Test | Bioshock Infinite
17 avr. 2013

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BioShock Infinite

Bioshock... un nom qui, pour beaucoup, résonne comme la plus belle découverte vidéoludique de ces dernières années. À l'heure où les PlayStation 4 et Xbox 3 font parler d'elles, Ken Levine et Irrational Games, déjà à l'origine du premier volet, promettent un baroud d'honneur mémorable aux machines vieillissantes. Bioshock Infinite est-il le jeu de cette génération ?

Quand l'Amérique rencontre Bioshock

Dans un monde où l'argent fait le bonheur des uns et le malheur des autres, vous incarnez Booker Dewiit, un détective devant retrouver une jeune femme pour annuler ses dettes. C'est après avoir atteint un phare que vous vous retrouvez dans une fusée vous propulsant dans le ciel. Ça y est, vous voilà dans Columbia, ville majestueuse représentant l'ambition d'un homme : Cumstock, un prophète aux airs de gourou. C'est dans cette cité construite sur la foi d'un individu que se trouve Elizabeth, la femme de vos espoirs. A peine arrivé, vous constatez que cet métropole flottante n'est qu'une vision enjolivée de l'Amérique, aussi bien de son idéal que de son histoire, comme le souligne la démesure des décors, la croyance en ses pères fondateurs ou le rapport qu'entretient la ville avec l'esclavage. Car si Bioshock Infinite n'impressionne pas sur le plan technique (fin de génération oblige), il fait office de référence en matière d'esthétisme, de background et d'écriture, si bien qu'il est difficile de distinguer les trois, tant ils s'entremêlent dans un symbolisme bluffant (et parfois discret). Mais même sans se focaliser sur ce rapport à l'Amérique (accentué par une utilisation brillante des musiques, toutes exceptionnelles), l'histoire de Bioshock Infinite reste un modèle de rythme et de rebondissements. En témoigne le twist final, justifiant à lui seul une narration décousue et incitant, pour notre plus grand plaisir, à faire le jeu une seconde fois afin de noter les détails les plus croustillants. Ou quand la série pousse l'idée d'une focalisation interne à son paroxysme.

Voyage en terrain (presque) connu

Le symbolisme est poussé jusqu'au design des ennemis, ici un patriote.

Avant d'aborder les grosses nouveautés de cet épisode, commençons par parler du début du jeu. Ainsi, les deux premières heures (parmi les plus incroyables de ces dernières années) sont l'occasion de redécouvrir la recette estampillée Bioshock, et ce à travers un tutorial rythmé et subjuguant. C'est en parcourant les rues de Columbia, et plus précisément une fête foraine, que vous apprenez à vous servir d'armes et de tonics (équivalents des plasmides des précédents volets) : une gâchette pour l'un, une deuxième pour l'autre et le tour est joué. Si la recette reste la même, elle est bouleversée quelques minutes plus tard. Après diverses allusions aux notions de causalité et de fatalité inhérentes à la série, vous avez le malheur de gagner à la loterie, révélant votre identité aux yeux de tous. La situation dégénère et le chaos prend place. A votre pistolet et votre premier tonic s'ajoute rapidement l'une des principales nouveautés de Bioshock Infinite : la possibilité d'utiliser un bras mécanique pour se suspendre à des points d'accroche ou, plus grisant encore, pour glisser sur des rails nommés aéro-trams. N'allez pas croire que cela pèse sur le gameplay ou l'ergonomie : non, tout s'effectue dans une simplicité déconcertante, en appuyant sur le bouton A pour s'accrocher. Une fois en l'air, il est évidemment plus aisé d'esquiver les tirs ou de venir à bout des ennemis (en leur sautant dessus par exemple). Un panel d'action qui n'est pas de trop pour délivrer Elizabeth, prisonnière de sa tour telle une princesse.

