Test | Lunark
01 mai 2023

Le bonheur tient presque dans 200x112 pixels

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Lunark

Ha ! Les bons souvenirs des jeux de plateforme narratifs d'antan, dotés d'une gestuelle si réaliste avec quelques pixels seulement... Lunark pioche allègrement dans cette délicieuse époque pour nous proposer une aventure épique, entrecoupée de cutscenes qui auraient fait le bonheur des joueurs Megadrive. Et c'est l'occasion de découvrir un fait scientifique : notre cerveau occulte les souvenirs douloureux. Car oui, à l'époque, la terrible mécanique du die & retry faisait foi et naturellement, Lunark n'y coupe pas. Aïe aïe aïe, est-ce qu'en 2023 cette sauce n'a pas légèrement tourné ? Voyons voir cela...

L'histoire

Jeune orphelin fougueux des beaux quartiers, sous la protection du patron d'une société productrice de droïdes, vous profitez de votre jeunesse relative : une maladie rare accélère votre processus de vieillissement et votre adolescence ressemble davantage à la vie d'un quarantenaire père de deux enfants en bas âge. Lunark démarre sous un soleil radieux, alors que l'espèce humaine a émigré de la Terre en utilisant il y a plusieurs siècles la Lune comme vaisseau, renommée pour l'occasion Lunark. Sur cette planète fraîchement conquise, accessoirement sous le joug totalitaire pour le bien commun, tout se passe bien jusqu'à ce que... BABOUM ! votre vaisseau personnel explose sur le ponton de l'usine de robots, faisant de vous un suspect de premier ordre. Fuyant pour votre vie, vous levez le voile de l'innocence qui se plaisait pourtant devant vos yeux pour découvrir que votre protecteur n'est pas un mec si sympa que ça. Et que cette planète accueillante était en fait le territoire d'une espèce plus ancienne. Attendez, et en fait vous n'êtes pas vraiment orphelin ? Vite, sautons sur cette plateforme pour en savoir plus !
Décrocher la lune

Le principe

Ne rien lâcher : l'adage du titre.

Ne vous fiez pas à la jaquette du jeu au crayonné : c'est un style rétro aux pixels bien visibles qui dicte l'ambiance générale du jeu. À commencer par sa prise en mains directement inspirée du style inventé par Jordan Mechner avec Prince of Persia, réemployé version futuriste par Another World puis Flashback. À l'évocation de ces quelques titres de folie, le jeu de plateforme aux mouvements réalistes et à l'histoire bien sentie évoque certainement chez vous des souvenirs heureux. Et douloureux en même temps car soyons honnête : qui a réellement fini l'un de ces titres à l'époque ? Rappelez-vous de leur difficulté élevée. Lunark part du principe que maintenant, nous sommes adultes. Notre dextérité aura augmenté tout autant que notre patience ? Euh... pas sûr.

En vue de coupe, vous déplacez donc votre héros de plateforme en plateforme dans des mouvements d'une fluidité quasi humaine. La contrepartie : les réactions du perso ont un léger temps de latence, comme nous dans la vie. S'arrêter net n'est pas possible, de même qu'enchaîner deux sauts. Il vous faut donc réaliser les actions au coup par coup, marquer le temps d'arrêt nécessaire – sinon notre héros se trouve emporté dans son élan. Et qui dit plateformes dit chute. Dans Lunark, vous mourez, beaucoup. Cela fait partie du jeu : mourir et recommencer. Ce qui ne poserait pas de soucis si les adultes que nous sommes n'étaient pas devenus flemmards au point de se débiner devant un niveau complet à recommencer.
Avance... encore... encore un peu... encore un poil... Ah zut trop loin, t'es mort

Pour qui ?

La classique traversée de la discothèque de tout film ou jeu d'action qui se respecte.

