Test | Alan Wake : aux frontières du réel
08 juin 2010

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Alan Wake

J'entends parler d'Alan Wake depuis 2005. Plutôt discret, l'écrivain suscite néanmoins la curiosité. Il faut dire qu'avec ses récits teintés de suspens il a de quoi fasciner ; surtout quand on sait d'où il vient : son père n'est autre que Remedy, le géniteur du célèbre Max Payne. Le talent semble donc héréditaire. Rencontre avec Barry Wheeler, le meilleur ami et agent d'Alan Wake.

Alan Wake, un héros comme vous et moi

Des montagnes couvertes de conifères, bordées d'eau et enrobées d'une brume automnale ; le tout sous un ciel bleu nuancé de nuages : je suis à Bright Falls. Barry Wheeler avait tenu à ce que notre rencontre ait lieu ici. Il avait affirmé, sûr de lui, que je comprendrai ce choix une fois le week-end passé. Fatigué par la traversée en ferry, je sors de ma voiture et prends mon téléphone afin de l'informer de mon arrivée. Il est déjà là, à quelques mètres de moi, son bombers rouge recouvrant son embonpoint. Comme je suis français, Barry s'efforce de parler la langue de Molière (qu'il maîtrise particulièrement bien soit dit en passant). Il me propose de laisser ma voiture sur un parking et de m'emmener à un endroit particulier à ses yeux. J'acquiesce. Nous prîmes son véhicule et profitâmes du trajet pour parler d'Alan Wake. D'après son agent, il était atteint du syndrome de la page blanche. Wake n'aurait pas écrit depuis The Sudden Stop, son dernier best-seller sorti il y a deux ans. Wheeler le décrit comme un homme ordinaire, insomniaque et tourmenté, aux cheveux gras, à la barbe mal rasée et portant une veste rafistolée. J'avais du mal à croire qu'il parlait de l'auteur charismatique et plein d'assurance que j'avais déjà aperçu à la télé. Vingt minutes passèrent et nous arrivâmes à Cauldron Lake, l'endroit que Barry Wheeler désirait me montrer. Son regard avait changé, comme si la vue de ce lac lui rappelait de sinistres souvenirs. Sans que je n'eus besoin de dire mot le bonhomme commença à me raconter le pitch de The Departure, le prochain roman autobiographique d'Alan.

Une Histoire façon Stephen King

Le chalet de Cauldron Lake, là où le cauchemar d'Alan Wake commence.

Le récit se déroule à Bright Falls. Alan Wake était venu y passer de paisibles vacances en compagnie d'Alice, sa femme. Epuisé et après avoir récupéré les clefs de la location, le couple atteignit enfin le chalet où il devait séjourner. Plutôt austère, celui-ci se trouvait sur le lac de Cauldron Lake. Il était tard et Alan savait que son épouse avait peur du noir. Il s'empressa donc de fournir du courant à la maison en allumant un générateur. Une fois à l'intérieur, une dispute éclata : voyant en cette région une potentielle source d'inspiration, Alice avait eu la mauvaise idée d'amener une machine à écrire afin que son mari puisse travailler. Furieux, Alan sortit prendre l'air, profitant du fait que sa femme ait peur de l'obscurité pour être au calme. Il n'en revenait pas... Elle avait osé faire ça alors qu'il voulait simplement se ressourcer avec elle. Soudain, un hurlement éclata : c'était Alice. L'écrivain courut en direction de la maisonnette. Des corbeaux surplombaient le chalet, rendant la scène un peu plus angoissante. Alan Wake courait comme jamais mais c'était trop tard : la jeune femme avait disparu. Peu de temps après s'être réveillé au volant de sa voiture accidentée et sans trace de sa femme, notre héros apprends que le chalet qu'il croyais réel à été détruit en 1970, au cours d'une éruption volcanique. Barry Wheeler sortit de son récit pour donner quelques précisions. Il m'expliquait que l'aventure mêlait phases d'enquêtes et horreur, un peu à la manière d'un thriller. Le tout était saupoudré de fantastique, une nouveauté pour Alan Wake. Des références à Stephen King (Shining) et Alfred Hitchcock (Les Oiseaux) sont apparemment présentes. La discussion terminée, Barry me ramena à l'entrée de la ville. Arrivé au motel, je pris mes bagages et entrai dans ma chambre. Dans la soirée je relus mes notes et commençai à rédiger mon article. Assommé par mon sommeil, je décidai rapidement d'aller dormir. Je me souviendrai toujours de cette nuit passé à Bright Falls et du cauchemar que j'avais fait...

