Test | Soldier of Fortune 2
20 juin 2002

Testé par sur
Soldier of Fortune 2

John Mullins est de retour pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c'est la licence Soldier of Fortune, cette revue pour mercenaires qui existe vraiment là-bas, de l'autre côté de l'Atlantique. Une licence bien juteuse qui excuse la débauche de tripes du jeu, le gros sang qui gicle et qui tache. Reste le pire, dont on serait tenté de dire que c'est le reste, vu qu'à part la bidoche et malgré quelques bonnes intentions, Soldier of Fortune 2 ne propose pas grand-chose de tripant.

More guts, more glory

Le premier Soldier of Fortune avait marqué les esprits en son temps. Depuis Doom et peut-être Blood, on n'avait plus vu de jeu aussi gore sur PC. Surtout, on n'avait plus vu de jeu aussi choquant. Les cadavres empalés à la mode Dracula, les bébés pendus de Doom, les crucifiés de Quake, il faut bien reconnaître que c'était vraiment de la rigolade tant c'était pixélisé et moche : avec un peu d'imagination, on pouvait tout à fait prendre ça pour des lapins ou des nounours, des trucs mignons en fait. Avec Soldier of Fortune, impossible. Finie la pixellisation, plus de bitmap : tout tournait en 3D et les cervelles arrachées par une décharge de chevrotine bien placée ressemblaient atrocement à ce qu'on pouvait voir de mieux le soir dans un reportage télé. C'est dire si c'était gore.

Flamenco et hémorragies

Soldier of Fortune 2 reprend bien sûr le même principe, vu que la formule initiale a plutôt bien rapporté. Le jeu est donc plus gore que jamais grâce à un nombre plus conséquent de polygones, notamment pour les ennemis. Sans oublier davantage de points d'impact pour toujours plus de réalisme. Avec une louche de textures détaillées et bien sûr sanglantes, la recette gagne en pur arabica : Soldier of Fortune 2, ça déchire. Mais alors littéralement. Il suffit de mettre la main sur le fusil à pompe pour vérifier les progrès techniques réalisés. Désormais, le jeu gère les hémorragies avec des giclées de sang du plus bel effet en cas de démembrement. Le temps de laisser vomir les plus sensibles d'entre vous et on continue avec les Uzis, plus raffinés, qui permettent de maintenir un corps inerte debout en le faisant tressauter joyeusement sur un staccato endiablé, jusqu'à ce que, ô désespoir, il faille recharger. En comparaison, les autres armes sont moins efficaces, à part peut-être les grenades incendiaires bien marrantes. Elles sont surtout très classiques, le fusil de sniper, la mitraillette et les deux colts façon John Woo répondant à l'appel, comme toujours dans les doom-like. La seule qui sorte du lot, c'est le fusil de sniper à visée automatique qui paraît-il existe vraiment dans les labos américains. Comme quoi Soldier of Fortune 2 colle à l'actu, d'une façon qui va en gêner certains.

Le charbon, ça a du bon

Le jeu est volontairement provocateur, sous couvert de réalisme. Il suffit de jeter un oeil au scénario, qui lorgne vers la guerre bactériologique à base d'anthrax, pour se rendre compte que l'opportunisme est de rigueur. Ca manque peut-être encore un peu de buildings et d'avions, mais le ceour y est. Pas la peine toutefois de faire sa mauvaise tête, le jeu a fait un sacré effort côté rebondissements et propose vraiment un scénario soigné (pour un doom-like), comme le premier opus en son temps. On s'en rend compte dès la première mission, un flash-back en fait qui se déroule en pleine guerre froide, ou encore dans la jungle, quand l'officier à qui on parle se fait brusquement sniper. Comme quoi ce n'était sans doute pas une bonne idée de lui faire le salut réglementaire... Dommage que les cinématiques soient réalisées avec le moteur du jeu qui n'est vraiment pas terrible pour ça. Les personnages tombent de marche en marche au lieu de descendre proprement un escalier, ils se déplacent à angle droit façon robot et la mise en scène est généralement catastrophique avec une alternance de plans sans queue ni tête pour meubler. Cela dit, depuis FAKK 2, on a pris l'habitude de souffrir. Les meilleures cinématiques sont celles où on peut continuer de bouger, comme dans Elite Force ou Medal of Honor, tout en étant briefé entre deux fusillades par un perso non joueur qui n'a pas intérêt à mourir. Ce type de cinématique in game est hélas très très rare, pas de bol.

