classique, le jeu vous invite à présent à penser différemment. Prenons cet exemple du terrain de golf, où une fois logé dans la balle, vous choisissez l'orientation et la puissance du tir. Le jeu qui devient un jeu de golf, mais oui ! Mais en fait : non. Car après ce tir unique, le titre reprend sa mécanique classique de saut de flaque d'ombre en flaque d'ombre. Idem pour les quelques objets à déplacer ou à alimenter en électricité : certes, appuyer sur l'ombre de l'interrupteur fera ouvrir temporairement le rideau de fer de l'usine, mais vous ne le ferez qu'une fois dans tout le jeu. Pourquoi ne pas avoir construit les niveaux sur la base de ces apprentissages, pour corser – et surtout rythmer – davantage le tout ?

A contrario, certains niveaux s'appuient sur une fluctuation de trafic (piétons, vélos, voitures) pour vous faire avancer, avec quelques loupés : des vélos qui n'arrivent plus, des feux que vous avez changés de couleur mais sans possibilité de revenir en arrière... il ne vous reste plus qu'à redémarrer le niveau : pas dramatique, mais rageant. Enfin, notons la présence d'autres grenouilles égarées : elles ont perdu un objet que vous pouvez trouver dans les alentours. Encore une fois, ces mini-quêtes accessoires auraient pu davantage aider votre progression, en ouvrant un passage différent par exemple, mais il n'en n'est rien. Dommage !
À deux doigts de la perfection

Pour qui ?

La référence à Frogger, oh oui !

Tout dans SCHiM donne envie de s'y plonger. D'abord le style visuel avec ses formes traitées en contours et en à-plats, qui avec deux couleurs seulement permettent de raconter une scène avec beaucoup de vie. L'ambiance sonore également, avec tous les objets et éléments interactifs du décor, que vous allez titiller pour voir ce qui se passe... Et puis avec ses niveaux animés, plein de détails, que vous apercevez de votre fenêtre en 3D isométrique, avec la possibilité de changer d'angle grâce aux gâchettes et voir les perspectives différemment. Cette ambiance légère est malheureusement plombée par un héros antipathique. Même si vous ne l'incarnez pas, vous vous faites suer à essayer de le rattraper alors que son attitude de loser ne donne absolument pas envie de le rejoindre. Le type se réchauffe une pizza surgelée directement dans le micro-ondes du supermarché pour aller la manger sur un banc : mais qui fait ça ? Non, désolé, il semble préférable pour notre sympathique petite grenouille de partir vivre sa vie, et basta.
Ne pas confondre monochromie et monotonie

L'anecdote

L'une des plus belles palettes du jeu.

Au fur et à mesure de mes pérégrinations dans SCHiM, j'ai tout de même senti une petite touche semblant évoquer les canaux d'Amsterdam. Après quelques recherches, bingo : ses deux concepteurs, Ewoud van der Werf et Nils Slijkerman, sont installés aux Pays-Bas. Ce qui rend donc tout à fait normal la sur-représentation des vélos dans le jeu. Mais ce qui m'a encore une fois interpellé : deux personnes pour réaliser un tel jeu, woaw, bravo. C'est fou comme on a basculé dans une ère où la conception de jeu en quasi-solitaire est redevenue une réalité. C'était un des points clés lors de mon passionnant échange avec Jordan Mechner, le créateur de Prince of Persia, qui a vécu l'époque solo, puis l'époque méga-studio, et fait aujourd'hui le même constat. J'en reste admiratif ! et aussi un peu fâché car vraiment, SCHiM aurait pu être mon coup de cœur 2024.
Tiens, il y a beaucoup de vélos dans ce jeu
Les Plus
  • La direction artistique
  • L'idée de base
  • Les petits détails
Les Moins
  • La monotonie s'installe
  • Les bonnes idées laissées de côté
  • Les objectifs annexes sans impact
Résultat

Que c'est rageant ! SCHiM aurait pu être un joyau, une pépite de narration et de gameplay, un écrin d'un genre nouveau. Malheureusement, le titre semble encore jeune, le joyau est encore trop brut et mériterait un bon polissage. Quel dommage de ne pas exploiter davantage les mécaniques de l'environnement de jeu pour faire davantage réfléchir le joueur et interagir avec son espace. Même si les niveaux sont travaillés, diversifiés, la routine de la mécanique de plateformer s'installe, avec en plus un léger dégoût pour notre héros insaisissable et détestable. Un rendez-vous manqué.

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