Test | Kingdom Come : Deliverance II
21 mars 2025

Le Moyen-Âge immersif

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Kingdom Come : Deliverance II

Kingdom Come : Deliverance est né d'un projet de financement participatif qui souhaitait voir un jeu de rôle où les dragons et la magie n'auraient pas lieu d'être. Ici, le réalisme et les faits historiques sont les maîtres-mots. Le projet est rapidement devenu un jeu d'envergure en se plaçant au côté des AAA du genre. Fort de son succès et assez singulier dans son approche, Kingdom Come a été une réussite. Il s'agit maintenant de proposer une suite qui rend honneur à ce qui a été établi. Warhose Studios fait le choix de garder énormément du premier opus pour sa suite, de la même manière que pour The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom. Un choix judicieux qui évite de s'éparpiller sur de la nouvelle création graphique pour s'appliquer à son peaufinage et l'élaboration de nouveaux éléments ludiques et narratifs.

L'histoire

L'aventure de Kingdom Come : Deliverance II reprend la suite directe du premier opus. Souvenez-vous, si vous avez joué à Kingdom Come auparavant, vous étiez aux commandes du jeune Henri de Skalice. Au début du XVe siècle, au milieu d'une intrigue politique où le trône de Bohême – un des royaumes qui composait le Saint-Empire romain germanique – est en jeu, vous gravissiez l'échelle sociale pour passer de fils de forgeron à chevalier. Il est aussi question de vengeance personnelle pour le jeune Henri, dont les parents ont été assassinés, qui reste à résoudre dans cette suite. La trame ouvrait en fin d'aventure sur une nouvelle mission : transmettre une missive pour rallier de nouveaux sympathisants à la cause du roi Venceslas dont le frère usurpe actuellement le trône. Les temps sont durs, encore plus dans cette suite, puisque le début de Kingdom Come : Deliverance II vous fait immédiatement retomber en bas de l'échelle. Votre cohorte se fait massacrer, vous perdez tous vos biens et votre expérience. Traîné dans la boue, le seigneur de cette région inconnue n'accepte même pas de vous accorder une audience puisque vous n'avez plus aucune preuve de votre mission. Plus qu'une seule chose à faire : remonter la pente et faire fortune afin de retrouver votre gloire d'antan. Les diverses péripéties vous font traverser la région du Château de Trosky ainsi que celle de la cité de Kuttenberg. L'histoire du titre justifie une implication dans une vie quotidienne moyenâgeuse, tout en distillant un fil rouge haletant aux enjeux grandiloquents. Elle se retrouve aussi renversée par des changements de point de vue qui redistribuent judicieusement les cartes. Kingdom Come est une de ces aventures épiques où votre destin est étroitement lié à celui d'un royaume.
Un fil rouge haletant aux enjeux grandiloquents

La réalisation

Un château d'autant plus impressionnant quand on sait qu'il existe réellement.

Kingdom Come : Deliverance II a la lourde tâche de reprendre la suite de l'histoire d'un premier opus qui se terminait sur une fin très ouverte. Le public cible se voulant très large en tant que jeu d'envergure, l'introduction se targue de rappeler les événements passés. Ainsi, tous les détails sont distillés à gros coups de sabot dans des dialogues totalement artificiels avec des propos hyper didactiques. Heureusement, les échanges sont vite écourtés par le début des ennuis. Malgré tout, cette suite fait forte impression avec un prologue qui préfigure un événement à venir, et une introduction linéaire mais très bien réalisée. Déjà ambitieuse dans le premier titre, la mise en scène vient faire un bond en qualité en frôlant un esprit hollywoodien. Kingdom Come 2 pousse les curseurs de sa réalisation bien plus loin. On peut saluer des gimmicks plus discrets que dans son premier opus qui réutilisait très régulièrement les mêmes effets de réalisation. Par ailleurs, le titre ne lésine pas sur la variété narrative, que ce soit en termes de scénario ou de quêtes. Voilà de quoi vous occuper pendant des dizaines et des dizaines d'heures captivantes. Il ne reste juste qu'à regretter certaines incohérences – vos tenues qui changent brusquement par exemple – entre les cinématiques en jeu et celles pré-rendues.
Kingdom Come pousse les curseurs de sa réalisation bien plus loin

Le principe

Vos aventures vous placent au côté de divers seigneurs.

