Pointe et clique, boomer edition
- Éditeur Devolver Digital
- Développeur Lucasarts
- Sortie initiale 19 sept. 2022
- Genre Aventure
Monkey Island : ce titre évoque pour beaucoup de quarantenaires le souvenir ému d'une aventure rocambolesque, bourrée d'humour et de casse-têtes, faisant autant le bonheur des joueurs que les choux gras de LucasArts. Trois décennies plus tard, Return to Monkey Island revient sur vos écrans avec la promesse de vous transporter, à nouveau, dans la magie de cet univers fantastique de piraterie et combats d'insultes. Mais sans en changer la formule, voire même en l'allégeant de quelques ingrédients indispensables à une expérience réussie. Est-ce que ressortir les vieux pots suffira à nous faire tremper le doigt dans cette confiture caribéenne ? Affûtez vos répliques, aiguisez votre curseur, ça va pointer et cliquer sec.
L'histoire
La saga des Monkey Island est réputée pour être bavarde et pleine d'humour : Return to Monkey Island n'y déroge pas et propose même un mode encore plus bavard. Si la trame narrative, signature de la série, permet d'avoir des conversations relativement fouillées avec les personnages, c'est aussi l'occasion d'y voir se glisser de très nombreuses références à la saga. Et quand bien même le jeu prend le temps de recontextualiser les bases avec un album souvenir décorrélé du jeu — dans un menu, quoi — bon nombre de blagues tombent complètement à côté si vous n'avez pas la réf. Il n'est pas rare pour un joueur novice de s'interroger sur la relation entre Guybrush et un personnage, qui semblent partager un historique sous-entendu. Vous suivez donc l'histoire avec plus ou moins de fun, selon votre assiduité de la saga.
Le principe
L'humour de répétition : la base des aventures de Guybrush Threepwood.
Ajoutez à cela la mécanique de progression de base : résoudre des énigmes. Vous souhaitez crocheter une serrure ? Il vous faudra pour cela déchiffrer son numéro de série ; mais pour cela, trouver un (ou plusieurs) verre grossissant ; mais pour cela, explorer une boutique de cartes et discuter avec le cartographe ; mais pour cela, avoir pour objectif de fabriquer une serpillière ; mais pour cela... Et d'ailleurs, pourquoi vous deviez crocheter cette serrure, déjà ? C'est ça qui est marrant et si bon nombre des énigmes peuvent sembler sans queue ni tête, tout finit par s'emboîter miraculeusement, apportant un sentiment de satisfaction incomparable.
En cela, Return to Monkey Island n'a rien à envier à ses aïeux : votre quête principale se trouve segmentée en une multitude de sous-quêtes, générant des allers-retours un peu partout sur la carte, interrogeant les personnages, combinant des objets, jusqu'à enfin résoudre cette énigme qui vous aura occupé quelques heures. C'était ainsi dans les années 1990 : avec des pantalons trop larges et sans Internet, il était possible de tourner en rond jusqu'à l'épuisement de combinaisons d'objets possibles, ou demandant aux copains pendant la récré s'ils ont trouvé la solution. Fort heureusement, Return to Monkey Island bénéficie maintenant d'une sorte d'almanach, qui guidera les joueurs les plus pressés. Donnant quelques indices si on le sollicite jusqu'à vous placer directement sur les rails d'une réponse, ce guide révèle parfois l'absurdité de certaines énigmes, vouées à vous faire tourner en bourrique. Notamment celles où il faut effectuer deux fois la même action : du sadisme, tout simplement.
La version Switch
L'exemple parfait de lisibilité de ce portage ne prenant pas en compte le public non-anglophone.
Autre souci, et de taille : la lisibilité générale du jeu. Malgré des icônes et textes grossis au maximum dans les options du jeu, l'interface n'est clairement pas au niveau de la plupart des point & click contemporains. Malgré tous les efforts que vous portez, vos doigts choisissent malheureusement trop souvent la ligne du dialogue d'à côté, ce qui est, sincèrement, pénible. Il y avait pourtant la place à l'écran pour proposer des lignes de dialogue plus grandes. Quant aux répliques des personnages, les concepteurs du jeu ont eu l'idée abscons de centrer le texte dans les bulles. Pourquoi tant de haine ? À l'usage, c'est lourd. Ajoutons à cela le nom du personnage écrit sans distinction dans la bulle avant son texte, ainsi que des césures mal placées, et vous obtenez les textes les plus pénibles à lire de l'histoire du jeu vidéo. Dommage, pour un jeu qui repose sur la narration et dont l'audio n'est disponible qu'en anglais.
Pour qui ?
S'adapter à qui ?? Quelque chose m'échappe dans cette bulle de texte centré.
Mais s'il est possible de passer outre les trous dans la raquette culturelle, l'irrespect involontaire dont le titre fait preuve auprès des joueurs est difficilement évitable. Le style point & click a pourtant bien évolué depuis les premiers Monkey Island et le titre en a largement abandonné les ressorts classiques avec des actions simplifiées pour se rapprocher du novel game, évolution naturelle du genre. Pour n'en citer que quelques-uns, vous passerez un excellent moment sur Switch avec Lacuna, Genesis Noir, Chicken Police ou encore 2064: Read Only Memories : d'excellent jeux qui ont su s'appuyer sur les ressorts classiques du point & click de leurs ancêtres et les dépasser, les améliorer, pour proposer une expérience totale, où l'interface tactile et le système d'enquête font partie intégrante du jeu sans aucune lourdeur. Ce que malheureusement, par vanité de lauriers historiquement acquis, Return to Monkey Island n'a pas pensé un instant utile d'envisager, avec son interface paradoxalement lourde et inadaptée à la console Nintendo.
L'anecdote
Pourquoi ces deux jeunes gens fringants ne sont pas les héros de cette aventure ?
- Un jeu malgré tout riche, complet, à l'écriture "comme à l'époque"
- La stupidité de Guybrush sans aucun égal
- La satisfaction de se creuser la tête
- Ajoutez un point à la note finale si vous jouez à la souris sur PC, ou en anglais sans sous-titres
- Une mise en route un peu poussive, faux-départ avec deux jeunes héros prometteurs mais abandonnés
- Les énigmes où faire deux fois la même action est requise : ce fléau
- Une grande impression d'entre-soi, réservée aux initiés de la série, malgré l'album souvenirs
- L'interface totalement ratée et illisible, à la limite du jouable sur Switch
- Pas d'audio en français, difficile d'accès pour les plus jeunes joueurs
"Meh". C'est l'impression générale que laissera ce titre. Certes, bourré d'humour et riche en situations, lieux et personnages. Une aventure généreuse comme on les aime, pleine d'énigmes plus ou moins tordues et bien souvent satisfaisantes. Mais avec la désagréable impression que Terrible Toybox nous sert du fan-service sur le fond en oubliant en partie les non-initiés. Et surtout, en se moquant des joueurs sur la forme pour ce portage Switch. L'interface est à la limite de l'acceptable, comme si tout ce qui avait été créé en point & click sur ce support n'existait pas. Return to Monkey Island et son univers stupide effleurent du doigt le statut du titre idéal pour amuser le plus grand nombre et redéfinir les bases d'un style que la série a contribué à bâtir, proposant même l'idée d'une aventure vécue par Guybrush Junior, abandonné trop rapidement. Mais à la manière du chapitre d'intro où Papy Guybrush prend son fiston sur les genoux pour lui raconter comme c'était mieux la vie d'avant, le jeu impose la même vision à ses joueurs. Déso Papy Guybrush, on t'a pas attendu pour évoluer sans toi.