Test | Sifu
26 févr. 2022

Coup de vieux

Testé par sur
Aussi disponible sur
Sifu
  • Éditeur Microids
  • Développeur Sloclap
  • Sortie initiale 8 févr. 2022
  • Genres Action, Beat'em All

Vous aimez la bagarre ? Vous allez aimer Sifu, un jeu de combat et de vengeance. Enfin vous allez aimer... seulement si vous êtes du genre à persévérer. À recommencer les mêmes combats vingt, trente, cent fois.

L'histoire

Cinq tarés tuent votre daron et prennent la pose avant de vous laisser pour mort. Vous revenez à la vie grâce à un talisman. Vous vous entraînez comme un malade, lors d'un tuto qui sert aussi de générique. Et une fois que vous avez 20 ans, vous partez à la chasse. Comme dans le très bon Streets of Rage 4, vous enchaînez les niveaux emblématiques – boîte de nuit, musée, gratte-ciel, sanctuaire... – et les boss. Jusqu'à exploser la tronche du meurtrier de votre père. Simple et efficace.

Enfin simple... À chaque mort, vous pouvez revenir à la vie. L'astuce ? Il faut accepter de perdre quelques années, avec des crânes qui s'ajoutent au fil des défaites et qui représentent autant d'années de vie perdues. Votre barbe pousse à chaque résurrection, vos cheveux grisonnent, vos coups font plus mal... Que du bon à priori. Sauf que votre résistance aux coups baisse drastiquement. À la fin, quelques coups vous tuent définitivement, quand vous dépassez les 70 ans. Un vulgaire ennemi peut vous envoyer au cimetière pour de bon, sans parler des boss qui font vieillir plus vite que le faux Graal dans Indiana Jones et la Dernière Croisade. Le concept est sympa, le vieillissement très réussi visuellement, mais l'idée trouve vite ses limites.
C'est comme si Tarantino avait écrit le scénario

Les combats

Plus vous tapez, plus vous remplissez une jauge de focus pour des attaques spéciales.

Les combats sont le grand point fort du jeu. Chaque ennemi a une barre de résistance qui lui permet de bloquer vos coups et d'empêcher un KO. Le but est donc soit de les blesser suffisamment pour vider leur barre de vie, soit de faire tomber leur résistance à zéro pour les achever immédiatement. C'est valable pour les boss aussi et... pour votre personnage. Parer les coups tout le temps vide votre barre de résistance et finit par vous empêcher de vous protéger. Or cette barre se recharge lentement, très lentement, à condition de ne rien faire – bien trop lentement lors des combats contre les boss. Restent les esquives, trop courtes hélas pour vous mettre suffisamment hors de portée, mais qui peuvent vous sauver la mise. Surtout combinées à une direction pour esquiver un coup ou une projection.

Comment faire si vos parades consomment de l'endurance, et si vos esquives ne sont pas assez longues pour vous permettre de vous mettre à l'abri... ? Eh bien, il faut attaquer pardi. Sifu est un jeu extrêmement agressif qui mise sur le placement, la gestion des groupes ennemis... et l'attaque, tout simplement. Il faut apprendre, à la dure, à placer un contre parfait pour attaquer immédiatement, sous peine de finir roué de coups. Il faut aussi savoir rompre un enchaînement sur un ennemi pour en attaquer un autre un peu trop proche, ou contrer un ennemi qui vous arrive dans le dos avant de reprendre un combo sur votre victime du moment. Facile à dire, mais très, vraiment très dur à faire. Sachant que certains ennemis déboulent en groupe, vous attendent dans un recoin ou vous agressent dans un endroit hyper étroit comme une cage d'ascenseur. Et sachant qu'en cas d'échec, adieu XP, jeunesse, résistance aux coups.
Plus vous perdez, plus vous avez de chances de perdre

Le principe

En explorant les niveaux, vous trouvez des indices... et des clefs pour des raccourcis.

Le premier problème, c'est que le jeu vous fait recommencer chaque niveau à l'âge que vous aviez atteint. Si vous finissez un boss à presque 70 ans, vous êtes bon pour refaire le niveau, voire le jeu, depuis le tout début. Sous peine de ne plus pouvoir avancer, votre grand âge vous empêchant d'encaisser les coups avant le fatidique Game Over. Autre souci, l'expérience accumulée pour acheter des attaques spéciales est perdue. En théorie, il est possible d'en débloquer définitivement, mais à un tarif exorbitant – il faut acheter chacune d'entre elles plusieurs fois. C'est d'autant plus bête que certaines sont vraiment basiques, comme celle qui permet de projeter un élément du décor sur un ennemi pour l'étourdir, l'isoler des autres ou tout simplement reprendre son souffle – et recharger sa barre de résistance.

