L'impossible remise à plat ?
- Éditeur Warner Bros. Interactive
- Développeur NetherRealm Studios
- Sortie initiale 14 sept. 2023
- Genre Combat
Si nous attendions Mortal Kombat 1, c'était pour une raison toute simple : en plus d'être garni d'un contenu colossal, avec son patch "next-gen", Mortal Kombat 11 était ni plus ni moins que l'un des plus beaux jeux de la Series X/PlayStation 5. Nous étions donc confiants pour ce nouvel épisode qui, de fait, par nature, semblait avoir un temps d'avance sur la concurrence. Pas de chance pour nous, puisqu'une pirouette à base de reboot est venue mettre son grain de sel, et rendre ce renouveau difficile à appréhender.
L'emballage
L'histoire
Malgré une formule inchangée, le mode Histoire brille par ses cinématiques et son final.
On peut difficilement dissocier le ton de ce volet de celui des précédents jeux. Liu Kang a reforgé un univers selon ses envies pacifistes, mais ce monde est relativement identique à celui connu des adeptes de la saga. Pire : il y a de grandes chances qu'un nouveau joueur, regardant la série de loin depuis des années, n'y voie rien de bien neuf. Cela donne l'impression d'avoir affaire à un acte manqué, tant la licence aurait pu – dû ? - s'éloigner des conventions habituelles pour quelque chose de plus original, voire de déjanté.
On se réconforte alors avec deux choses. La première, c'est que les cinématiques du mode Histoire sont particulièrement réussies. C'est d'ailleurs le seul gros bond en avant sur le plan technique, puisque l'on a réellement l'impression de se trouver devant un film. Ensuite, il faut avouer que le dernier tiers du mode Histoire est plutôt audacieux/malin dans sa manière de justifier – potentiellement – l'orientation de ce volet, et même ses éventuels DLC. C'est d'ailleurs dans son final que le titre s'autorise, justement, à sortir des carcans afin de profiter de son idée de multivers. Dommage de ne pas être allé encore plus loin.
Le gameplay
Ce n'est pas visible sur les captures, mais du bruit et des aberrations chromatiques sont présents.
L'idée n'est pas mauvaise en soi, mais son intégration semble un peu chaotique. D'abord, soulignons que la mécanique ne semble pas s'intégrer avec aisance aux combos. Tandis que dans d'autres jeux, tout se fait assez simplement au sein de l'action, dans Mortal Kombat 1, ce système nécessite plutôt d'appuyer sur la touche au moment adéquat. N'espérez donc pas appeler votre partenaire véritablement en plein combo, en étant novice, sans réfléchir, pour des parties festives entre potes. De même pour la défense : sans expérience, il arrive d'appuyer deux ou trois fois sur la touche avant que le combo adverse s'interrompe, visiblement parce que l'animation doit se produire à un moment précis.
Bien sûr, le mode Tours s'apparentant à l'habituel mode Arcade reste présent.
Dernier point et non des moindres : en faisant des kaméos nécessitant beaucoup d'apprentissage pour confectionner des combos, ce Mortal Kombat 1 s'éloigne de l'essence de la série. Le jeu a fait d'une mécanique généralement spectaculaire quelque chose d'exigeant, probablement pour continuer de viser l'e-sport. Il faut désormais apprendre les coups d'un personnages mais aussi les combinaisons avec son kaméo de prédilection. Cela est certes gratifiant si on se place sur le plan compétitif, mais cela reste déstabilisant pour une saga qui base son succès sur le contenu, le spectacle et le gore. D'ailleurs, bien que toujours présentes, les Fatalities et Brutalities paraissent étonnamment en retrait dans cet épisode, comme si elles avait dû faire la place aux kaméos et aux Fatal Blow (désormais en binôme).
Le mode Invasions
Avec les kaméos, certaines projections (hélas trop rares) sont spectaculaires.
Pour qui ?
Bien sûr, Mortal Kombat reste (heureusement) Mortal Kombat.
