Test | Pentiment
09 avr. 2024

Au nom de la prose

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Pentiment

Qui aurait soupçonné une telle activité chez des moines copistes ? Ah, il s'en passe des choses sous les toges ! À la manière de Au nom de la rose sur grand écran à son époque, Pentiment vous embarque avec fracas dans une palpitante aventure mêlant religion, arts, meurtres, le tout avec une révolution sociale en toile de fond. Au-delà de son récit c'est son ambiance qui vous embarque : cette pépite débarque sur Switch et vous n'êtes pas prêt de la lâcher.

L'histoire

Bavière, XVIe siècle. Dans cette fresque médiévale, vous incarnez Andreas, jeune artiste préparant sa carrière d'illustrateur (à l'époque : enlumineur) par un stage de fin d'études chez des moines copistes. À Tassing, le village attenant, le temps a fait son œuvre. La fronde monte contre l'abbé qui abuse de son droit d'impôt sur les terres ; l'imprimerie (manuelle, sous presse), commence à émerger ; et puis un seigneur de passage dans la région, le baron Lorenz, est retrouvé mort. Évidemment, Lorenz est volage, riche, violent et érudit à la fois, laissant à chacune de ses précédentes visites à Tassing quelques personnes fâchées.

Alors que vous découvrez le village, ses habitants, l'abbaye et le couvent, que vous digressez avec chaque personnage pour, selon votre envie de joueur, tantôt accueillir leur peine en hochant la tête, tantôt exposer votre indifférence avec quelques répliques cinglantes, vous palpez peu à peu l'injustice générale qui règne en ces lieux. Et quand c'est votre maître de stage, le vieux Pierro, 80 ans au compteur, qui est accusé du meurtre du baron, votre sang ne fait qu'un tour. Voilà le point de départ du premier acte, qui vous engage, vous, jeune artiste en herbe, à embrasser temporairement la carrière de fin limier.

Le crime était fresque parfait

Le principe

De prime abord la mécanique générale de Pentiment puise dans une sauce bien connue, sorte de mix de RPG et de jeu d'aventure narratif. C'est dans les dialogues que vous définissez les caractéristiques de votre personnage, en répondant aux questions qui vous sont posées par un villageois. Quelle matière avez-vous étudiée en plus des arts : l'éloquence, ou la médecine ? Selon vos choix, vous accéderez plus tard à des dialogues et actions spécifiques, propres à votre feuille de personnage. Mais l'originalité se trouve dans le dépassement de ces aspects jusque-là assez classiques.

D'abord, le temps file et ne vous permet pas de tout faire. Choisissez bien à qui tenir la jambe, avec qui prendre le repas. Cela sera déterminant pour votre enquête. Le jeu se garde de vous dévoiler les choses hors champ, à vous d'interroger ce moine, tiens là, par exemple, si vous le croisez, ou de l'ignorer si vous le souhaitez. Comme dans la vie, des discussions anodines peuvent parfois éveiller un terreau fertile d'informations. La trame du jeu se dessine donc sous votre plume, avec une impression déstabilisante de ne jamais savoir si vous êtes dans le vrai. Mais qu'importe, c'est votre partie, c'est votre vérité ! Ce qui donne très envie, une fois le jeu bouclé, de relancer une lecture du titre sous un angle différent ou de comparer ses choix avec un camarade de jeu.
Une impression de jamais-vu

L'ambiance

Le jeu s'intègre dans un livre avec ses annotations et enluminures : du génie.

