Test | Wednesdays
24 mars 2025

L'amère innocence des mercredis après-midi

Testé par sur
Wednesdays

Wednesdays est un mal nécessaire. En s'appuyant sur des témoignages réels, le titre compose une expérience de vie, celle de Tim, la tête carrée, marqué à jamais par ce qu'il a subi. Pour pouvoir remonter à la surface, Tim va devoir couler et prendre appui au fond de la piscine. Vous pensez avoir le mental nécessaire pour l'aider ?

L'histoire

Comme souvent, tout commence de manière anodine. Un vieux jeu PC que vous relancez ravive peu à peu des souvenirs d'enfance. Ah tiens, cette fois où vous jouiez à Zelda chez un copain quand son grand frère débarque avec une cassette porno... Ou bien ce jour où, lors des funérailles de votre grand-mère, votre père n'a même pas su vous exprimer le moindre sentiment... comment aurait-il pu vous écouter pour autre chose, alors ? Ou encore le mercredi où votre grand-père a construit un mur dans le jardin familial, mais pas assez haut pour aller jouer chez votre cousin. Votre cousin, tiens, Giovanni : 7 ans de plus que vous, il vous laissait jouer à ce jeu qui ressemble à un Theme Park, dans sa chambre. Mais pourquoi les souvenirs de vos mercredis après-midi sont flous ? Pourquoi vous avez le sentiment qu'il y a quelque chose qui cloche avec ces parties chez votre cousin ? Vous relancez donc ce simili Theme Park pour recoller les morceaux de votre enfance, tristement ordinaire.
Le mercredi, c'est le jour des enfants

Le principe

Allô maman, bobo.

De la découverte des sens et du corps jusqu'au viol : Wednesdays dresse un panorama complet de la sexualité tantôt explorée, tantôt subie, du jeune Tim. La limite est franchie à de nombreuses reprises, tandis que le héros tente de distinguer à posteriori ce qui est normal de ce qui ne l'est pas. Comme de nombreuses victimes, il a attendu d'avoir le recul nécessaire sur sa propre expérience pour affronter le passé et admettre que non, bon nombre de ces moments n'auraient pas dû avoir lieu. C'est à travers des saynètes de quelques minutes, focalisées sur des événements précis, que vous façonnez les souvenirs de Tim : vous êtes parfois dans sa peau, parfois dans celle de son interlocuteur ou interlocutrice du moment : son père, son grand-père, sa grand-mère, une cousine, un copain, une copine, sa mère... et réagissez à la situation avec des suggestions de dialogues. Même si vous essayez de sauver les meubles, il est en réalité impossible de tirer Tim de son pétrin, tout finit par déraper. Chaque scène amenant à une issue vous provoquant un sentiment amer, allant du malaise à la boule au ventre.
Remuer des souvenirs comme un couteau dans la plaie

Pour qui ?

Qui n'a pas de pareil souvenir ?

Wednesdays n'est clairement pas le genre de titre que vous lancez pour vous détendre. C'est avant tout une expérience de sensibilisation, plus qu'un jeu. Son objectif est de briser un tabou qui touche des millions de personnes en France : 1 personne sur 10 a subit l'inceste, et dans chaque classe 2 à 3 enfants en sont victimes. C'est absolument énorme, et si vous lisez ce test et êtes directement concerné : sachez que l'on vous croit. Wednesdays met donc en lumière ce qui peut parfois paraître anodin mais ne l'est pas : l'innocence des enfants face à la manipulation de leurs bourreaux est ici soulignée. Les victimes ne sont pas des coupables, même si malheureusement, statistiquement, elles ont tendance à reproduire le mal subi à leur tour. Alors pour éviter ça : il faut en parler, absolument. Parler aide à stopper l'horrible boucle dans laquelle il est possible de se sentir enfermé. Victimes, violeurs : parlez, on vous écoute.
Malheureusement, tout le monde devrait y jouer

L'anecdote

L'orque est un animal brutal – mais comment lui en vouloir ?

Quand m'a été proposé le test de Wednesdays, j'ai pris une grande respiration avant d'accepter. The Pixel Hunt est un studio doué pour traiter des sujets pas faciles, à propos desquels on a pas spécialement envie de jouer. Et pourtant nécessaires. Wednesdays n'a fait que renforcer mon effroi face à ces situations qui peuvent arriver à tout moment, de manière totalement incontrôlée et souvent dans un cadre familial proche. Le cliché du mec en imper avec des bonbons dans la poche a la peau dure, mais les victimes connaissent généralement très bien leur agresseur. C'est encore plus difficile d'y jouer en tant que parent et, plusieurs fois, j'ai posé le Steam Deck le temps de souffler un peu et chasser de mon esprit des pensées de haine et de violence. Car clairement, ce Giovanni, j'espère pour lui qu'il a un bon dentiste.
Entre impuissance et violence
Les Plus
  • Le seul jeu vidéo qui traite l'inceste
  • Une trame scénaristique qui s'emboîte parfaitement
  • Les situations ne sonnent pas faux
  • Vous en ressortez clairement marqué
Les Moins
  • Des choix de dialogues qui n'en sont pas vraiment
  • Le style crayonné donne un aspect non-abouti
  • Les bruitages monotones et inutiles de griffonnage
  • Impossible de faire échapper Tim du piège de Giovanni
Résultat

Wednesdays est un mal nécessaire. En une heure de temps, il donne les bases pour être vigilant quant à l'un des pire maux de notre société. Malgré son choix artistique du crayonné donnant l'impression de s'arrêter à un prototype et le choix radical de ne pas proposer de scénario échappatoire, il parvient à nous embarquer dans l'enfance de Tim, teintée d'innocence, d'envie de découvrir la vie et le monde, mais malheureusement marquée à jamais par des expériences qu'il n'a pas choisi d'avoir. Sa tête carrée ? Il ne la perdra jamais.

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