Son Dernier livre, votre prochain cauchemar

Lampe torche reste notre meilleur allié.

Dans ce rêve agité, j'étais dans la peau d'Alan Wake qui enquêtait sur la disparition de sa femme. Lorsqu'il faisait jour, je parcourais la région à la recherche d'indices souvent minces. Il faut dire que Bright Falls s'apparente plus à l'endroit reposant où tout le monde souhaite passer ses vacances qu'à une mégalopole. Les habitants semblent à la fois chaleureux et inquiétants, ce qui n'était pas pour me rassurer. Ces courts passages d'enquête étaient surtout un moyen de développer les événements et l'histoire, ainsi que de souffler un peu, l'obscurité étant beaucoup plus éprouvante. La nuit tombée, le danger était insoutenable : des ombres prenaient possession de Bright Falls et ses habitants. Des objets en tout genre voltigeaient, essayant de tuer Wake, de me tuer ; et des hommes possédés me poursuivaient sans relâche, n'hésitant pas à envoyer leurs haches que j'esquivais tant bien que mal. Seul échappatoire : la lumière. Alan disposait d'une lampe torche rendant ses opposants vulnérables. Quelques projecteurs étaient également disposés sur sa route. En éclairant suffisamment mes adversaires, je pouvais les désintégrer à coups de grenade incapacitante, de pistolet, de carabine, de fusil à pompe ou même de lance-fusée. En dernier recours, des feux de détresse me permettaient de garder le danger à bonne distance. Pour recouvrer mes forces je restais sous la lumière de lampadaires, endroits de sauvegarde par excellence. Bien qu'assez dirigiste, le parcours suivi par Alan Wake laisse place à l'exploration ; l'occasion de faire le plein de munitions et de récolter des thermos à café (?). En éclairant certaines parois il est possible de lire des indications phosphorescentes menant à des coffres mystérieux. Certains passages nécessitent des véhicules avec lesquels je pouvais détruire les possédés (en les éclairant avec les phares). Bien pratique et plutôt divertissant. Enfin, je me souviens de quelques mécanismes à actionner et de phases de poursuite lors desquelles je devais suivre un parcours défini sans tomber dans le vide. Malgré des actions assez basiques, l'aventure était particulièrement prenante et bien rythmée, ce qui empêchait tout ennui.

Une Aventure immersive

Les différents effets sont souvent hallucinants.

Le cauchemar était d'un réalisme sidérant. Si des détails restaient flous, certains effets (lumières, brumes, etc.) étaient époustouflants. Les environnements étaient magnifique et plutôt diversifiés (ville, ferme, mine, etc.) malgré l'omniprésence de la forêt. La profondeur de champs était incroyable et je n'en revenais pas de voir des véhicules et arbres tombés de nulle part, à seulement quelques mètres de moi. Je vivais ce rêve comme si j'étais Alan Wake. L'écrivant courrait lentement et s'essoufflait en un rien de temps, ce qui à défaut d'être pratique me permettais de mieux m'identifier à lui. La nuit, j'étais même obligé de me retourner pour voir ce qu'il y avait derrière moi, enfin derrière Alan. Mais ce qui m'impressionnait le plus, c'était la façon dont Alan Wake me faisait vivre son histoire. Quelques subtilités avaient retenu mon attention, à commencer par ces pages manuscrites qu'il m'arrivait de trouver sur mon chemin. Apparemment écrites par Wake, elles apportaient des informations non négligeables sur les événements qui se déroulaient à Bright Falls et servaient parfois de prédictions. Comment pouvais-je les lire ? Alan s'en chargeait, de vive voix, un peu à la manière d'un conteur d'histoire. Il arrivait aussi que le héros trouve des postes de radio sur sa route, ainsi que des postes de télé diffusant Zone X (une émission étrange). En parlant de ça, l'aventure était divisé en chapitre se terminant sur un moment fort et accompagné d'une musique de grande classe. Probablement l'influence des séries TV que je regardais (trop) fréquemment.

