Test | Frostpunk 2
19 sept. 2024

Retour à Coal Mountain

Testé par sur
Frostpunk 2

La vie est faite de plaisirs simples. Envoyer des enfants à la mine de charbon par exemple, pour alimenter la chaudière géante qui protège vos citoyens du froid. Profaner des tombes pour accéder au pétrole dessous. Recycler les cadavres pour améliorer les soins. Bref, améliorer le quotidien (à tout prix) : Frostpunk 2 est un jeu de gestion et de survie qui va mettre vos idéaux à l'épreuve.

L'histoire

George Fairweather, 17 ans, orphelin, est fort marri : sa petite sœur Lucy n'est pas revenue de la mine de charbon. Il s'essuierait bien les yeux mais il ne peut pas : il a perdu ses mains à cause du gel. Alors George ravale sa tristesse et se console comme il peut. Après tout, s'il a encore un peu de chaleur pour éviter de mourir de froid cette nuit, c'est grâce à la mine. Grâce à vos décisions courageuses aussi. C'est vous, Gouverneur, qui avez fait voter l'envoi des gamins valides à la mine, plutôt que de les laisser traîner dans la rue. Vous qui avez négocié avec les factions, les Néo-Londoniens, Étendiens et autres Pèlerins. Vous enfin (mais ça, le petit George n'a pas besoin de le savoir) qui avez ordonné aux Sapeurs d'étouffer un départ d'incendie pour sauver le gisement... quitte à tuer les mineurs et les gamins coincés. Après tout, c'est vous qui êtes en charge de la Nouvelle Londres, tant que les factions (et les citoyens) vous soutiennent. Autant dire que l'âme de la petite Lucy ne pèse pas lourd face au poids écrasant du bien commun.
Des délinquants envahissent les rues ? Envoyez-les à la mine ! C'est moins cher que l'école...

Le principe

Sauver des vies ou un gisement : selon l'état de vos ressources, vous n'avez pas toujours le choix.

Alors évidemment, dans Frostpunk 2, il faut avoir le cœur bien accroché. Dès le prologue de la campagne principale (qui dure une quinzaine d'heures), vous devez faire des sacrifices. Le froid tue : il faut non seulement nourrir, chauffer, abriter la population, mais il faut aussi stocker. Des vagues de froid coupent les communications et ensevelissent les constructions régulièrement, décimant sans pitié toute enclave mal organisée. Comme dans tout bon jeu de gestion, il faut planifier : déneiger les zones utiles, celles avec des gisements de charbon par exemple. Construire des usines. Des entrepôts. Maintenir la production malgré les vagues de froid et les grèves, si votre population se rebelle. Faire voter des lois pour régler les problèmes du quotidien, qu'il s'agisse de délinquance juvénile (école ou mine ?), d'insalubrité ou de maladies. Développer la recherche pour améliorer la production, l'efficacité énergétique et les expéditions. Chaque décision, chaque innovation a son revers. Comme le pompage hydraulique, qui accélère l'extraction de pétrole certes... mais pollue l'eau.
D'abord simples, la construction et la gestion font place à la complexité des lois et des recherches

Le rythme

La recherche débloque des bâtiments plus efficaces. Vous gagnez des bonus en les plaçant au mieux.

Cette complexité roulante est une des grandes forces du jeu. Contrairement à Jurassic World Evolution et autres jeux de gestion un peu plan-plan, les chapitres de la campagne ne vous laissent ici aucun répit. Il n'y a pas de ventre mou, pas de moment où vous vous dites : « c'est bon, ça tourne ». Votre popularité est au sommet ? Toutes vos réserves sont pleines ? Vos lois passent comme une lettre à la poste ? La création d'une colonie, obligatoire pour passer au chapitre suivant, va complètement dérégler votre économie. Plus loin dans le jeu, après avoir conquis de nouveaux territoires, ce sont les tempêtes de neige qui vont casser vos chaînes logistiques et tuer massivement vos populations locales. Vous allez regretter amèrement d'avoir laissé telle ou telle ville trop dépendante des caravanes de nourriture...
Une fois la Nouvelle Londres plus ou moins autonome, il faut explorer l'enfer blanc

Pour qui ?

