Test | Assassin's Creed Shadows
18 mars 2025

Des ombres étincelantes

Testé par sur
Aussi disponible sur
Assassin’s Creed Shadows
  • Éditeur Ubisoft
  • Développeur Ubisoft
  • Sortie initiale 20 mars 2025
  • Genres Action, Aventure, Infiltration, Monde ouvert, Rôle

Entre délais à rallonge, diverses polémiques, déluge de bashing et une situation économique délicate, les derniers mois d'Ubisoft ont ressemblé à une partie de Tetris en mode expert (où tout tombe mal). Voilà pourquoi Assassin's Creed Shadows a pris son temps pour arriver jusqu'à nous. Mais il faut dire que la tâche était corsée : proposer un Assassin's Creed dans le Japon féodal après le hold-up Ghost of Tsushima ? C'était comme essayer de passer après un samouraï qui vient de trancher une pastèque en deux d'un coup net. Heureusement, Ubisoft a plus d'un shuriken dans sa besace : le défi est relevé avec panache.

L'histoire

Nous sommes à la fin du XVIe siècle, une époque où le Japon ressemble à une immense partie de Risk entre seigneurs de guerre. Dans ce joyeux chaos, vous incarnez deux héros que tout oppose : Yasuke, un samouraï massif qui impose le respect avec une simple poignée de main, et Naoe, une kunoichi (ninja féminin) furtive qui pourrait probablement cambrioler votre maison sous vos yeux sans que vous ne vous en rendiez compte.

La présence de Yasuke a d'ailleurs déclenché une polémique d'un niveau de pertinence proche d'un débat sur la forme des nuages. Pourtant, cette figure fascinante, malheureusement méconnue, a bel et bien existé. Et sa présence dans Assassin's Creed Shadows est totalement légitime. Ubisoft en fait un héros charismatique et puissant, bien plus marquant que Jin Sakai (Ghost of Tsushima appréciera la tentative mais devra s'incliner). Là où Jin passait son temps à broyer du noir sous un cerisier en fleurs, Yasuke s'impose par sa présence brute et son regard acéré. Son évolution est passionnante, son rapport à la loyauté et son statut d'étranger dans un Japon hyper-codifié en font un personnage profondément attachant.






Naoe, de son côté, n'est pas en reste. Rapide, discrète et mortelle, elle offre une approche totalement différente du jeu. Si ce personnage apparaît de prime abord plus classique que celui de Yasuke, sa progression dans l'histoire lui donne un relief inattendu : ses motivations personnelles, son lien avec les Assassins et son habileté en font une héroïne aussi fascinante que redoutable. Mais ce qui impressionne, c'est surtout l'entrelacement de ces deux destins. Comme dans les meilleurs Assassin's Creed, les assassinats ne sont jamais de simples missions indépendantes : ici, chaque cible est une pièce d'un puzzle plus vaste, chaque quête s'emboîte avec une maîtrise qui force le respect. La toile d'araignée tissée entre complots, alliances et trahisons est plus ingénieuse que jamais.

À la différence de Ghost of Tsushima, qui prenait quelques libertés historiques, Shadows s'ancre plus fermement dans la réalité. L'intrigue mélange donc faits réels, assassinats bien chorégraphiés et conspirations dignes de la franchise, tout en offrant une belle occasion de faire connaître Yasuke au grand public.
Une toile d'araignée plus ingénieuse que jamais

Le principe

Il y a fort à parier que Yasuke marque au fer l'histoire de la licence.

Dans Assassin's Creed Shadows, Ubisoft vous laisse enfin choisir entre la force brute et la subtilité... ou plutôt entre une montagne de muscles en armure et une ombre insaisissable. Yasuke, le samouraï, incarne la noblesse du combat frontal : armé de son katana et d'une patience digne d'un maître d'ikebana, il tranche, pare et contre-attaque avec une précision chirurgicale. Pour ceux qui aiment affronter leurs ennemis en les regardant droit dans les yeux (ou du moins jusqu'à ce qu'ils tombent au sol), c'est le candidat idéal. Et pour bien insister sur l'importance du maniement du sabre, le jeu propose même des séances d'apprentissage au katana plutôt bien conçues, histoire de ne pas passer pour un touriste face aux vrais guerriers. On sent qu'un certain For Honor est passé par là.

À l'opposé, Naoe, la kunoichi, mise sur la discrétion et l'agilité. Escalade, assassinats silencieux et art du camouflage, son style rappelle les plus belles heures de la licence. Ceux qui aiment disparaître dans l'ombre après avoir éliminé leur cible apprécieront l'approche plus fine et furtive qu'elle propose. La quête qui lui permet de récupérer la tenue emblématique des Assassins est d'ailleurs assez géniale.






L'exploration s'intègre parfaitement à ces deux styles de jeu. Le Japon féodal regorge d'activités : infiltration dans des camps ennemis, filatures, assassinats stratégiques, aides à la population, jeux de cartes et autres défis... Le tout dans un monde ouvert qui joue avec brio la carte du réalisme et du détail historique. Si l'ADN RPG introduit depuis Origins est toujours bien présent, la complémentarité entre les deux personnages enrichit vraiment l'expérience, offrant une liberté bienvenue dans l'approche des missions, se payant même le luxe de balayer le coup de mou sur l'intérêt qui intervenait parfois à mi-chemin. En résumé, que vous soyez plutôt sabre ou shuriken, Shadows vous laisse jouer les shinobis à votre façon, mais toujours avec style.
Un duo de choc à la profondeur assez géniale

L'emballage

Passer de l'ombre à la lumière avec une envolée de grues du Japon.