Alan... Wake up !

Et encore, dites vous que vous n'avez pas la musique et les bruitages.

Mes yeux s'ouvrirent peu à peu et je suais à grosses gouttes. N'était-ce qu'un cauchemar ? Sans m'en rendre compte j'avais dormi près de quinze heures. Ce que je ne savais pas encore, c'est que je referai le même rêve quelques jours plus tard. En vivant ces événements une seconde fois, je remarquais certains détails croustillants qui m'avaient échappé lors de mon premier passage (virtuel) à Bright Falls. Il était onze heures du matin et j'étais à la bourre. La fin de l'article attendra : je devais revoir Barry Wheeler pour finir de glaner des informations sur Alan Wake. J'avais prévu de retrouver l'homme en rouge au "Oh Deer Diner", un bar/restaurant du centre ville. La serveuse, Rose, était plutôt mignonne bien qu'ayant la tête dans les nuages au point d'en devenir inquiétante. Barry était assis à une table. On commanda les plats et entama une énième discussion. Je commençais par lui dire que j'avais espéré rencontrer Alan Wake en personne, ce à quoi il me répondit que celui-ci était retourné à New York depuis longtemps pour finaliser son livre et ce qui allait avec. Barry en profita pour évoquer l'existence d'un jeu vidéo adapté de The Departure. Cette version vidéoludique permettrait notamment au joueur de revoir les cinématiques, bandes audio et écrits présents dans le soft, et ce à sa guise. Adorant les jeux vidéo, je me réjouissais d'avance d'avoir à faire à un jeu s'approchant du cauchemar que j'avais fait la nuit dernière. L'agent de Wake me parla aussi d'une version collector regroupant à la fois le jeu, un livre, un DVD bonus et la bande originale du jeu (sublime). A peine plus chère que l'édition simple et proposée sous forme de bouquin, Barry certifia qu'elle serait tout bonnement indispensable. Après notre repas, je quittai Barry Wheeler et repris le ferry en quittant Bright Falls, une ville à la fois très ordinaire et spéciale. D'ailleurs, j'avais du mal à comprendre les raisons qui poussaient Barry à rester là-bas quelques jours de plus... J'aurais dû lui demander.
Les Plus
  • Une histoire passionnante
  • Une narration hors du commun (radios, TV, manuscrits, découpage en épisodes, etc.)
  • Une ambiance extraordinaire
  • Des passages mémorables
  • Parfaitement rythmé (alternance entre le jour, la nuit, les temps morts, l'exploration et les phases en véhicules)
  • Un sens du détail souvent surprenant
  • Alan Wake, un héros comme tout le monde
  • Excellent sur le plan technique
  • Des effets (lumière, brumes, etc.) époustouflants
  • Une profondeur de champs impressionnante
  • Un moteur physique solide.
  • Gameplay terriblement efficace
  • Des bruitages géniaux
  • Un doublage français réussi
  • Des musiques grandioses
  • Durée de vie plutôt conséquente
  • Des checkpoints nombreux
Les Moins
  • La structure du dernier chapitre, assez répétitive
  • Un manque de résolution qui se fait ressentir par moment
  • Des animations parfois un peu rigides lors des cinématiques
  • Des ennemis qui manquent de diversité (où sont les femmes ?)
Résultat

Malgré son apparente banalité, Alan Wake n'en reste pas moins haletant. La mise en scène et la narration sont telles qu'on se laisse rapidement happer par ce thriller horrifique haut de gamme. Les quinze heures de jeu défilent avec plaisir, au point de regretter que ce cauchemar finisse par se terminer. Notons enfin qu'à l'instar des grands jeux, le titre de Remedy nous propose son lot de passages cultes. Au final, Alan Wake décevra surtout les plus exigeants, qui s'attendaient à une révolution du point de vue de la structure et du gameplay ; mais les développeurs avaient prévenu : pas d'environnement ouvert et donc moins de liberté, tout ça dans le but de favoriser une mise en scène extraordinaire.

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