Même certains adeptes de la série risquent d'être franchement déçus par cette sorte de stagnation, qui n'est finalement pas sans rappeler certaines franchises sportives (FIFA, NBA, etc.). Reste alors un maigre lot de consolation, à savoir le mode Histoire qui s'avère (un peu) plus agréable à suivre que d'ordinaire, grâce à des cinématiques plus travaillées, ainsi qu'au retour à une forme de simplicité narrative. C'est déjà ça, mais avouons que pour un mode s'étalant sur cinq heures, la facture peut s'avérer un peu salée si on achète le jeu plein tarif.
Dernier point et non des moindre : comment ne pas évoquer le mastodonte Street Fighter 6 ? C'est l'autre énorme souci de Mortal Kombat 1. Le jeu de Capcom a placé la barre particulièrement haut et a réussi à révolutionner sa licence. Trois mois après sa sortie, force est de constater que son spectre nous hante toujours. Visuellement d'abord, il est difficile de revenir aux animations rigides de ce Mortal Kombat après avoir goûté au côté organique et "next-gen" de Street Fighter 6. Mais aussi dans sa démarche, puisque le jeu japonais est parvenu à rassembler les joueurs, à faire avaler la couleuvre d'un nouveau système de jeu alternatif et plus accessible (le mode Moderne), et sans parler de la démesure de son World Tour.
La polémique
Vous pouvez personnaliser vos combattants, et donc Johnny Cage en Van Damme... ou presque.
- Le mode Histoire, visuellement réussi et disposant d'un final malin
- Un titre "qui se laisse jouer"
- Les kaméos, étonnamment tournés vers l'e-sport
- Un gameplay bien plus posé que dans Mortal Kombat 11 (et donc une approche vraiment distincte)
- Malgré des décors vides, le jeu reste agréable à regarder
- Dans un sens, il faut du courage pour jouer de la sorte avec le feu
- L'emballage Mortal Kombat (doublage VF, etc.)
- Une technique qui stagne
- Le bruit sur l'image : c'est quoi ce délire ? (on espère une mise à jour)
- Le sentiment agaçant de se trouver devant un jeu qui en fait moins
- Mortal Kombat 11 existe, et il est excellent
- Les kaméos, faussement spectaculaires ?
- L'impression que le jeu ne va de toute façon pas assez loin dans ce qu'il propose (y compris sur le plan introspectif)
Pour l'instant, Mortal Kombat 1 est un épisode déstabilisant, et les années à venir nous diront si les choix opérés étaient salutaires. Posant drastiquement son rythme de jeu et apportant une nouvelle mécanique importante sur le papier (les kaméos), l'expérience semble pourtant s'apparenter à un recul. Moins d'interactions et de vie dans les décors, panel de personnages moins engageant, mode Invasions relativement futile... Reste un mode Histoire une fois de plus à la hauteur. Même les graphismes, déjà impressionnants sur Mortal Kombat 11, donnent parfois l'impression de stagner (voire régresser si on aborde la mise en scène). Ce constat global laisse dubitatif pour une licence qui s'est toujours vendue sur la base du divertissement – et à grands coups de DLC. Désormais et contrairement à ce que pourrait laisser penser l'arrivée des kaméos, Mortal Kombat parait sacrifier le spectacle au profit des combos (et peut-être de l'e-sport)... Dans un sens, la démarche est osée et même existentielle – le retour en arrière s'étend jusqu'à la réalisation, avec une caméra et une sobriété qui rendent hommage aux premiers volets. Reste à savoir si tout cela était judicieux. En essayant de remettre à plat la licence, Ed Boon/NetherRealm se retrouve en réalité confronté au même problème que Liu Kang au sein du jeu : peut-on supprimer le passé ? Rien n'est moins sûr. Comment conseiller ce nouveau volet tout en sachant que son grandiose prédécesseur – plus accessible, "speed" et spectaculaire – est fréquemment en promotion pour une vingtaine d'euros, en édition maous et avec un contenu autrement plus fourni ? C'est tout le problème du pop-corn : on peut s'en contenter, mais encore faut-il que l'on soit bien servi.