Là où Kingdom Come : Deliverance vous faisait passer de zéro à héros, cette suite doit subtilement inverser le processus. Pour ce faire, le jeu offre un pays dans lequel vous serez d'abord étranger avant de vous dépouiller de toutes vos possessions et compétences. Ce point est central dans le travail qui a été réalisé autour de Kingdom Come : Deliverance II, les développeurs utilisent le gameplay pour raconter l'histoire de Henri. Si vous commencez niveau 16 au tout début du jeu, vous allez littéralement en perdre la moitié en début de jeu. Retour au point de départ donc, permettant une presque relecture de son concept initial. Toutes les mécaniques inhérentes à la série sont de retour. Pour commencer, le système de combat est toujours présent. Pas question de cliquer frénétiquement sur votre souris, puisque la gestion de l'angle d'attaque, votre endurance et les parades sont des éléments vitaux au bon déroulement d'un duel ou d'une mêlée. De quoi vous faire réfléchir à deux fois avant de vous attaquer au premier brigand venu. Cependant, Warhose Studios a opéré quelques rééquilibrages en réduisant les angles d'attaque possible. Les combats ne perdent alors que peu en difficulté pour un gain drastique en plaisir de jeu. Ce choix vous laisse même le temps d'effectuer la combinaison de boutons qui vous permettra de narguer vos adversaires.



Dans la lignée de ce changement de gameplay, divers ajustements rendent l'expérience bien plus digeste. On pense notamment au fait de pouvoir, à l'appui d'une seule touche, suivre automatiquement un chemin à cheval ou un PNJ à pied pour mieux suivre un dialogue, ainsi que la possibilité d'y répondre par la simple pression d'une autre. L'expérience de jeu est une version améliorée du premier opus, en conservant tous les repères. Pour le reste, Kingdom Come 2 laisse la part belle à l'exploration et à l'errance, en vous immergeant dans un monde regorgeant d'activités et pourtant si sauvage. Le cœur du jeu se voit agrémenté d'une multitude d'options et tâches qui poussent le curseur de l'immersion encore plus loin.
Le gameplay est au service de l'histoire

La narration

La carte vous offre bon nombre de lieux à explorer.

Le plus gros point fort de Kingdom Come : Deliverance II, c'est d'utiliser judicieusement son gameplay comme moteur de la narration. L'immersion est telle que réaliser des quêtes donne véritablement la sensation de rendre un service ou de travailler contre quelques piécettes qui représentent une vraie valeur. Toutes vos actions forment une symbiose tant elles s'entremêlent de manière organique. Ce n'est pas sans rappeler l'écriture d'un The Witcher ou d'autres titres d'Obsidian Entertainment qui relient tous les éléments de narration entre les divers dialogues et quêtes à réaliser. Ainsi, un garde-chasse vous demande de l'aider à capturer un braconnier, qui lors de sa rencontre vous explique qu'il est caché depuis qu'il a observé des brigands terrasser une troupe – la troupe dont vous faites partie en début de jeu –, brigands qui eux-mêmes offrent une multitude d'autres quêtes liées à diverses autres trames. Chaque élément narratif prend part à un tout parfaitement bien huilé en vous poussant d'une trame à l'autre. Évidemment, ces éléments gardent le rythme du premier opus : savoir prendre son temps.
Chaque élément narratif prend part à un tout parfaitement bien huilé

L'immersion

Certaines rencontres marquent les esprits.

La dynamique de Kingdom Come : Deliverance II diverge à bien des égards de celle de son premier opus. Là où on voyageait et découvrait peu à peu de nouveaux environnements dans une exploration presque linéaire, vous vous retrouvez cette fois dans toute une région à arpenter avec un point d'intérêt en milieu de carte. Cette première région s'articule autour d'un château fort dont vous cherchez à accéder suite au refus de la seigneurie de vous accueillir. Alors, à vous de vivre votre vie dans les villages et terres environnantes. Entre en jeu tout un système de réputation qui augmente et diminue au fil de vos actions. À ce système s'ajoute l'interaction, à la volée, avec les différents personnages. C'est une mécanique assez similaire à ce que proposait Red Dead Redemption 2 : les PNJ peuvent vous aborder en vous croisant, ce à quoi vous pouvez répondre poliment ou agressivement d'une simple pression de bouton. Ces éléments contribuent à une immersion totale en vous impliquant dans les engrenages sociaux de la région. Et c'est là tout le ton du jeu. Par la suite, et après moult péripéties palpitantes, l'aventure vous mène dans la ville de Kuttenberg, contrastant avec l'autre pan du jeu. Ces différentes dynamiques proposent une aventure bien différente des début de Henri de Skalice.
Une immersion totale qui vous implique dans les engrenages sociaux

Les activités

La forge englobe tout un système de mini-jeu.