Graphiquement, Ubisoft a sorti le grand jeu. Loin d'un style pictural comme Ghost of Tsushima, Assassin's Creed Shadows mise sur une fidélité historique et visuelle à couper le souffle. Les jeux de lumière, les textures et les animations sont d'un niveau impressionnant. Notez d'ailleurs que sur PC et PS5 Pro, ils bénéficient d'optimisations supplémentaires. Et au-delà de la technique, vous êtes en présence d'un des mondes ouverts les plus foisonnants qui soient, aussi bien côté flore que faune (même si l'absence de danger animal cette fois est étonnante), côté architecture que paysages. Sans parler des effets météorologiques qui permettent une nouvelle lecture des lieux selon les saisons.

La bande-son, quant à elle, est une claque. Signée par The Flight (déjà derrière Assassin's Creed Odyssey), elle oscille entre percussions martiales et envolées orchestrales hypnotisantes. Le genre de musique qui vous donne envie d'acheter un kimono et de méditer sous un érable en sirotant du thé vert (avant de repartir assassiner la moitié d'un clan rival).
Un monde ouvert sublime et foisonnant

La comparaison

Les duels sont souvent très stylisés avec un touche musicale à la Tarantino assez magique.

Forcément, Ghost of Tsushima est dans toutes les têtes. Les deux jeux partagent le même décor, mais leur approche diffère. Ghost of Tsushima, c'était un hommage aux films de Kurosawa, tout en retenue et en élégance. Assassin's Creed Shadows, c'est plus grand, plus dense et plus varié dans ses mécaniques.

Mais là où Shadows prend l'avantage, c'est sur la complexité de sa narration et la force de ses personnages. Yasuke surpasse Jin Sakai en charisme et en profondeur, et le maillage des intrigues et assassinats est d'une richesse exceptionnelle. Difficile de dire quel jeu est "meilleur" tant les expériences diffèrent, mais Shadows parvient à exister sans être une simple copie. En parlant de copie, rappelons tout de même que Ghost of Tsushima empruntait déjà beaucoup à la licence Assassin's Creed comme nous l'avions déjà souligné lors du test.
Deux approches complémentaires qu'il serait dommage d'opposer

Pour qui ?

Un Japon sublime à explorer… à condition de ne pas foncer tête baissée comme un ninja pressé !

Si vous avez adoré Ghost of Tsushima, mais que vous rêviez de plus de variété et de profondeur RPG, ce jeu est fait pour vous. Les fans de la série Assassin's Creed y trouveront un parfait équilibre entre infiltration et combat, tandis que ceux qui veulent juste découper des ennemis dans un Japon magnifique seront servis. En revanche, si vous avez une aversion pour les combats exigeants ou que vous avez déjà du mal à finir un open world, préparez-vous à être un peu submergé.
Fan ou curieux, faites le saut de la foi

L'anecdote

En marchant, on voit plus de chose qu'en courant...

Si j'ai bien (re)pris conscience d'une chose en testant Assassin's Creed Shadows, c'est qu'un open world ne se rush pas comme un fast-food en fin de soirée. L'envie d'aller vite, de boucler la quête principale avant l'échéance de l'embargo, c'est le piège absolu. Et sur les premières heures, je suis tombé dedans la tête la première.

Pressé d'aller au bout de l'histoire pour en tirer des conclusions, j'ai enchaîné les missions principales à un rythme infernal. Résultat ? Une sensation de répétitivité qui commençait à poindre, des mécaniques qui semblaient s'user un peu trop vite... Et puis, après coup, réalisant que j'avais le temps finalement, j'ai pris le temps justement d'explorer, de m'arrêter dans un village pour écouter une conversation, de suivre une piste qui n'était pas indiquée sur la carte, de m'immerger dans ce Japon vibrant et réaliste. Et là, tout a changé.






L'open world de Shadows ne se livre pas à ceux qui le survolent, mais à ceux qui l'habitent. En prenant le temps, j'ai découvert que chaque recoin avait une histoire à raconter, que le monde évoluait selon mes choix, que les missions secondaires enrichissaient réellement l'expérience. Alors oui, on peut tracer tout droit vers la fin, mais c'est comme lire les résumés Wikipédia des Chroniques de l'Assassin Royal : on perd tout ce qui fait la magie du voyage.
Un open world ne se livre pas à ceux qui le survolent, mais à ceux qui l'habitent
Les Plus
  • Deux styles de jeu radicalement différents, pour varier les plaisirs
  • Un Japon féodal magnifiquement rendu, avec une exploration passionnante
  • Yasuke, un personnage marquant et charismatique
  • Un scénario intelligent et une narration parfaitement tissée
  • Des combats à la classe tarantinesque
  • La bande-son géniale par The Flight
Les Moins
  • Des combats à l'exigence d'un For Honor qui peuvent être punitifs
  • Moins poétique que le stylisé Ghost of Tsushima
  • Une nature qui manque étonnamment de danger animal
Résultat

Après une gestation longue et quelques sueurs froides en interne, Ubisoft livre avec Assassin's Creed Shadows un opus à la hauteur des attentes. En misant sur une narration plus ambitieuse, un duo de personnages complémentaires et un Japon foisonnant de vie, l'éditeur évite le piège du simple Ghost of Tsushima bis et propose une expérience unique. Plus dense, plus varié et porté par un Yasuke inoubliable, cet Assassin's Creed prouve que la série a encore de beaux jours devant elle. Un must-have pour tout fan d'aventures épiques, de mondes ouverts aspirants, de combats au katana et de personnages méconnus riches en enseignements surtout à notre époque polarisée.

Partagez ce test
Tribune libre