Nouveautés, attention : danger !

Cela dit, quelques discrètes innovations se font tout de même sentir. Le jeu cherche à mettre davantage l'accent sur l'infiltration avec la possibilité de ramper comme dans Ghost Recon, de se pencher pour repérer des ennemis et les descendre, voire de les abattre en silence en leur lançant malicieusement un couteau dans la nuque, en les égorgeant ou en utilisant un silencieux, tout bêtement. Attention, il est même possible de transporter des cadavres. Incroyable, on se croirait presque dans Metal Gear Solid (un niveau se passe d'ailleurs sur un cargo, de nuit et sous la pluie, ambiance ambiance). Presque, parce que tout ceci est bien inutile. Mieux vaut foncer dans le tas plutôt que d'essayer de se la jouer ninja, sauf dans les niveaux où ce type de progression est imposé, histoire de rallonger la durée de vie et de faire dans l'air du temps. Hélas, ceux que l'infiltration branche vont être déçus. Les ennemis sont salement doués, ils repèrent très bien l'abruti qui joue les tondeuses à gazon en rampant dans les hautes herbes. Inutile de finasser donc, cette partie du jeu n'est pas très bien réalisée. Quand on déplace un corps et qu'on le lâche, il adopte une position de contorsionniste en lévitation qui aurait laissé Houdini béat. Et quand un garde se fait doubler par un couteau taquin qui a frôlé son scalp, il ne lui vient pas à l'idée de se retourner pour prendre le suivant en plein front. Triste. Mais le pire, c'est quand même de se faire repérer à cinquante mètres alors qu'on faisait un effort en progressant silencieusement. De quoi décourager les plus patients.

A plusieurs, c'est mieux

Outre ce bâclage des possibilités d'infiltration, Soldier of Fortune 2 reprend à son illustre aîné la possibilité d'évoluer dans les niveaux avec des alliés providentiels. Les missions dans la jungle où il faut sécuriser un village avec un commando ou déclencher un raid aérien sont tout simplement excellentes. Dommage qu'on ne puisse pas donner d'ordres ou qu'au moins les petits militaires aux visages peinturlurés n'indexent pas leur vitesse sur celle du joueur. C'est toujours comique de les voir regarder en l'air et se pencher derrière un mur au milieu d'un village qu'on a déjà entièrement purgé. M'enfin, des bonnes surprises comme ça, Soldier of Fortune 2 a le bon goût d'en regorger. Les petites balades en hélico sur fond de chevauchée des Valkyries ou en fourgon avec une mitrailleuse pour causer aux poursuivants en font évidemment partie, même si la réalisation ne suit pas toujours. Les virages à angles droits notamment sont un peu surprenants pour des véhicules : décidément, le moteur physique de Quake III n'est vraiment pas au point à ce niveau. Mais on trouve aussi d'autres chouettes trucs, comme les fils à sectionner pour ne pas exploser façon puzzle en marchant bêtement dessus ou les portes à crocheter pendant quelques secondes où on reste horriblement exposé.

Opération désert aride

L'autre petite surprise, et qui est cette fois une vraie nouveauté, c'est le générateur aléatoire de niveaux. Sur le papier, l'idée est géniale : pensez donc, prolonger éternellement la durée de vie du jeu en créant des niveaux automatiquement, sans avoir à les télécharger, sans en connaître à l'avance les moindres recoins... ! Bon, maintenant que vous avez bien bavé, autant vous achever : pour l'instant, c'est complètement naze comme truc. Il n'est possible en fait que de créer des cartes en extérieur qui paraissent misérablement vides, avec des ennemis qui se baladent au milieu de nulle part. Même avec différents environnements (neige, désert), avec différentes périodes (jour, nuit) et avec différents objectifs (assassinat, sabotage), les cartes font vraiment cheap. Ca ressemble aux pires atrocités que les joueurs aient jamais conçues avec le Build de Duke Nukem 3D, pour tout avouer. C'est ballot, des cartes en intérieur auraient certainement été plus vivantes, bien que plus difficiles à élaborer évidemment. C'est clair que gérer une alternance de pièces et de portes, c'est plus balèze que de créer une vaste étendue saupoudrée de montagnes.

