Cauchemar en cuisine
- Éditeur Sony Interactive Entertainment
- Développeur Guerrilla Games
- Sortie initiale 19 avr. 2023
- Genres Action, Aventure, Rôle
Avec Horizon Forbidden West : Burning Shores, Guerrilla Games a mitonné un repas de gourmets. Visuellement d'abord, avec un jeu qui fait penser au dernier film de James Cameron. Gustativement ensuite avec un rythme mieux maîtrisé et une série de patchs qui ont corrigé beaucoup des défauts originaux. Et en dessert un boss final dantesque. La réaction des joueurs ? Un torrent de critiques négatives à cause d'un plat optionnel.
L'histoire
Le principe
Après Avatar 2 : la Voie de l'eau, voici Jurassic World. Cramez tout.
C'est surtout la même maniabilité avec ses animations ultra détaillées et... lentes, qui vous donnent presque l'impression de contrôler le cowboy de Red Dead Redemption 2 lâché au milieu de dinos hyper agressifs. Se relever après une roulade prend des plombes, se hisser sur une corniche aussi, et une tortue sur le dos mettrait plus de temps à se rétablir qu'Aloy une fois touchée. Ce côté frustrant est rendu encore plus pénible par les combats contre de nombreux ennemis rapides (ah, se faire toucher encore quand on se relève...) et des séances de grimpette laborieuses. Si vous aviez abandonné Forbidden West à cause de sa maniabilité, Burning Shores n'est pas pour vous – de toute façon il faut avoir fini l'aventure principale pour le lancer.
Les nouveautés
Vous débloquez ce bateau très vite, le temps d'abattre une tour DCA et de récupérer une monture.
Mais ce n'est pas tout. Aloy le tank commence à s'humaniser, par petites touches. Elle qui restait distante, avec ses petites phrases assassines, se lie d'amitié avec la Quen Seyka, au point de l'aider à retrouver sa sœur. Et c'est là que Guerrilla Games mêle intelligemment deux saveurs : le gameplay avec des actions à accomplir ensemble, sans que vous ne dirigiez Seyka – tirer sur une turbine que vous exposez, placer un piton d'escalade pour lui permettre de grimper ; et la scénarisation avec beaucoup de messages qui passent par des regards, des expressions et des non-dits.
Pour qui ?
La maniabilité reste pataude, surtout pendant les phases de grimpette.
Certes. Mais enfin, quel voyage. Quel dépaysement. Quelle maîtrise technique, avec ces visages si expressifs, si humains. Avec cette histoire de deux bannies courageuses qui se lient d'amitié, dévoilent leurs doutes, leurs peurs. Le tout sous l'ombre menaçante du Metal Devil perché sur la colline emblématique – si vous avez fini Forbidden West, même en vous forçant un peu, foncez. À la rigueur profitez des options avancées et des derniers patchs pour customiser l'expérience : ramassage automatique des plantes, suppression des marqueurs de quêtes, épuration de l'interface et renforcement de la difficulté. L'expérience n'en sera que meilleure.
L'anecdote
Vous avez régulièrement besoin de Seyka, et pas que pendant les cinématiques.
Si vous lisez la suite, c'est que vous êtes prêt ! Quand j'ai appris via Reddit qu'Aloy était lesbienne, je me suis énervé. Je n'aimais pas l'idée que les développeurs imposent une orientation sexuelle et encore moins le choix du partenaire à Aloy. Je l'avais trop incarné dans Horizon Zero Dawn, The Frozen Wilds et Forbidden West – j'avais l'impression de bien la connaître, d'avoir vécu quelque chose avec elle. En tant que joueur, je voulais faire ce choix. Décider de son arc narratif – comme j'avais décidé du sort de certains ennemis clefs, lors de cinématiques, dans le jeu original et dans sa suite. J'aurais préféré du Mass Effect 2 ou du Dragon Age Inquisition : choisir un partenaire, faire quelques quêtes annexes dédiées pour passer du temps avec, apprendre à se connaître. Et enfin sauter le pas. J'aurais peut-être choisi Kotallo après l'avoir aidé à fabriquer un bras. Ou Tilda van der Meer avant de partir dans les étoiles avec elle. Ou même Varl, juste pour contrarier Zo !
Sauf que... c'est le cas. Au fil des missions, Aloy commence à apprécier Seyka et le montre. Les regards d'abord. Les empoignades ensuite. Leur rapprochement est naturel et se fait de manière discrète, au détour de dialogues très bien écrits. L'interprétation des actrices, le boulot des animateurs rendent cet arc sentimental crédible. Et surtout le choix final vous revient – contrairement à ce que les réseaux sociaux laissaient penser, ce n'est pas une cinématique qui tomberait comme un cheveu sur la soupe étoilée du chef Guerrilla Games. Quel que soit votre choix, le soin apporté à l'échange entre Aloy et Seyka est à la fois digne et profondément humain. Une réussite à vivre manette en main pendant la dizaine d'heures du DLC, plutôt qu'au vitriol sur les réseaux.
- Aloy fend enfin l'armure
- La qualité des dialogues et des expressions
- Les décors paradisiaques
- Le plaisir de voler
- Il faut avoir fini le jeu
- Pas de PS5, pas de chocolat
Dommage que finir l'aventure principale soit un prérequis pour profiter de ce menu de gourmets. Avec son aventure certes linéaire mais mieux maîtrisée, son nouveau bestiaire, sa lettre d'amour au cinéma américain et surtout son héroïne qui laisse enfin voir des vulnérabilités, Burning Shores pouvait convaincre ceux qui avaient abandonné le jeu original. Le genre d'extension que l'on fait d'une traite et que l'on finit comme un beau voyage, fatigué mais heureux – avec de magnifiques souvenirs plein la tête... Et peut-être une petite prise de distance vis-à-vis des problèmes et des polémiques qu'on avait quittés.