Test | THRESHOLD
14 déc. 2024

Rétro, boulot, dodo

Testé par sur
THRESHOLD

THRESHOLD, c'est la promesse d'une fable dérangeante sur le travail, la vie, la mort, les choix et les non-choix. Une expérience volontairement minimale – jusque dans son choix visuel ancré dans une époque révolue – tout en étant bien plus profonde qu'il n'y paraît. Croquez ce Air Can, vous avez besoin de reprendre votre souffle avant de remonter à la surface, où votre quart démarre.

L'histoire

Après quelques échanges désagréables avec un agent derrière sa vitre et son crachoir, vous posez vos affaires au vestiaire et remontez longuement à la surface à l'aide d'une vieil ascenseur. Comme si vous alliez à la mine, mais à la surface. Là-haut, l'air est rare, et cher. En prenant votre quart, Mo, qui termine le sien, vous montre les rudiments du métier. Votre rôle, pendant toute la journée, sera de veiller à ce que le train défile à allure constante à travers la montagne, jusqu'à s'engouffrer derrière un immense mur faisant office de frontière.

S'il va trop lentement, un coup de sifflet dans le micro et le voilà qui reprendra de l'allure. Sauf que votre précieux souffle en aura pris un coup. Fort heureusement, quand le train roule correctement, la compagnie vous rétribue en capsules d'air comprimé, les Air Cans, que vous croquez à vous en faire saigner les gencives. C'est pour cela que Mo a rendez-vous chez le dentiste après son quart, d'ailleurs. Il vous laisse à la surface car vous semblez vous débrouiller. Mais au moindre doute, comme par exemple un cadavre d'animal qui tombe du mur-frontière, n'hésitez pas à le rappeler...
Le train vous fera siffler trois fois

Le principe

Ambiance.

En suivant les principes griffonnés par Mo sur un bout de papier – car là-haut, l'air s'économise alors vous ne parlez pas –, vous entretenez une machine bien huilée, qui tourne depuis des années. Enfin, elle tourne mais tout de même, elle intrigue. Que contiennent ces wagons infinis ? Pourquoi ce baraquement qui se met à scintiller semble étrangement vous appeler ? Qu'y a-t-il derrière cet immense mur ? Vous pourriez vous contenter de charbonner sans broncher, s'il n'y avait pas ce tas de terre retournée, là-bas, qui attire votre attention. Avec votre sceau, vous retirez quelques mottes de terre encore fraîche : un cadavre. Mo vous apprend qu'il s'agit de votre prédécesseur, accidentellement mort la veille, qui cherchait à trop en savoir sur cet endroit.

Votre journée doit cependant se poursuivre. THRESHOLD introduit dès son démarrage une lancinante pression pour que vos tâches, répétitives, se maintiennent. Sur un fond de surveillance de train, puis récupération de capsule d'air, vous réparez quelques bricoles ou explorez les alentours, mais toujours de manière chronométrée, en optimisant vos déplacements. N'en faites pas trop, pas trop vite, sous peine de mourir étouffé. La patience a ses vertus.
Le travail c'est la santé

Pour qui ?

La cabane au fond du jardin.

THRESHOLD est loin d'être un jeu répétitif. Peu à peu, vous grappillez des bouts d'info, ramassez un objet, trouvez une clé, un puissant sifflet, agacez ce pauvre Mo qui ne semble finalement pas si innocent. THRESHOLD est au contraire une fable sur le travail, la société, la consommation. Ces wagons de train dont dépend la ville, vous découvrez assez rapidement qu'ils ne contiennent pas vraiment du blé. Le système dans lequel vous êtes plongé fonctionne avec de multiples rouages et vous êtes l'un d'eux. Vous voulez continuer à faire avancer cette machine discutable, ou y glisser un grain de sable qui peut avoir un effet domino ? Cette question vous appartient et à chaque moment de THRESHOLD, elle trotte dans un coin de votre tête. Jusqu'à ce que tout bascule.
Réveillez l'anarchiste qui sommeille en vous

L'anecdote

Voilà qu'il pleut des corps.

THRESHOLD est un jeu conçu et développé en solo par Julien Eveillé, qui a travaillé sur des titres comme Dishonored 2, Wolfenstein : Youngblood ou encore Deathloop. Autrement dit, des titres assez loin du genre de THRESHOLD. Une ambiance particulière, l'envie de faire un jeu très politique, une direction artistique calquée sur la folle époque PS-1... et un entretien d'embauche raté : il n'en fallait pas plus pour que Julien Eveillé réalise pour de bon son propre jeu, en solo.

Je suis toujours autant admiratif des créateurs qui se lancent ainsi, tête baissée dans une telle aventure, où l'on est tour à tour scénariste, graphiste, sound designer, développeur, level designer... Julien a beaucoup documenté son épopée créative sur son fil Twitter et c'est comme ça que j'ai été accroché à l'une de mes plus chouettes rencontres vidéoludiques de cette fin d'année.
« La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera »
Les Plus
  • L'ambiance, entre Tardi et Germinal
  • Le sound design
  • Le retournement complet de nombreux principes
Les Moins
  • Pas de sauvegarde à la volée, à savoir avant de se lancer
  • Le choix du pays est tout de même bien mystérieux
Résultat

THRESHOLD retourne des concepts évidents (l'air irrespirable en surface) pour retourner aussi vos convictions (obéir aux ordres aveuglément ?). De nombreuses allégories gravitent dans le titre, vous faisant dépasser sa surface a priori simpliste. Non, THRESHOLD est un titre qui mérite d'y replonger plusieurs fois, pour en saisir toute la crasseuse substance dont il est fait. Travail, famine, dentiste.

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