Bref, sous son apparence trompeuse de jeu de baston simple, Sifu cache une logique de rogue like à la Returnal. De bonnes idées, un gameplay efficace, une réalisation superbe, mais des malus si mal pensés qu'ils finissent par vous dégoûter du jeu. Sifu s'adresse à une infime minorité de joueurs prêts à s'entraîner encore et encore pour atteindre la perfection – dévier les coups sans jamais faire d'erreur, bien gérer certains combats particulièrement chauds, notamment dans le musée, et dépenser ses points d'XP sans trop mourir.
La frustration dans la peau

Pour qui ?

Certains passages sont filmés de profil. Comme dans Old Boy, le marteau en moins.

Faisons le test dit de Sekiro. Est-ce que vous y avez joué ? Est-ce que vous avez aimé ? Est-ce que vous arrivez à parer les coups ennemis et à placer vos contre-attaques ? Si oui, Sifu est fait pour vous. Il vous propose le même type de défi basé sur des résistances ennemies à casser, tout en apprenant à gérer la vôtre. Il propose le même type de challenge, de difficulté violente et brutale qui, soyons clairs, va dégoûter tous ceux qui espéraient un jeu de combat facile et pas prise de tête. Seule différence avec le chef-d'œuvre maléfique de FromSoftware : les quelques problèmes de caméra, le fait de recommencer chaque niveau à l'âge qu'on avait en l'atteignant, et la gestion alambiquée des compétences à débloquer avec l'XP durement gagnée en combat, rendent le jeu artificiellement injuste.
Si vous aimez les fouets et les cagoules en vinyle

L'anecdote

Vider la barre de résistance d'un ennemi permet de le finir avec des coups secs ultra rapides.

Les combats de Sifu s'inspirent du kung-fu, et même du Pak Mei, une variante basée sur la percussion. Centrée sur le combat au corps-à-corps, le Pak Mei utilise les bras et les hanches pour infliger un maximum de dégâts avec des coups secs et rapides – très cinématiques, accessoirement. Mieux, il enseigne comment dévier les coups ennemis tout en contre-attaquant, ce qui donne un rythme inhabituel aux combats.

Ce style est parfaitement reproduit dans le jeu puisqu'il faut saisir les ennemis tout en les frappant, ce qui se fait en déclenchant un contre pile au bon moment – quand le coup ennemi est parti, mais juste avant qu'il vous atteigne. À vous de bien lire les animations pour déclencher vos contre-attaques. Autre clin d'œil au Pak Mei : quand vous videz la barre de résistance d'un adversaire, vous pouvez déclencher un combo, une volée de coups hyper spectaculaire, soulignée par un basculement de la caméra. Le tout finit toujours par un KO... sauf sur certains ennemis, aléatoirement, qui vous repoussent et gagnent en force. Un régal.
Rond comme un ballon et plus jaune qu'un citron, c'est Pak Mei Man
Les Plus
  • Les combats
  • La mise en scène
  • La direction artistique
Les Moins
  • Recommencer chaque niveau à l'âge où on l'a atteint
  • Perdre tout son XP
  • Pas de coop
Résultat

Quel dilemme. Si vous faites partie des joueurs doués qui sont capables de parer à la perfection et de recommencer ad nauseam un même niveau jusqu'à faire le run parfait, alors Sifu devrait vous intéresser. Vous perdez une ou deux touffes de cheveux lorsque la caméra se place mal, masquant un ennemi qui vous attaque dans le dos, mais rien d'insurmontable pour quelqu'un de votre niveau. Reste un écueil, et un écueil de taille : la gestion du vieillissement et de l'XP. Recommencer un niveau à l'âge où on l'a atteint, sans possibilité de rajeunir, vous oblige à refaire inlassablement les mêmes parcours pour battre chaque boss en restant jeune. Et l'XP perdue est un malus supplémentaire dont le jeu, déjà bien difficile, aurait clairement pu se passer. Deux fautes de game design qui coûtent un point chacune à Sifu, que vous soyez un pro – ou pas.

Partagez ce test
Tribune libre