Vous avez un souvenir ému de Flashback ? Tiens, vous l'avez même refait lors de sa réédition et vous en êtes arrivé à bout ? Félicitations, Lunark est définitivement fait pour vous. En notant tout de même quelques subtilités. Dans le jeu, vous l'aurez compris, l'échec fait partie de la progression. Mourir est une manière d'expérimenter et de s'améliorer au fur et à mesure que vous avancez. Est-ce tricher de savoir où est situé un ennemi lorsque vous revenez une fois ressuscité ? Non, c'est la mécanique du jeu qui est comme ça. Car vous ne mourez pas réellement, le jeu vous apprend que notre héros a un lien physiologique particulier avec la flore locale, qui le fait "éclore" dans une plante à quelques points clés du niveau. Ces points de sauvegarde temporaires ne sont pas équitablement répartis et s'ils vous évitent parfois de se coltiner un passage difficile, ça n'est pas systématiquement le cas.

Mais si cette aide est appréciable, Lunark ne prend pas en compte un fait pourtant évident : il nous arrive, nous autres joueurs, de parfois devoir quitter le jeu en plein niveau, pour, au hasard, s'occuper de nos enfants, passer à une autre activité ou tout simplement changer de jeu. Lunark ne l'autorise pas. Quitter un niveau, c'est faire une croix sur sa progression avec les points de sauvegarde temporaires. Et plus vous avancez dans le jeu, plus les niveaux sont longs et ardus, ce qui implique de prévoir une session de deux bonnes heures pour terminer le dernier niveau. Et sincèrement, à moins d'être célibataire nullipare ou de laisser sa Switch en veille sur le jeu sans en changer (bon courage si vous avez des enfants), qui peut se le permettre ?
Votre atout principal : la persévérance

L'anecdote

Un jeu entièrement fait à la main.

Phénomène assez fou : Lunark est la création d'un seul homme, le français Johan Vinet. 4 ans de travail, de la conception à la réalisation, le design visuel, sonore, bref, tous les aspects du jeu. Je ne saurais que trop vous recommander son interview chez les amis de FactorNews qui raconte en détail le process de création. Et évidemment, l'objectif de réaliser le jeu à la manière des titres anciens était l'idée de départ de Johan, qui a également utilisé la fameuse technique de la rotoscopie pour les animations des personnages. En deux mots : c'est le principe imaginé par Jordan Mechner pour Prince of Persia, qui consiste à filmer en prises de vues réelles l'action pour ensuite décalquer image par image les mouvements. C'est ça qui rend le tout si tangible, malgré une résolution de 200x112 pixels.

Et concrètement, plus j'en connais sur le travail accompli, plus je souffre des quelques éléments qui font que Lunark manque à peu de choses près le titre d'un jeu d'exception comme, sur les mêmes bases, The Eternal Castle [Remastered] y était parvenu.

La Switch est passée à un pixel d'embrasser violemment le mur
Les Plus
  • Tout est géré parfaitement, à l'ancienne
  • Les animations, les cutscenes
  • L'ambiance, le son
  • Redistribuer les touches à sa façon sur la manette
Les Moins
  • Les points de sauvegarde trop éloignés
  • Quitter le jeu = perdre la progression du niveau
Résultat

Quel tiraillement. D'un côté, plonger dans Lunark c'est toucher du doigt la nostalgie des hits de notre jeunesse, dans un style parfaitement maîtrisé, avec tous les ingrédients d'un succès garanti : ambiance, musique, l'envie insatiable d'avancer dans l'histoire, le challenge du pixel perfect, une difficulté de progression en cours de jeu bien dosée... Et de l'autre, l'épuisement du die & retry l'emporte peu à peu sur le reste, couplé à des points de sauvegarde qui se comptent sur les doigts d'une main amputée – avec comme couperet fatal l'impossibilité de quitter le jeu sans recommencer ensuite le niveau complet. En 2023, cela a définitivement plus de mal à passer qu'en 1993. Une mise à jour sans cette contrainte et la note double.

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