Avancer dans l'univers de Kingdom Come : Deliverance II c'est travailler, que ce soit dans le droit chemin ou au détriment de votre prochain. Pour parvenir à vos fins, vous devez remplir des tâches pour gagner votre croûte et vous faire un nom. Warhose Studios propose dans ce titre de nouveaux éléments de jeu. Il était déjà possible de faire de l'alchimie dans Kingdom Come : Deliverance, mais cette suite propose la possibilité de forger votre propre équipement. Vous pourrez désormais forger en passant par toutes les étapes : chauffer le métal dans le fourneau, puis le marteler jusqu'à ce qu'il prenne forme. Un mini-jeu très plaisant et immersif, dont la redondance va dans le sens de l'implication qui vous est demandée par le jeu. Au-delà ce cette nouvelle fonctionnalité, les diverses mécaniques de crochetage, détroussages, de meules pour aiguiser ses armes, sont toujours de la partie. Le compagnon canin ajouté en DLC dans le premier opus fait aussi son retour dans cette suite. Vos aventures ne se font cette fois-ci plus en solitaire. Tout en gardant une approche simple, vous pouvez vous aider de votre chien pour vos combats, activités de chasse ou de fouille. En contrepartie, celui-ci ne demande que pitance et bon traitement. Mais son support est véritablement le bienvenu lorsqu'il vous prévient d'un danger lors de vos voyages. Les grands espaces qui séparent les villes et villages ont beau être vides pour la plupart – attention, vide n'est pas un défaut quand il est censé représenter la nature sauvage –, ils regorgent tout de même de points d'intérêt aussi amicaux que hostiles.
Des activités aussi variées qu'immersives

La chevalerie

La juste place de cette brochette de chevaliers.

L'univers de Kingdom Come puise ses racines dans l'envie médiéviste de ses créateurs. Le premier opus présentait déjà une certaine philosophie désuète. Les protagonistes pourraient être qualifiés de beaufs à la morale dépassée. Il est là question de représenter des valeurs moyenâgeuses, de chevalerie, ce qui induit notamment à un certain traitement des personnages féminins. Si dégrader sa prochaine est une valeur chevaleresque, alors Kingdom Come réussit très bien son travail. Alors que personne n'aurait été gêné par l'absence de claques aux fesses des serveuses, les envies de "respect" historique – la représentation de l'Histoire en vient à dépeindre ici un certain point de vue – prennent le dessus. Cela fait bien depuis 20 ans que passer son temps à sauver les "demoiselles en détresse" est complètement désuet. Cette envie est en désaccord avec des besoins de révision pour mieux accorder son gameplay. Les choix sont faits et transmettent des motivations un peu trop masculinistes pour s'attacher aux protagonistes. Au fil de votre aventure, vous en viendrez plutôt à être surpris de personnages féminins qui se laissent un peu moins faire. S'il y a un point que Kingdom Come : Deliverance II ne réussit pas, c'est bien celui-là. Des concessions ont été faites pour le gameplay, mais malheureusement pas pour certaines représentations d'une époque dépassée depuis longtemps.
Les protagonistes pourraient être qualifiés de beaufs à la morale dépassée

Pour qui ?

Henri ne plaisante pas.

Kingdom Come : Deliverance II assume jusqu'au bout son statut de suite au point qu'il est très déconseillé de commencer par celui-ci. Bien que raccrocher les wagons soit une possibilité une fois passé la remise en contexte maladroite des péripéties du premier opus, l'expérience est bien plus jouissive en ayant parcouru le premier titre de la série. Par sa proposition de gameplay, Kingdom Come second du nom ne rend pas caduque son aîné. Nouveau joueur ou nouvelle joueuse, il vous est totalement conseillé de prendre part au début de l'aventure avant de vous orienter vers cette suite. Par ailleurs, la série Kingdom Come est une expérience de jeu plus intense que la concurrence. Ses longueurs et sa difficulté, bien que jouant en sa faveur, ne sont pas forcément accessibles à tout le monde. Cette nouvelle itération de la série propose néanmoins une expérience utilisateur plus abordable avec des ajouts pratiques, comme la réduction d'angles d'attaque en combat ou les presets personnalisables de tenue. Donc accrochez-vous et prenez votre temps, et l'aventure n'en sera que meilleure.
L'expérience est bien plus jouissive en ayant parcouru le premier épisode
Les Plus
  • Une immersion totale
  • Le gameplay et la narration forment une excellente synergie
  • Un récit haletant
  • Une très bonne suite au premier opus
  • La juste dose d'exigence
  • Les environnements agréables à parcourir
Les Moins
  • Une vision très régressive des personnages féminins
  • Encore quelques bugs
Résultat

Kingdom Come : Deliverance II s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur en affinant son gameplay et en approfondissant son immersion. Warhose Studios sait capitaliser sur les forces du premier opus tout en introduisant des ajustements bienvenus, proposant une aventure plus immersive, plus fluide et toujours aussi exigeante. Loin de chercher à révolutionner son gameplay, cette suite se concentre sur l'essentiel : enrichir l'expérience et renforcer l'implication du joueur dans son univers où chaque décision compte. Cependant, si le jeu brille par sa mise en scène et la qualité de sa narration, il reste prisonnier d'une certaine vision passéiste qui peut rebuter. Les représentations de personnages féminins respirent un sentiment rétrograde qui ne joue pas en sa faveur. Malgré cela, Kingdom Come : Deliverance II est un pari réussi pour les amateurs de RPG historiques, offrant une aventure intense, immersive et gratifiante pour ceux prêts à s'investir pleinement dans son univers. Une suite fidèle et ambitieuse, qui s'adresse avant tout aux fans du premier opus et aux passionnés de jeux de rôle exigeants.

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