Test | Skull and Bones
26 févr. 2024

La peau sur les os

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Skull and Bones

Incarnez un pirate dans Skull and Bones, le nouveau jeu service d'Ubisoft. Enfin, un pirate... Un bateau pirate surtout, et la différence est de taille.

L'histoire

Ce n'est pas votre jour. Votre bateau est coulé en pleine bataille, vous échouez sur un radeau attaqué par les requins et le petit chef du coin vous envoie ramasser des débris contre la promesse d'une carte. Non seulement ce n'est pas votre jour, mais en plus vous avez zéro personnalité : quand il vous la met à l'envers, en bon pirate, vous ne répondez pas. Votre personnage muet (il ne parlera pas de tout le jeu) s'en va Gros-Jean comme devant. Les dialogues lapidaires adossés aux quêtes FedEx n'aident pas, que ce soit pendant le prologue ou tout au long du jeu. Pas de combat au sabre, de duel au pistolet, de coups de poing dans les chicots, ou soyons fous, de concours d'insultes à la Monkey Island. La première d'une longue déception.
Comme le dit Guybrush Threepwood : "Je peux t'aider à trouver les mots si tu veux"

Le principe

6 ressources différentes pour crafter un nouveau bateau, 56 en quantité : arrêtez, c'est trop.

Enfin arrivé sur l'île principale, vous découvrez le cœur du jeu : le crafting. Skull and Bones est un jeu de crafting où tout est bon pour dépenser des quantités astronomiques de matériaux : costumes, animal de compagnie, danses, voiles, etc.). Vous voulez un bateau ? Il faut crafter. Des canons ? Une coque renforcée ? Du crafting, du crafting et encore du crafting. Tout commence par la recherche de plans, à glaner auprès de marchands sur des îles éloignées – le jeu vous indique où aller. Il faut payer ces plans, entre 1 200 et 5 000 pièces ; sachant que couler un bateau ou looter une épave en rapporte entre 150 et 500, pour vous donner une idée. Faire une quête FedEx, 300 au début, 1 000+ a partir du niveau 5. Puis il faut partir à la pêche aux ingrédients – le jeu vous indique les routes maritimes et les comptoirs où les trouver. Et tout ça prend des plombes. Pas seulement à cause des quantités, avec des avant-postes qui ont les matériaux que vous cherchez mais en 1 unique exemplaire parfois, quand il vous en faut 4 ; mais aussi parce que pour naviguer, il faut recharger son endurance en consommant de la nourriture. À crafter. Quelle bonne idée, vraiment. Et si vous avez le malheur de trop remplir vos cales, votre vitesse de pointe déjà faible descend. Ô rage, ô désespoir, ô gameplay ennemi.

Ensuite, et ensuite seulement, Skull and Bones est un jeu de combat naval. Avec un choix incompréhensible : piloter un bateau, et non un capitaine libre de ses mouvements comme dans Assassin's Creed IV : Black Flag (2013) ou Sea of Thieves (2018). Pas d'abordage possible : c'est une simple cinématique. Pas de combat au sabre. Pas de bateau à partager avec des amis en ligne. Un qui gère les canons à bâbord, l'autre à tribord, un autre le gouvernail, un dernier pour réparer la cale ? Non, rien de tout ça. Ce jeu exclusivement jouable en ligne, sur des serveurs minuscules de 16 joueurs, ne propose que des combats navals très arcade. Il y a bien quelques îles à visiter à pied pour refaire le plein, parfois dénicher un coffre, mais sans armes, sans combats. Toujours avec les mêmes éléments dupliqués à l'infini, façon avant-poste dans Starfield : marchands quasi mutiques (parfois juste un « Hein ? »), bûcher de boost d'endurance maritime, notes et consommables à ramasser. Et du grind, donc. Avec le curseur des quantités placé à fond. C'est longuet en solo, un peu moins quand on fait équipe.
"J'ai des muscles à des endroits dont tu n'as jamais entendu parler"

Le multi

Vous allez attendre les autres en vain lors d'événements pourtant placardés sur chaque écran...

Quelle erreur, quel naufrage malgré le contenu gargantuesque. C'est d'autant plus frustrant que le multi fonctionne à merveille, que ce soit avec un illustre inconnu ou avec un ami (coucou Angku) – c'est aussi fluide et bien pensé que la coop d'Atlas Fallen. D'abord parce que chacun peut vivre sa vie dans son coin, à plusieurs dizaines de kilomètres de l'autre, puis le rejoindre avec un "Fast Travel" depuis un avant-poste (entre 300 et 700 pièces selon la distance, quand même – le grind, toujours). Ensuite parce que vous pouvez partager n'importe quel matériau, y compris ce qui est stocké dans votre réserve ou dans les cales de votre bateau.