Dézoomez au maximum pour afficher les explorations en cours. La conquête de l'enfer blanc commence.

Si vous n'avez pas joué au précédent opus, la marche risque d'être un peu haute. Il n'y a pas de didacticiel à proprement parler, juste des pages d'aide contextuelle – c'est sec, chargé en texte, en un mot : UN PEU FROID (ah, ah). Les forums Reddit et les sites tiers sont précieux pour comprendre telle ou telle mécanique un peu absconse ; mention spéciale à ce super article sur la gestion de la chaleur. Et la complexité va crescendo au fil des chapitres. Pas tant à la Anno 1800, finalement très permissif. Plus à la Anno 2205, pour ceux qui avaient colonisé la Lune. Il faut sans cesse apprendre à jongler avec de nouvelles contraintes logistiques et politiques, ce qui fait tout le sel du jeu sur la durée.

L'aspect survie est en plus omniprésent. L'environnement hyper hostile est la vraie star du jeu. Impossible de ne pas penser au froid quand vous aménagez une zone résidentielle – en essayant de planquer les baraquements insalubres au fond d'un canyon pour économiser un peu de charbon. Quand vous faites surchauffer le générateur central temporairement, le temps que votre énième gisement de pétrole soit déblayé. Ou quand vous envoyez des ressources à une colonie entre deux tempêtes de neige. De quoi rappeler la planète meurtrière de Dune : Spice Wars, sans les combats temps réel. Mais avec les factions à calmer aussi, toutes avec leur propre agenda. Plus grand, plus ambitieux que le premier volet, Frostpunk 2 place la barre des jeux de gestion (et de la déprime) très haut.
Entrecoupez vos parties de films Pixar ou Illumination, conseil d'ami

L'anecdote

Tenez vos promesses électorales si vous ne voulez pas vous retrouver dans la mouise comme moi.

J'ai adoré une des grandes nouveautés de cette suite : faire voter les lois. Aussi indispensables à la survie que les recherches, les lois permettent d'organiser la vie communautaire (criminalité, santé, éducation, etc.) et d'optimiser les ressources (nourriture, préfabriqués, chaleur, revenus). Autant dire que le rejet d'une loi peut vous mettre dans la sauce. Pour faire pencher la balance en votre faveur avant le vote, à vous d'étudier le rapport de force au parlement : quelle faction est majoritaire ? Est-elle pour ou contre la loi que vous voulez faire passer ? Si elle est contre, il faut négocier. Bâtiments, recherches ou même bakchich, tout est bon pour l'emporter. Problème : je me suis parfois retrouvé avec trois factions refusant de négocier. La solution ? Les cajoler entre chaque vote, plutôt que d'attendre la séance au parlement... Ah, et respecter mes promesses aussi, accessoirement.
Être un bon gestionnaire ne suffit pas : il faut aussi être un fin politicien
Les Plus
  • Le froid implacable pèse sur chacune de vos décisions
  • Les conflits moraux permanents : humanisme contre survie
  • Le rythme soutenu de la campagne, sans ventre mou
  • La réalisation, l'habillage, l'interface
  • La politique : le système de votes et d'influences très malin
  • Entièrement traduit en français
Les Moins
  • L'aide textuelle est très utile mais un peu aride : les débuts sont laborieux
  • Quelques bugs de texte et de traduction (recherche par mots-clefs par exemple)
  • La gestion de plusieurs colonies est un peu laborieuse
Résultat

Frostpunk 2 va mettre vos idéaux à rude épreuve : la morsure permanente du froid poussera vos talents de gestionnaire et votre boussole morale dans leurs retranchements. Chaque décision que vous prendrez aggravera tel ou tel autre facteur qui aura des répercussions plus tard... vous forçant à affronter les conséquences de ce qui vous avait paru la moins pire option quelques heures avant. Aussi diabolique que prenant, ce jeu de gestion et de survie vous glacera le sang pendant la quinzaine d'heures de sa campagne solo (sans compter le mode bac à sable). Vous ne reviendrez pas indemne de ce voyage. Et vous verrez peut-être les politiciens d'un nouvel œil !

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