Brillant et brouillon
- Éditeur Bethesda
- Développeur Bethesda Game Studios
- Sortie initiale 6 sept. 2023
- Genres Action, Aventure, Monde ouvert, Rôle
L'espace, frontière de l'infini vers laquelle voyage notre vaisseau spatial. Sa mission : explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d'autres civilisations. Au mépris du danger (et des bugs), avancer vers l'inconnu. C'est ce que propose Starfield, la nouvelle franchise événement de Bethesda.
L'histoire
La promesse
Le dépaysement est total. Reste que le contenu aléatoire est ultra répétitif.
Sur le papier, la promesse est de taille : Starfield est un jeu d'action, d'exploration, de craft, de construction, etc., sur des dizaines et des dizaines de systèmes solaires très différents. Et ça marche. Ce jeu peut vous happer comme un trou noir. Vous pouvez engloutir des dizaines d'heures de jeu, que ce soit pour réunir les 279 425 crédits nécessaires à l'achat d'un vaisseau "Shieldbreaker" ou pour faire toutes les missions d'une des factions choisies – chacune rapportant entre 2 000 et 5 000 crédits. Le revers de la médaille, c'est que chacune de ces propositions montre vite ses limites.
L'espace temps
Le jeu vous incite à ne voyager que via la carte stellaire, sans utiliser votre vaisseau.
Cette compression de l'espace ne donne pas l'impression d'explorer, de voyager. Même dans les coins les plus reculés de la galaxie, vous trouvez une mine abandonnée, un complexe scientifique, bref une présence humaine – à chaque fois la même, copiée-collée jusqu'au contenu des emails dans les ordinateurs. La faune locale est rarissime. C'est la limite du contenu généré de façon aléatoire : le photocopieuse s'emballe et passées les vingt premières heures de découvertes, magiques, l'ennui s'installe. Surtout quand pour la dixième fois un vaisseau de pirates se pose à côté du votre dès que vous débarquez sur une planète. Puis redécolle, laissant cinq ennemis sur place, immobiles, pour le cas où vous iriez dans cette direction. Où est l'immersion ? Le sens de la solitude, de l'étrangeté, de l'inhabituel ?
La réalité
La surcouche RPG avec ses défis de compétence absurdement élevés est un ratage complet.
Ce qui est vrai pour l'exploration l'est aussi pour la création de bases. Ce qui suppose de grinder, beaucoup – le nombre de ressources à réunir est astronomique. Leur collecte redondante à l'absurde : fer, aluminium, tungstène, cuivre, béryllium... tout le tableau périodique des éléments va remplir vos soutes. Pire, il faut accumuler les points d'expérience ET remplir certaines conditions précises. Vous voulez crocheter des serrures ? Le premier niveau ne coûte qu'un point de compétence. Pour le second, il faut d'abord crocheter cinq serrures pour ensuite dépenser un deuxième point de compétence. Dès le troisième, il faut crocheter TRENTE serrures. Problème : il n'y a pas assez de serrures dans la campagne solo, qui dure une vingtaine d'heures, pour débloquer le troisième palier... Même chose pour améliorer les armes de votre vaisseau, au point qu'il faut passer par un simulateur de combat pour débloquer des paliers. Absurde.
Le dilemme
Le jeu récompense très mal l'exploration non violente. Le grind pour tout scanner est insupportable.
Et puis le jeu a sa part d'ombre : pour chaque qualité, son défaut. Vous développez les compétences d'infiltration ? Une mission taillée sur mesure vous demande de voler un artefact à un collectionneur... avec un level design inadapté. Le tout premier ennemi que vous croisez fait face à la toute première porte du jeu, grillant toute tentative d'infiltration. Génial. En fait, le jeu est englué dans l'héritage de Skyrim et de Fallout 4, avec les limitations de leurs moteurs archaïques : IA sommaire, moteur physique souvent pris en défaut (morceaux de décor ou cadavres qui dansent sur place, un grand classique), ou encore scripts qui ne se déclenchent pas. Surtout à la fin de la campagne solo, clairement bâclée avec ses textures au sol qui ne s'affichent pas ; et ses grottes dont les éclairages sont plantés, lampe torche comprise – un bug vous obligeant à tâtonner dans le noir. De quoi rappeler les errements de Redfall. Pour un jeu de ce calibre, et de ce budget, c'est particulièrement grave.
Pour qui ?
Vous pouvez influencer certains PNJ. À vous de cerner leur personnalité en un minimum de répliques.
Pour les nouveaux venus qui ne connaissent pas les jeux Bethesda, qui ont par exemple évité Fallout 76, ce Starfield fini à la truelle risque de décevoir autant qu'il a hypé. Ce sera peut-être une déception à la hauteur des espoirs placés jadis en Mass Effect Andromeda, ou encore No Man's Sky – des jeux très attendus et très éloignés de leurs promesses à la sortie. Un exemple ? Certains joueurs seront surpris de voir qu'une fusillade en ville laisse un barman au sol, fauché par les balles ; mais que si vous revenez peu après dans la pièce, ce même barman aura retrouvé sa place derrière le comptoir, et ses lignes de dialogue inchangées... au milieu des clients morts. De quoi tuer l'immersion pour énormément de joueurs, sans que cela ne fasse sursauter les fans du studio. Faites-vous partie de ceux que ça gêne ? Ou est-ce un détail trivial pour vous... ?
L'anecdote
Le New Game + réserve des surprises... si vous multipliez les runs.
- La direction artistique
- La narration, les rencontres aléatoires
- La variété des expériences : combat, exploration, construction, crafting, etc.
- La surprise du New Game +
- Les bugs, même avec les patchs Day One : impossible de finir certaines missions !
- Des choix d'interface et de game design décevants pour chaque type d'expérience proposée
- Le copié-collé du vaste contenu généré aléatoirement : mines, laboratoires, grottes, etc.
- L'immersion systématiquement brisée par des défauts de programmation : IA, interface, mécaniques, bugs
Nous pourrions ne pas mettre de note à ce jeu – les fans de Bethesda vont adorer, beaucoup d'autres vont détester, et le contenu même de ce test devrait vous aider à comprendre si ce jeu est fait pour vous ou pas. Vous allez peut-être passer 30 heures heureuses à faire et refaire votre propre vaisseau, ou votre avant-poste, en ignorant complètement la campagne et tous les autres pans du jeu. Ou à l'inverse, vous allez faire la campagne solo, quelques quêtes annexes pour vous payer l'équipement de vos rêves (ah, la Gatling de Terminator... !), puis tomber dans la spirale sans fin du New Game + si bien intégré à la narration. Starfield est un jeu clivant, avec autant de qualités que de défauts, et ce pour chacune des nombreuses expériences qu'il propose : combat, exploration, construction etc. La hype (et le marketing) aidant, nous espérions sans doute un peu trop d'un studio ambitieux, talentueux, mais handicapé par un moteur très inégal et des choix de game design contestables, comme la pseudo exploration spatiale à base de cartes stellaires et de téléportations instantanées. Le tout avec un niveau de finition indigne d'une super production, surtout à la fin de la campagne solo – notamment ces scripts cassés qui empêchent carrément de finir certaines missions. C'est au final ce qui empêche ce jeu ambitieux et bancal d'avoir une meilleure note.