Test | UFO 50
26 oct. 2024

L'incroyable compil venue d'un autre monde

Testé par sur
UFO 50

Improbable, inattendue, insoupçonnée : malgré un bon paquet d'heures dessus, la compilation UFO 50 n'en finit pas de vous surprendre. Sous couvert d'une vraie-fausse histoire d'un studio disparu, l'équipe derrière ce bijou livre 50 jeux bien réels. Certains vous parleront en un instant, d'autres vous laisseront pantois au premier contact, nécessitant d'y replonger plus tard pour n'en ressortir qu'une dizaine d'heures après. Vous avez deux ans de chômage devant vous ? C'est peut-être le bon moment de vous faire enlever par UFO 50.

L'histoire du jeu

8 ans ont été nécessaires à une poignée de concepteurs indépendants pour sortir cet ovni total qu'est UFO 50. Sous la houlette de Derek Yu, six créatifs ont investi un temps considérable dans la constitution d'un studio de jeux vidéo qui n'a jamais existé : UFO Soft. Une histoire, un logo qui évolue, une mascotte, une activité étalée de 1982 à 1989, et cinquante titres sortis dans cet intervalle. C'est un pari fou que représente la création de UFO 50 car il s'agit bien de 50 jeux différents, aux mécaniques, principes, objectifs différents. Des RPG, des jeux de course, des jeux de puzzle, des jeux d'arcade, des jeux de plateforme... Tout ce qu'un studio créatif de l'époque aurait pu explorer. Avec des clins d'œil entre les jeux, des passages secrets, des objectifs secondaires, des bugs... de vrais jeux, quoi.


#9 Attactics : un excellent jeu de tactique rapide.


La création de ce catalogue le plus réaliste possible est un tour de force improbable, à la fois inscrit dans la normalité des compilations que nous connaissons tous, et en même temps totalement fictionnel. Il a fallu recréer l'histoire de développement de chaque jeu, les inscrire dans le contexte technologique de l'époque, inventer des évolutions de mécaniques dont profitent les jeux suivants... L'énormité de la chose n'est pas perceptible de prime abord mais quand vous vous en rendez compte, difficile de ne pas être pris de vertiges.
8 ans de création : toute ressemblance avec des AAA est involontaire

Le dépoussiérage

Chaque cartouche a le minimum d'infos pour démarrer.

UFO 50 s'ouvre sur un catalogue de cartouches poussiéreuses. Choisissez-en une au hasard ou procédez dans l'ordre chronologique, comme vous préférez. Une fois choisie, la cartouche retrouve son aspect original et se lance, s'ouvrant sur l'écran titre signé par UFO Soft et l'année de publication. La machine à remonter le temps est activée : les sons, les visuels, tout vous plonge dans l'époque supposée de lancement du jeu. Comme sur NES dans les années 1980, le jeu démarre souvent directement, avec si elle existe une intro succincte. Vous bougez les contrôles parfois alambiqués, vous appuyez sur un bouton pour voir ce qui se passe... puis vous partez explorer. Et là, c'est la claque, mais genre, la vraie. Soyons francs : le game over arrive plus vite que prévu. Soit par un ennemi sorti de nulle part, soit par une prise en mains particulière, soit par la fin d'un chrono pas identifié.


#47 Quibble Race : lancez vos paris dans cette course de chevaux.


C'est pas grave, vous lancez une autre cartouche et l'univers du jeu vous plaît. Rien que ça, vous en avez pour 5 à 6 heures. Après avoir dépoussiéré les 50 cartouches, un sentiment d'injustice mêlé de frustration peut s'emparer de vous. Et c'est normal. N'attendez pas de UFO 50 qu'il vous prenne par la main. Rappelez-vous d'où vous venez : les années 1980, avec deux boutons et une croix directionnelle comme seuls amis. Les premières heures de jeu semblent rudes et pourtant, dans toute la sélection, certains jeux ont retenu votre attention. C'est le moment d'y revenir, de creuser leur mécanique, de vous accrocher un peu. Rassurez-vous : vous venez de toucher le fond de la piscine.


#4 Paint Chase : laissez votre trace sur le plus de pistes possibles !