Enfin parce que tout le loot, ainsi que les récompenses de mission, sont partagés – de quoi inciter les joueurs à s'allier, en théorie. Surtout que le loot augmente à plusieurs. Des événements spéciaux sont même là pour favoriser la coopération (et les trahisons, le "Player versus Player" étant possible à tout moment) : Capitaines pirates à couler, convois de loot exceptionnels, avec des pop-ups envoyés aux 16 joueurs connectés. Et ça ne marche pas. Que ce soit près de Sainte-Anne, l'île de départ où chacun fait son craft dans son coin, ou en mer, les événements sont vides. Les demandes d'alliances temporaires restent lettre morte. Quand ça marche, en revanche, quand 1 des 15 autres joueurs accepte enfin, ou quand vous jouez avec des amis, le grind devient moins éreintant. Au moins vous accumulez rapidement de l'argent.
"Une seule fois j'ai rencontré plus lâche que toi"

Pour qui ?

Vous ne vous déplacez (sans arme) que sur des îles ; elles ont les mêmes types de PNJ copiés-collés.

En étant un peu sévère, Skull and Bones propose moins de contenu clef que les batailles navales de Black Flag ou de Sea of Thieves. Pas d'abordage. De combats au sabre ou au pistolet. De rafistolage du bateau à la main. Il faut vraiment aimer le crafting, la navigation longuette et les combats navals arcade. En faisant tout ça sur des serveurs de 16 joueurs où vous croiserez rarement d'autres pirates, une fois sorti du hub principal qu'est Sainte-Anne. L'ajout d'événements spéciaux peine à rameuter les autres joueurs, malgré le spam de pop-ups, sans doute à cause du prix des "Fast Travel" et de l'incertitude de trouver ou non d'autres clampins à l'arrivée. Un bilan compliqué pour les fans de piraterie. Si vous cherchez un bon jeu de pirate récent, essayez plutôt Wartales : Pirates of Belerion – lui propose un gameplay plus fouillé, des personnages hauts en couleur aux dialogues concis mais percutants. De vrais dilemmes moraux. Des améliorations mieux pensées pour son bateau, notamment pour interpréter la direction du vent ou améliorer ses voiles (impossible ici). Sans oublier... des abordages. Et même, accrochez-vous au bastingage moussaillon : des duels à l'épée ! Un festin digne d'un jeu AAAAA.
"Tu ferais vomir un troupeau de porcelets"

L'anecdote

Sauf exception, les rares joueurs croisés ignorent vos demandes de coop : il faut jouer entre amis.

J'ai connu deux moments de grâce très temporaires en plus de 20 heures de jeu, deux moments où les planètes étaient parfaitement alignées. D'abord un jeu de cache-cache naval avec un autre joueur, à tirer des boulets et des torpilles en louvoyant entre des îlots – match nul, nous nous faisions si peu de dégâts à cause de nos coques renforcées et de nos canons médiocres que nous avons enterré la hache de guerre. Et... fait alliance ! Une coopération qui a fini torpillée par le Capitaine Galvin Roche, un boss trop résistant pour nous deux. L'absence d'autres joueurs, à quelques encâblures de Sainte-Anne pourtant, et quelques tirs de mortier trop dévastateurs, nous ont découragé.

Ensuite avec un autre joueur croisé vers 20 h sur un événement, alors que j'avais (mal) entamé un combat. Victorieux, complémentaires, nous décidons de faire équipe ; coulons tout ce qui bouge ; lootons comme des porcs ; achevons un autre joueur qui demandait de l'aide (gnark, gnark) ; rasons un fort (en prenant les couleurs de l'ennemi pour créer une guerre entre deux factions, un des rares moments forts de la campagne principale). Avant que je regarde ma montre et que je me rende compte qu'il est... 2 h du matin ! Revenu à Sainte-Anne, la dure réalité s'impose : le grind, même à deux, est excessif, avec une liste Excel déprimante d'upgrades et de matériaux à récupérer aux quatre coins de la carte. Je l'ai ajouté en ami Ubisoft pour de futurs jeux multi, nous nous sommes serrés la main, fatigués et heureux ; en sachant que revenus au bureau Windows, nous allions désinstaller le jeu.
"J'ai parlé à des singes qui étaient plus polis que toi"
Les Plus
  • La coop très bien intégrée
  • Des moments forts en équipe
  • Les îles au design unique et soigné (mais au contenu identique)
  • Les micro-transactions cosmétiques seulement (pas de pay-to-win)
Les Moins
  • Pas d'abordages, de combats au sabre, de bateaux à gouverner à plusieurs
  • Plus de grind qu'un gacha
  • La jauge d'endurance du bateau à recharger tous les kilomètres, vraiment ?
  • Le "Fast Travel" payant, plus cher que l'autoroute du sud
  • 16 joueurs par serveur sur une carte immense, des événements vides
  • Une commu qui joue dans son coin malgré les incitations à la coop
Résultat

La montagne pirate a accouché d'une souris. Sortir en 2024 avec moins de fonctionnalités que la concurrence est un vrai casse-tête, face à Sea of Thieves au hasard. Deux erreurs majeures sabordent l'intérêt : le choix étrange de ne jouer qu'un bateau, et pas un capitaine mobile capable d'abordages notamment. Et une feuille Excel de grind très mal dosée, qui fait de chaque upgrade (et de ses "Fast Travel" payants) un vrai calvaire. Les événements à la difficulté insurmontable en solo ne rassemblent même pas les joueurs (16 seulement, éparpillés sur la carte). Skull and Bones est réservé aux heureux élus, fans de crafting, qui peuvent y jouer avec deux autres amis grand minimum.

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