Test | It's a Wrap!

06 oct. 2023

Sorte de Harrison Ford bedonnant, Johnny Rush est un habitué des films d'aventure aux cascades multiples. À la manière d'un Tom Cruise, il ne laisse jamais la place à sa doublure. Mais pour parvenir à boucler les scènes mêlant décors en carton-pâte et effets pyrothechniques, il a besoin de vous : en lisant attentivement le script, placez les actions dans le bon ordre sur un banc de montage et faites ensuite vivre l'action à Johnny. Réflexion et dextérité : voilà le concentré de It's a Wrap!.

Avec des budgets plus serrés les uns que les autres, un succès totalement absent et une équipe de bras cassés, Johnny tente malgré tout de sauver ce qu'il peut des trois films auxquels il participe. Une aventure indiana-jonesque bourrée de nazis, une épopée blade-runneresque avec des robots tueurs, et un film policier pour terminer. Parviendrez-vous à sauver la carrière de Johnny Rush, l'acteur le plus malchanceux de l'histoire du cinéma ?

Le coup de maître de It's a Wrap!, c'est de proposer un jeu sur la base d'une interface de logiciel de montage vidéo. Imaginez ouvrir une version simplifiée de Première, par exemple, avec les différentes timelines correspondant aux séquences à l'écran. À vous de déplacer la temporalité des actions pour permettre à Johnny Rush lors de de la prise de vue de traverser le plan sans accrocs. Le jeu se découpe donc en deux phases, entre lesquelles vous alternez en permanence : d'abord du bidouillage de séquences pour ajuster le timing de l'animation, puis du jeu de plateforme classique avec Johnny à travers le niveau.

C'est donc par essais successifs (et échecs aussi nombreux) que vous tâtonnez jusqu'à trouver l'enchaînement parfait de la séquence. Parfait, à la frame près. Concrètement, si vous ne sautez pas à la seconde prévue dans la timeline, Johnny ne bouclera pas le plan. Cela ajoute donc une énorme touche d'incertitude dans l'équation générale, car les chemins sont multiples. Comment trouver le bon, et surtout jouer avec une temporalité mouvante ? C'est là tout l'enjeu du titre, avec un équilibre parfois compliqué à appréhender.

Certains niveaux se traversent aisément après quelques essais, le temps de s'acclimater à la mécanique du plan. Mais ça n'est pas le cas de tous, dont certains témoignent d'un fonctionnement particulièrement retors. Il n'est pas rare de faire faire à Johnny des actions contre-intuitives, comme revenir en arrière pour éviter un piège qui sera détruit ensuite par un élément du décor. Mais d'une manière générale, il faut clairement penser en quatre dimensions. Ça n'est pas toujours évident, c'est pour cela que des indices peuvent être donnés, sans malus, soit sur le scénario soit directement sur la timeline qui se "fige" alors au bon endroit. Malheureusement, une difficulté manquant de crescendo pour être rapidement élevée vous contraint à avoir de plus en plus recours à ces astuces.

La frustration générée par ces aides est double : celle de ne pas avoir compris la mécanique du plan, pour finalement abandonner la réflexion et avoir juste envie de passer à la suite. À noter que certains indices manquent de clarté, ce qui contribue à ce léger malaise où par moment, vous vous sentez totalement stupide et finissez par lâcher l'affaire en figeant les timelines. La logique semble parfois disparaître au profit de mécaniques tordues, comme pour accentuer la difficulté...

Ce qui m'a le plus séduit dans It's a Wrap!, c'est toute l'ambiance cinéma qui s'en dégage, notamment en nous permettant de voir l'envers du décor. Et pas que les plateaux qui se mettent en place au chargement du niveau ! Les cutscenes entre les niveaux nous livrent quelques échanges assez marrants d'ambiance de plateau de tournage, entre les producteurs avides de rentabilité, les acteurs se demandant ce qu'ils font là et le stagiaire toujours opé pour se plier à la moindre besogne... L'interface du jeu est particulièrement bien rendue, pour peu que vous ayez déjà touché à du montage vidéo : avance rapide, sauvegarde de séquences, le tout est accessible et compréhensible. Malgré tout, il m'a manqué la petite étincelle : à quoi ressemblent les films une fois les séquences assemblées ? Je me disais, après avoir enfin battu l'immense tête de colonelle nazie à la fin du premier chapitre, qu'une séquence cinéma épique de deux minutes allait s'offrir devant mes yeux ébahis. Que nenni. Un manque qui n'est pas dommageable au jeu, mais qui aurait pu contribuer à une expérience ciné plus poussée.