Car vous comprenez que UFO 50 n'est pas un jeu comme les autres. C'est un jeu de communauté. Un jeu qui, comme dans votre enfance, nécessite de s'échanger des astuces entre copains, de lire des extraits de soluce vite fait chez le marchand de journaux, de tester des idées absurdes juste pour voir si ça marche. C'est là que vous plongez dans le sub UFO 50 sur Reddit où des centaines de joueurs se sont comme vous arrachés les cheveux avant de chercher à s'entraider. Des gens ont dessiné la carte d'un jeu sur du papier pour partager leur plan fait-maison ; d'autres se sont lancés dans la rédaction de guides détaillant les faiblesses de certains ennemis...
Nous avons tous oublié que dans un jeu il est possible de perdre (et vite)

Les principes

Une course de vaisseaux rapide et facile pour démarrer.

Quand UFO 50 annonce 50 jeux, il s'agit de 50 jeux réels et complets, pas 50 mini-jeux. Derek Yu l'a expliqué en entretien : chaque jeu a pour objectif de s'appuyer sur une mécanique connue à l'époque tout en apportant un twist, un léger plus, qui le rend plus intéressant qu'une simple copie "à la manière de". C'est pour cela que dans beaucoup de jeux il y a en réalité deux couches : la première, basique, connue ; et la seconde où vous pouvez acheter, modifier, faire évoluer votre équipement, votre personnage ou l'environnement. Généralement, cette surcouche n'était pas la norme des jeux plus bruts de l'époque. Et c'est là que UFO 50 révèle toute son ingéniosité.


#13 Mooncat : une fois les contrôles compris, cette aventure se révèle très cool.


Il y a par exemple #2 Bug Hunter, le 2e jeu de la collection. De prime abord, cet échiquier est incompréhensible. Mais la mécanique est diablement maline : vous pouvez déplacer votre personnage ou agir sur les insectes à exterminer, selon un nombre de cartes disponibles. En collectant des cristaux, vous pouvez échanger vos cartes et donc étendre vos mouvements. Difficile, mais passionnant. Il y a également #9 Attactics où vous alignez vos pions dans un délai réduit, le but étant d'atteindre le camp ennemi pour détruire ses défenses. Ce n'est pas qu'un jeu de rapidité, ni que de réflexion : c'est un savant mélange entre les deux et y revenir est toujours un plaisir.


#02 Bug Hunter : un jeu de stratégie hyper prenant.


Il y a un jeu étrange où vous dirigez une fourmi (#46 Combatants) et donnez des ordres à vos comparses, mais c'est clairement le jeu le moins apprécié par l'Internet. Il y a un point & click sombre et intriguant (#42 Night Manor), et puis le génial #29 Vainger, un Metroidvania mais où le héros peut inverser la gravité en sautant. Il y a #13 Mooncat, où vous contrôlez votre personnage avec seulement deux boutons : de agaçant à passionnant une fois la mécanique maîtrisée, après une cinquantaine de vies perdues. Il y a #25 Party House où vous organisez la meilleure soirée du quartier : incompréhensible à la première partie, quelques explications trouvées sur Reddit rendent le jeu sérieusement addictif.
À l'ancienne mais en mieux

Pour qui ?

Beat'em up de zombies !

UFO 50 prend le parti du réel, malgré toute la fiction qu'il incarne. Cela implique peu de mise en contexte, peu d'explications, pas de tutoriel systématique. Try and learn pourrait être le motto des années 1980, totalement appliqué à UFO 50. Mais ne vous laissez pas décourager. Il s'agit uniquement de vous rappeler que l'évolution des jeux vidéo nous a désappris l'essentiel : essayer, se tromper, chercher. Ce qui rend le plaisir de réussite encore plus fort. Et comme évoqué, UFO 50 est un jeu qui nécessite de parler à ses camarades tout autant en galère que vous. Souvenez-vous du temps de la récré où vous partagiez votre progression dans le jeu du moment. Aujourd'hui, vous avez Internet : la communauté Steam et surtout le sub Reddit sont vos alliés.


