La chair et le sang
- Éditeur Devolver Digital
- Développeur Phobia Game Studio
- Sortie initiale 23 juil. 2020
- Genres Plateformes, Survival
Manger, c'est un peu comme les anniversaires : tout le monde aime ça. La créature de Carrion aime manger elle aussi, elle baffre non-stop. Et elle prend du bide, comme nous ! Après, son régime alimentaire est constitué d'humains. Certains pleurent. D'autres hurlent. Quelle erreur. Pourquoi se battre quand le karma fait que le plat de spaghettis bolognaise que vous dévoriez encore hier a décidé de se rebeller et de vous manger vous, pour une fois ?
Les Atomes 2020
Pour ma part, je n'ai pas joué à beaucoup de jeux cette année mais j'ai corrigé beaucoup de tests. Eh oui, en tant que relecteur de Gamatomic, chaque test publié ici passe sous mon microscope pour y traquer la moindre faute. Alors, voici un atome un peu spécial puisqu'il s'agit du test qui m'a donné le plus envie de jouer au jeu concerné. J'ai donc choisi celui de Carrion. Avant de lire – qui plus est, de corriger – un test, j'en zieute habituellement les screens. Évidemment non par doute de l'extrême application systématique de nos testeurs à vérifier eux-mêmes qu'il n'y a pas d'oubli d'upload de ce côté-là (oui, un message perso s'est glissé dans cette phrase), mais pour le plaisir des yeux, et me motiver à me lancer. Et là, mince. La 2D, le pixel art, ce n'est plus mon kiff depuis l'Amstrad 6128. Mais pourtant, le test est fourni, le jeu bien noté, alors que l'éditeur ne semble assez gros pouvoir soudoyer quelconque rédacteur de Gamatomic. « Fascinant » dirait M. Spock. Et si les screens ne pouvaient retransmettre les points forts de ce jeu ? Eh bien l'entrain du rédacteur dans la description de l'ambiance de cette œuvre underground horrifiquement glauque m'a laissé être tenté par ce jeu qui sort de l'ordinaire ! Même l'un de ses "moins" relatif à sa courte durée peut s'avérer être un atout pour les joueurs comme moi qui ne veulent/peuvent plus se lancer dans des jeux chronophages pour en atteindre leur fin. Serez-vous aussi surpris par ce test ?
Voilà, vous savez maintenant pourquoi Carrion mérite l'atome du test qui m'a le plus incité à reprendre la manette. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce jeu – ce qui voudrait dire que j'ai rempli mon contrat d'influenceur/correcteur –, je vous laisse continuer la lecture du test.
L'histoire
Il faut parfois perdre volontairement de la biomasse pour avancer.
Le principe
Ces capsules vous donnent accès à de nouveaux pouvoirs.
Si beaucoup de compétences favorisent l'attaque, comme ces pieux qui sortent de votre corps pour empaler soldats et drones, les autres vous permettent de mieux circuler dans le laboratoire. C'est le cas de celle qui vous permet de séparer votre corps en longs spaghettis pour passer à travers certains obstacles sous-marins – indispensable pour progresser. Après quelques heures de jeu, à force de boulotter scientifiques et capsules, votre petite araignée sanguinolente des débuts est devenue un dinosaure. Un T. rex capable de remplir tout l'écran, de se propulser d'une pièce à l'autre à toute vitesse et d'empaler n'importe quel soldat en quelques secondes. Explosant mobilier, ordinateurs et ampoules au passage. La sensation de progression est réelle, mais la puissance est toujours tempérée par de nouveaux pièges et ennemis, souvent capables de vous tuer en quelques secondes. Vous allez détester ces mines collantes qui vous renvoient illico au dernier point de sauvegarde...
Le gameplay
Plus vous grossissez, plus il devient difficile d'éviter les tirs ennemis...
Le level design
Si vous ne trouvez pas de l'eau en quelques secondes, c'est Game Over.
Une fois votre taille adulte atteinte, ramper le long d'une paroi vous rendra beaucoup plus vulnérable. Vous aurez aussi bien du mal à vous cacher dans une anfractuosité à temps pour échapper à une rafale meurtrière. Même si le jeu est court, il vous oblige donc à revoir votre façon de jouer au fur et à mesure que vous grossissez comme une baudruche. Perdre de la masse est parfois utile pour gagner en souplesse ou en furtivité – volontairement ou non, vu que chaque forme a ses propres points de vie. Si vous attaquez trop directement et que vous encaissez des dégâts, votre masse corporelle va se réduire plus vite qu'une anorexique sur les réseaux sociaux. Et il faudra croquer des scientifiques pour regagner points de vie et masse tentaculaire, scientifiques qui ne sont pas si nombreux... Avec l'expérience, vous apprendrez à les laisser parfois en vie. Provisoirement bien sûr. Disons tant quand votre jauge de santé est pleine.
Plus vicieux encore : toutes vos compétences sont liées à un stade particulier de votre évolution musculaire. Impossible d'utiliser l'invisibilité avec votre taille maximale par exemple. À vous de ruser, de trouver une mare spéciale où abandonner volontairement une partie de votre masse, pour activer la compétence qui vous aidera à franchir un obstacle. Attention toutefois : revenir en arrière pour récupérer la masse perdue n'est pas toujours possible, même avant un combat difficile. Une bonne façon d'équilibrer la difficulté vers la fin... Heureusement que les points de sauvegarde, des abris à infecter, sont nombreux et bien placés. Bref, Carrion excelle dans le level design. Il est d'ailleurs rare de se perdre malgré l'absence totale de carte, une hérésie d'ordinaire dans ce type de jeu très Metroidvania.
Pour qui ?
La possession permet d'incarner un soldat. S'il meurt, vous perdez un point de vie.
L'anecdote
La vitesse des animations est calée sur la pression des sticks analogiques.
Aucune capture d'écran ne rend justice à cette fluidité spaghettiesque. Il faut voir le jeu en vidéo. Et encore, c'est difficile de se rendre compte à quel point sticks analogiques et animations procédurales procurent un plaisir coupable. Chaque micro impulsion de la manette donne des animations uniques, là où un système traditionnel aurait laissé voir des boucles, des patterns. C'est particulièrement vrai lors des combats. Vous pouvez ramper lentement derrière un Mech armé de gatlings mortelles, en poussant doucement le stick analogique, et voir les tentacules tâtonner à la recherche de prises. Dès que vous passez à l'attaque, la furie et la variété des animations retranscrivent à la perfection toute la violence et le chaos du combat. Une réussite manette en main qui contribue énormément au plaisir procuré par le jeu.
- Les animations
- La jouabilité
- Le level design
- Les idées de game design (taille vs compétences)
- Pas de multijoueur
- Cinq à six heures max pour le finir
C'est fascinant de voir à quel point l'être humain, même au pied du mur, continue d'espérer, de lutter pour sa petite survie égoïste. De tirer au pistolet sur le mur de tentacules et de dents qui s'abat sur lui. Aura-t-on un jour le courage de Jack Sparrow : sabre au clair, embrassant sa destinée et se jetant dans la gueule du Kraken ? Devenant Kraken ? C'est la question que vous pose Carrion. Pour une fois que vous pouvez jouer le Kraken et bouffer du scientifique au petit déjeuner, le tout avec une maniabilité, des animations, une ambiance sonore et un level design de folie... Il faudrait être scientifique pour refuser.