Une réalisation carrée de chez Carré

Le reste, à commencer par la réalisation, est hélas bien classique. Il faut dire qu'on commence à le connaître le moteur de Quake III, avec ses jolis éclairages et ses NURBS, ses belles surfaces courbes. Ah non, justement, dans Soldier of Fortune 2 les NURBS étaient en vacances, au point qu'on se demande parfois si ce n'est pas celui de Quake II qui est utilisé. Oui, c'est quand même salement carré. Les voitures, les hélicoptères, les arches des bâtiments, tout semble taillé à la serpe, comme dans le premier volet où même les lumières des gyrophares étaient coupées au cordeau. Tant qu'on y est, il faut aussi fustiger les temps de chargement insupportables, même sur une bonne config avec un disque dur rapide. Pour ceux qui se souviennent de Sin avant le patch... Plus d'une minute pour charger un niveau c'est vraiment trop, surtout pour ce bon vieux moteur de Quake III. D'autant plus que les niveaux sont parfois tout rikikis (on met alors autant de temps à les traverser qu'à les charger...) vu que certains servent juste de cinématique. Heureusement que la modélisation est impeccable et que la jungle est salement réussie, avec ses centaines d'herbes qui ondulent au gré du vent, sinon la pilule aurait eu du mal à passer.

Bicarbonate

Mais ce qui facilite le transit, c'est surtout l'intelligence artificielle, indéniablement plus pointue que dans les autres productions du genre. Il n'est pas rare, quand on grimpe un escalier, de se retrouver nez-à-nez avec une grenade. Ou d'être aveuglé par une lacrymo bien placée après avoir défoncé une porte. Et se replier, ne serait-ce que pour recharger, n'est pas forcément la solution miracle. Les ennemis n'hésitent pas à venir harceler le joueur qui tenterait un repli stratégique. Bon, il reste encore bien des bévues, comme ces murs que l'IA persiste à cribler parce que le joueur est juste derrière, mais quand même l'effort est sacrément louable. La preuve, on stresse comme un cleb chez le véto, la main moite sur la souris, tant les embuscades sont péchues, inattendues et efficaces. Les terroristes ont fait un stage chez les Marines de Half-Life, c'est clair.
Les Plus
  • L'IA vraiment performante
  • Les missions en équipe
  • Le multijoueur imprévu mais réussi
  • Du sang, des tripes !
Les Moins
  • Des décors trop carré pour du Quake III
  • Les innovations ratées
  • La provocation gratuite
Résultat

Ce qui est salement réussi aussi, c'est le mode multijoueur, franchement bien fichu. Les parties sont nombreuses sur le net et même avec un ping assez mauvais le moteur de Quake III assure. Les développeurs ont pensé aux joueurs, entre autres en leur permettant de voter grâce à des raccourcis clavier. Pour une fois, ce n'est pas qu'une bête déclinaison ajoutée à la va-vite (alors que jusqu'au bout l'incertitude avait plané sur l'intégration ou non de ce mode de jeu). On voit qu'il y a du boulot derrière, un minimum de réflexion. Les cartes sont bien pensées, notamment celles dans la jungle où on peut ramper dans les herbes pour sniper peinard comme une grosse poule mouillée. Le genre de truc qui ne marche pas en solo mais qui bluffe complètement des joueurs humains. Rien de révolutionnaire mais enfin du bien rôdé qui fait plaisir à voir, malgré quelques couacs techniques. Dommage qu'en solo le jeu soit aussi classique, à part son côté volontairement provocateur (licence oblige). Après Medal of Honor, et en attendant la prochaine génération de doom-like, Soldier of Fortune 2 passe clairement dans le creux de la vague faute d'innovations convaincantes.

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