Elizabeth, un personnage attachant et utile

La psychologie et les animations d'Elizabeth sont si soignées qu'elles en font l'un des personnages

Une fois la jeune femme libérée, l'aventure peut commencer. En effet, Elizabeth a une influence étonnante sur l'atmosphère de Bioshock Infinite, mais aussi sur le système de jeu. Enfermée dans une tour faite d'illusions pendant toute sa vie, elle a soif de liberté, chose qui se retrouve dans sa psychologie (elle aime prendre les devants pour explorer les lieux), dans la qualité de ses animations ou dans les possibilités de gameplay qu'elle apporte. Premier constat : la belle prend soin d'elle comme une grande et vous n'êtes jamais dans l'obligation de lui venir en aide. Un parti pris qui va à contre-courant des jeux actuels et qui rend possible l'action décomplexée. Un terme qui prend tout son sens par la suite, lorsque vous apprenez que la jeune femme est capable d'ouvrir des failles temporelles, point névralgique du scénario qui se trouve particulièrement bien exploité dans le gameplay : de nombreuses fusillades de Bioshock Infinite se déroulent dans des environnements vastes, vous permettant d'aborder des situations de différentes façons, justement à l'aide de failles ouvertes par Elizabeth. Qu'il s'agisse de tourelles, d'armes, de points d'accroche ou autres, il vous suffit de désigner une faille pour qu'Elizabeth la rende réelle. Mais attention ! Une seule faille temporelle peut être ouverte à la fois, ce qui implique de savoir vous adapter aux situations. Bien que l'on n'atteigne pas la liberté (et surtout le côté organique) d'un Dishonored, les deux jeux ne jouent pas réellement dans la même catégorie : alors que Dishonored se savoure aussi dans l'infiltration et le tâtonnement, Bioshock Infinite alterne les gunfights survitaminés et les moments plus tranquilles. Un point qui se vérifie avec la place accordé à l'exploration.

Un monde vivant et parfait ?

Car la soif de liberté d'Elizabeth porte parfois ses fruits, si bien qu'elle peut trouver de l'argent ou vous indiquer l'emplacement d'objets (crochets lui permettant d'ouvrir des portes, etc.). Plus important encore : elle peut vous fournir des munitions, des cristaux ou des kits de soin en plein combat, en fonction de vos besoins. De ce fait, les affrontements sont plus dynamiques et Bioshock Infinite est bien plus orienté vers l'action que ses prédécesseurs. Le paradoxe est que Columbia est également plus vivante que Rapture. Il arrive, en quelques occasions, de parcourir des environnements peuplés de monde. Un choix qui a avant tout valeur de symbole (le côté libéral, la notion d'échange, etc.) et qui laisse parfois entrevoir quelques maladresses. On s'étonne par exemple de pouvoir fouiller chez des personnes sans qu'elles ne crient au scandale, d'autant plus qu'il est parfois possible de se faire prendre la main dans le sac dans d'autres lieux (bars, etc.). De même, les premières minutes sont l'occasion d'une scène surprenante : le jeu vous invite à être discret mais il est tout bonnement impossible de rengainer son arme. Certes, ce ne sont que des détails mais les joueurs les plus exigeants ne pourront s'empêcher de tilter par moment. Malgré cela, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas voir en cette aventure d'une vingtaine d'heures (en prenant son temps) l'une des plus belles de ces dernières années.
Le jeu offre la possibilité d'assister à des scènes vivantes voire amusantes.
Les Plus
  • Un scénario extraordinaire
  • L'un des plus belles fins de ces dernières années
  • Passionnant à analyser
  • Une direction artistique somptueuse
  • Des affrontements survoltés
  • Elizabeth, un personnage extrêmement attachant
  • De belles trouvailles de gameplay
  • Les musiques
  • Le doublage français, toujours irréprochable
  • La narration et les voxophones
Les Moins
  • Quelques soucis de crédibilité
  • L'abondance d'action peut rebuter
Résultat

Rares sont les jeux d'action à avoir proposé une aventure aussi fascinante et sublimement écrite que celle de Bioshock Infinite. Plus que jamais, Irrational Games sait utiliser la focalisation interne pour conter une histoire. Côté gameplay, le jeu se révèle plus nerveux que ses prédécesseurs. Particulièrement brutal, il devrait en effet mettre quelques joueurs de côté. Pourtant, l'abondance de liberté est si prononcée qu'elle semble parfois faire écho à certaines thématiques du jeu. Finalement, quand on fait des échanges, c'est pour le meilleur et pour le pire. A l'instar du héros qu'il contrôle, le joueur se doit de l'accepter. Une aventure digne de la série et qui, bien qu'imparfaite, restera parmi les plus belles de ces dernières années. Mémorable.

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