Test | Scrap Riders
31 janv. 2023

Pour quelques boulons de plus

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Scrap Riders

Dans un monde où l'essence, la violence et les prothèses cybernétiques sont reines, une seule chose vous intéresse : déboulonner des mâchoires et retrouver le moteur du vaisseau de votre gang. Sorte de far west du futur, Scrap Riders assure le rythme en mixant beat them all et point & click, où la violence verbale cohabite allègrement avec les mandales. Énième aventure post-apo ? Voyons ce que Scrap Riders propose de nouveau. En selle Dennis Hopper !

L'histoire

Quelque part dans le futur, alors que les badlands jouxtent une ville ultra-technologique, des gangs étaient parvenus à cohabiter jusqu'à ce qu'une bande de violents cyberpunks viennent s'octroyer quelques territoires. Les Black Warriors se sont mis à dos leurs voisins qui, pris par surprise, n'ont pas réagi. Pendant ce temps, dans le désert où règnent la sueur et le gasoil, les Scrap Riders vivent leur vie de bikers du futur entre troc, bastonnades et esprit de clan. Sauf qu'une embrouille de marchandise vendue à la mauvaise personne les met dans l'embarras. Pour réparer cela, vous devez remonter la piste de ce mauvais payeur et résoudre par la même occasion le conflit israélo-palestinien du futur – autrement dit réconcilier tous les clans et unifier le territoire à coups de poings et de services rendus. Rien que ça.

Rast, notre héros, est affublé d'un acolyte droïde formant la paire de branquignoles la plus célèbre de l'ouest : les deux sont vulgaires à souhait, passent leur temps à se balancer des vannes et ne manquent jamais une bonne occasion d'avoir recours à la violence. C'est avec une bonne dose d'humour sous la pédale que Scrap Riders parvient à vous embarquer dans son univers techno-post-apo-satirique.
Easy Rider version Casque Bleu

Le principe

L'histoire avance à coups de dialogues polissés.

Attention particularité : Scrap Riders est un hybride rare dans son genre, mêlant l'aventure à la baston avec une certaine touche d'ingéniosité. Dans son look rétro et ses animations directement inspirées des célèbres point & click de la folle époque de LucasArts, Scrap Riders se présente comme un jeu d'aventure où les principes clés du genre sont reproduits : observer des éléments du décor, en ramasser et assembler certains, dialoguer avec les personnages pour prendre des infos ou faire avancer l'histoire... et tout à coup, au détour d'une réplique cinglante, telle une allumette tout juste craquée à proximité d'un fagot de paille, le jeu s'enflamme et bascule en mode beat them all sans vergogne : uppercuts, coups de pied sautés, attaques spéciales...

Scrap Riders présente un tout autre visage, nerveux et âprement plus difficile, vous autorisant à dézinguer du cyberpunk et des droïdes hargneux à la pelle. Ce mode fight est donc déclenché par l'histoire et repose sur une mécanique très Streets of Rage : avancer, frapper, terminer par combattre un boss. Ces passages reposent avant tout sur votre dextérité et votre persévérance, à l'inverse des séquences de point & click plus accessibles voire même un peu lentes : un contraste qui rend l'unité du jeu difficile à appréhender.
D'abord on parle ensuite j'te frappe

Pour qui ?

Plus pratique que la Javel, les attaques spéciales nettoient la zone en un tour de main.

Si le côté point & click de Scrap Riders prend le dessus, il n'est cependant pas exempt de défauts : les dialogues tiennent dans des bulles microscopiques, contraignant une lecture morcelée amenant de nombreuses blagues... (appuyez sur A pour lire la suite...) à plat. Assez rapidement vous lisez les dialogues avec la voix de Stevie, le copain asthmatique de Malcolm. D'autre part, si le genre est votre dada, les enquêtes proposées par Scrap Riders manquent cruellement de relief et reposent la plupart du temps sur quelques allers-retours (dont votre acolyte robotique se moque non sans ironie) avec parfois des passages agaçants : cet objet qui vous semblait indispensable ne sera saisissable qu'une fois le bon dialogue débloqué à l'autre bout de la carte ; ou encore ce personnage qui vous envoie faire trois fois le même trajet pour au final, une fois la sous-quête terminée, ne rien offrir comme récompense...

Pour contrebalancer le potentiel ennui qui s'installe, donc, Scrap Riders propose des séquences de beat them all qui feront peur aux moins téméraires : le style de jeu change totalement, vous faisant pianoter frénétiquement sur les touches d'attaque. Le game over sera régulièrement de mise, d'autant que la jouabilité old school très (trop) horizontale et l'absence de contre rendent la chose plus difficile. Si malgré tout c'est ce mode de jeu qui vous attire en premier, sachez que les séquences d'enquête entre deux bastons musclées risquent de vous sembler longues.
Avoir le clic entre deux chaises

L'anecdote

Le décor kawaï aux petits oignons.

Atteindre l'antre du chef des vikings a rejoint mon palmarès très resserré des séquences "douleur et frustration" de mon historique de jeu. Au bout du 49e échec, j'ai cessé de compter mes morts. Le titre s'inspire ouvertement des Streets of Rage – y faisant même directement référence par le design de certains niveaux et personnages – mais à la différence des maîtres du genre où enfant je prenais un plaisir fou à recommencer encore et encore les mêmes niveaux en améliorant ma technique, Scrap Riders propose une mécanique de vies illimitées. Ce qui en réalité engendre un biais de difficulté : la barre est d'emblée très haute, sans réelle progression, puisque les morts infinies sont autorisées. Résultat, des segments comme l'entrée du repaire des vikings enchaîne les salves d'ennemis, avec un personnage souffrant d'une horizontalité et de séquences d'action saccadées, m'usant jusqu'à l'épuisement du recommencement. Il m'a fallu plusieurs sessions de jeu pour en venir à bout, systématiquement frustré par l'échec trop récurrent, finissant par entrer dans une rage déterminée pour avancer dans le jeu... sans y prendre plaisir. Oui, au final, une sorte de victoire amère.

Et tiens, au fait, j'y pense : pourquoi le personnage féminin qui semble déterminant au début est relégué au garage tout le long du jeu ? Et si le titre se nomme Scrap Riders, notons qu'à aucun moment vous ne faites de la moto... Ah, toutes ces promesses en l'air, quel dommage.
J'ai arrêté de compter mes morts après le 49e échec
Les Plus
  • L'humour affûté des deux héros
  • La maîtrise graphique dans un style rétro
  • Les cut-scenes
  • Les références pop-culture nombreuses et bienvenues
Les Moins
  • Les bulles de dialogue tronquées, quel dommage
  • La rigidité des déplacements : arghh !
  • La frustration des combats l'emporte souvent sur le fun
  • Un équilibre difficile à trouver
Résultat

De loin, Scrap Riders fait diablement envie : un univers richement décoré, des cut-scenes impeccables, un humour décapant, tout pour plaire aux amoureux de point & click. De près, cependant, le chrome ne brille pas autant qu'espéré. L'aventure est mollassonne et sans réelle aspérité, créant des séquences tirées en longueur par les classiques allers-retours et des déplacements objectivement lents. Le contre-pied du beat them all, amenant un rythme plus nerveux, est entaché d'une difficulté pouvant se révéler décourageante. C'est au final un titre bourré de bonnes idées et références mais manquant d'équilibre et de profondeur, avec un sentiment aigre-doux vous faisant osciller sur la frontière paradoxale de l'amour-haine selon les moments du jeu.

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