#28 Rail Hest : ambiance far-west, dévalisez le train sans vous faire repérer.


À bien des moments, vous serez perdu : objectifs pas clairs, ennemis abusivement forts, Continue pas toujours présent... UFO 50 n'est pas un jeu casual, c'est un jeu comme à l'époque. Mais n'y voyez pas non plus une forteresse imprenable. En grattant sa surface, vous commencez à en apprécier sa saveur. En perçant un petit trou via un jeu qui vous botte, vous saisissez l'intelligence et la richesse du titre. La bonne nouvelle c'est que UFO 50 regorge de titres malins, même si, soyons honnêtes, vous n'accrocherez pas à tous. Preuve ultime de la conception du titre dans sa globalité : les designers ont glissé un méta-jeu. En explorant le terminal, vous êtes renvoyé de jeu en jeu avec des petits objectifs parallèles : une fois encore, le génie est sans limite.
Vous êtes au chômage ? Parfait !

L'anecdote

Un mix entre GTA et Crazy Taxi, parce que pourquoi pas.

Depuis l'édition 397 de Edge et ses 18 pages de couverture approfondie d'UFO 50, j'ai compté les jours jusqu'à sa sortie. J'ai adoré le concept d'un obscur studio oublié, le fait que l'équipe ait travaillé dessus pendant 8 ans, les graphismes rétro-cool des captures d'écran. Et j'ai adoré le fait que la promesse était de jouer à 50 vrais jeux, pas des mini-jeux. J'étais tellement naïf. Lorsque j'ai mis la main sur le jeu quelques jours après sa sortie, en le lançant sur mon Steam Deck, j'ai décidé d'explorer un peu chaque jeu pour me faire une idée de l'ensemble. Quelle erreur ! À part un tout petit nombre de jeux, j'étais complètement perdu. Je ne comprenais pas facilement les contrôles ou les objectifs (dans certains jeux, ils n'étaient même pas expliqués). Oh, c'est quoi ce truc volant, un bonus ? Oh non, je suis mort, game over.


Les crédits : une équipe bien dans l'époque.


J'avais tellement envie d'aimer ce jeu et mes 5-6 premières heures à gratter sa surface ont été tellement frustrantes. J'étais en colère, je voulais plus de contexte ou des instructions claires. Mais j'ai continué. J'ai creusé dans les quelques titres que je préférais et après 2 ou 3 heures sur chacun d'entre eux, j'ai commencé à comprendre comment progresser. La véritable révélation s'est produite lorsque j'ai parcouru la communauté Steam et plus particulièrement le sub dédié sur Reddit. C'est alors que j'ai réalisé qu'UFO 50 est un jeu sur la communauté. Partager des astuces, demander de l'aide, poster des cartes dessinées à la main de niveaux entiers, donner des indices sur le méta-jeu avec le terminal... Cela m'a immédiatement ramené à la fin des années 1980, lorsque je me faufilais chez le marchand de journaux avec un stylo et du papier pour griffonner des codes de triche trouvés dans les magazines que je ne pouvais pas me payer.
Mourir et renaître encore
Les Plus
  • Plusieurs centaines d'heures garanties au bas mot
  • Des jeux plus malins qu'il n'y paraît
  • La redécouverte des trucs et astuces
  • Une compilation pensée dans sa globalité
  • Il y en a pour tous les goûts
Les Moins
  • La rudesse du manque d'explications peut désarçonner
  • Quelques titres un peu en dessous
Résultat

50 vrais jeux ou presque, 8 ans de conception, l'univers fictif d'un studio n'ayant jamais existé : UFO 50 n'est pas un titre à prendre à la légère. En passant successivement par différents états de découverte, de déception, d'espoir puis d'euphorie, vous vous appropriez cette montagne. Un pas après l'autre, en choisissant le versant qui vous offre les meilleures prises et en vous appuyant sur les indices laissés en ligne par d'autres explorateurs, vous grimpez dans les classements et débloquez les objectifs de chaque titre. Et ce n'est pas très grave si vous en laissez quelques-uns sur le côté, après tout vous n'êtes pas obligé de tout aimer chez un studio de jeux vidéo.

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