Dès les premiers instants, Pentiment assume la promesse d'un écrin comme rarement vous en avez tenu en mains. Le titre s'ouvre sur un chevalet de travail, sur lequel est posé un ouvrage en cours d'écriture. La caméra plonge dans cet ouvrage et vous voilà dans le jeu. Cette idée incroyable va persister tout au long de votre aventure. Les dialogues s'écrivent progressivement, avec le bruit de la plume pour les accompagner, ponctués de petites coquilles corrigées sur le vif. Pour les personnages travaillant à l'imprimerie, leurs dialogues sont tapés à l'aide de matrices en laiton pour révéler ensuite l'encre... Lorsqu'un personnage évoque un nom propre, celui-ci est souligné en rouge ; d'une pression sur une touche, vous mettez l'action en pause et dézoomez du jeu pour révéler la page de notre livre, avec en légende les descriptions de ces noms. Enfin, changer de pièce d'un bâtiment ou de zone d'exploration revient tout simplement à tourner une page dans un sens ou dans l'autre, selon votre direction. En cela, Pentiment est un titre à part, particulièrement soigné dans son approche globale, vous embarquant de bout en bout dans son univers singulier.

C'est la luth finale

Pour qui ?

Avec son enquête comme trame principale, ses multiples ramifications liées à chaque personnage selon votre envie de vous y engouffrer ou non, Pentiment vous offre un grand moment de divertissement parsemé de doutes, d'hésitations, de détermination, et ce sans être un expert des enquêtes policières. Au pire, contentez-vous de suivre votre instinct. Avez-vous réalisé le bon choix de dialogue ? Vous le regretterez peut-être quelques heures plus tard quand un personnage se souviendra de votre cinglante répartie. Même si vous pouvez jouer de manière acidulée en véritable petit bourgeois hautin ou au contraire tenter d'être du côté des braves, Pentiment vous imposera des décisions qui ont un impact fort sur l'ensemble de la partie. Comprenez par là que relancer le jeu après l'avoir terminé est l'assurance d'emprunter des chemins non encore explorés, ce qui rend le jeu d'autant plus riche.
Un 100 d'encre

L'anecdote

Selon vos actions, vous parvenez à convaincre quelques esprits retors.

Terrassé. J'étais terrassé, arrivé au bout des trois premiers jours, à l'idée de devoir rendre publiques mes intuitions sur le meurtre du baron. Je ne pouvais pas accuser cette pauvre femme, si fébrile que je suis allé lui chercher du bois dans la forêt. Ou bien était-ce une ruse de sa part ? Et ce jeune fermier, qui concilie difficilement vie familiale et respect de la loi, que j'ai vu dérober des bijoux au baron... serait-il allé jusqu'à lui voler la vie ? Hmm... Cet abbé qui se prête à quelques rituels chamaniques en compagnie du baron ne semble pas le faire autrement que pour l'instruction, lui qui a accès à tant de livres dans la bibliothèque. Pourtant, du sang a été trouvé sur ses affaires : rituel, ou règlement de comptes ?

Il m'a fallu témoigner. Et j'ai choisi de ne pas tout dire. En ayant conscience que le peu que je dirai sera retenu contre un accusé, qui finira probablement décapité. Je l'assume. Mais surtout, j'ai compris que Pentiment ne vous révélera jamais qui est le véritable assassin : le jeu se construit autour de vos intuitions et non l'inverse. Ce qui rend ce titre si attachant. Alors vous imaginez ma joie quand je me suis rendu compte que l'histoire du baron ne constituait que le premier de trois chapitres ? Oh là là, encore des gens à soupçonner, je suis joie !
Qui, qui, mais qui ?
Les Plus
  • L'ambiance générale
  • Les typographies adaptées aux personnages
  • La seule vérité est la vôtre
  • La richesse des dialogues
  • La beauté du titre : vous êtes dans un livre d'époque !
Les Moins
  • La mécanique de persuasion mériterait une explication au démarrage
Résultat

Pentiment relève du coup de génie. Une enquête sur 25 ans dont l'histoire se construit autour de vos actions. Une ambiance unique vous plongeant dans un livre du XVIe siècle de bout en bout. Un style graphique très proche des enluminures, ces illustrations qui complétaient les livres de l'époque. Un univers sonore qui accompagne avec brio le titre, par sa musique et les sons jusqu'au bruit de plume dans les dialogues. Oui, le jeu vous prendra par les Pentiment.

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