Test | Lacuna

01 mars 2022

Dans un univers stellaire composé de trois planètes fortement marquées par l'exploitation abusive des ressources et des peuples de deux d'entre elles, la guerre civile n'a besoin que d'une étincelle pour exploser. Cette étincelle va prendre vie sous vos yeux, avec l'assassinat d'un ambassadeur étranger venu faciliter quelques accords commerciaux. Membre de la brigade d'enquête, vous faites votre possible pour démêler les nœuds de ce complot interplanétaire, qui mêle gros sous, révolutionnaires et hackers. Mais l'enquête serait presque classique, si vous ne faisiez pas partie du plan à votre insu. Tel un Columbo croisé avec Elijah Baley (l'inspecteur fil rouge du Cycle des robots d'Asimov), vous mettez tout votre savoir-faire et votre mélancolie propre aux monologues de flics à résoudre cette affaire à la tournure un peu trop personnelle. Allez, en voiture. Enfin, même si les voitures volent dans tous les sens façon Blade Runner, c'est à métro que vous vous déplacez. Donc allez, en voiture à l'avant de la rame.

Représentez-vous Lacuna comme le croisement plutôt réussi entre le jeu d'enquête/aventure pour les déplacements et discussions, et le point & click pour les phases d'exploration. Malgré une vue caméra 2D façon jeu de scrolling, les décors sont richement exploités à l'aide de calques et de couches, mais également en hauteur. Difficile de déterminer quel est le niveau du sol dans les différents environnements que vous visitez, tant les décors sont richement agrémentés d'immeubles, passerelles, balcons et sous-terrains, que vous traversez parfois par nécessité, parfois dans le but d'explorer une zone. En suivant la trame scénaristique, vous êtes envoyé de lieu en lieu, de manière linéaire, avec à chaque fois l'objectif de repartir mieux informé. Interroger des individus nécessitera alors de choisir les bons dialogues pour faire évoluer l'interrogatoire à votre avantage. Selon vos choix, généralement entre "bon flic" et "mauvais flic", les conséquences narratives évoluent et la fin se révélera plus ou moins tragique.

L'autre volet de votre casquette d'inspecteur consiste à passer au peigne fin les scènes d'investigations ; ceci grâce à votre capacité de scan, faisant le focus sur des détails visuels. Dans votre carnet de notes numérique, vous rassemblez vos indices et pouvez ainsi compléter une "sheet" : une feuille d'enquête à choix multiples, que vous envoyez ensuite à votre chef. Gare aux erreurs, qui elles aussi peuvent avoir des conséquences sur l'histoire, ou sur la vie de vos collègues...

Vous êtes à la croisée des chemins une fois lancé dans Lacuna. Est-ce l'aspect cyberpunk qui vous aura attiré ? Certainement : son univers, richement décoré et profondément décrit à travers les actualités à consulter régulièrement, rend l'ensemble extrêmement solide. Certes, notre héros a la typique gueule de l'emploi, avec son imper, son costume sombre et sa manie des monologues introspectifs, ce qui ne contribue pas nécessairement à le rendre des plus attachants. Cependant, déambuler dans la ville, en vous arrêtant devant des échoppes de street food exotiques ou flâner dans votre studio aux baies vitrées qui aurait toute sa place sur Coruscant a quelque chose de plaisant, dans Lacuna.

Si c'est surtout l'enquête policière qui vous attire, le titre répondra parfaitement à vos attentes, mêlant tous les ingrédients d'une affaire rythmée et réussie. Pas trop alambiquée, suffisamment fouillée pour vous faire réfléchir plus de trente secondes, sans pour autant vous perdre dans des détails insignifiants. Même si concrètement, maintenant que vous maîtrisez le principe proposé par le jeu, vous ne seriez pas contre quelques affaires supplémentaires. Lacuna a en effet un léger goût de trop peu.

En avançant dans l'enquête, j'ai rapidement pris conscience que bâcler le boulot aurait des répercussions sur l'affaire. Me tromper dans une "sheet", c'est risquer de ne pas voir les auteurs du crime arrêtés. Preuve en est, mon portrait-robot du type à interroger s'est révélé incomplet, et résultat un collègue est resté sur le carreau. Cela m'a servi de leçon pour le reste du jeu, jusqu'à ce qu'un choix cornélien s'offre à moi : rester droit dans mes bottes, bon flic qui suit les règles, ou les transgresser dans un but personnel.

Évidemment, j'ai hésité le plus longtemps possible, c'est-à-dire le temps que la barre du chrono défile jusqu'à valider un choix. J'ai choisi l'intérêt personnel. Mais pendant tout le reste du jeu, j'ai cherché dans les dialogues des brèches me permettant de trouver appui auprès de mes proches. Et à chaque fois, je m'y suis engouffré, sachant que je risquais de me faire virer. Mais si j'en crois ce que j'ai pu lire plus tard sur différents forums : mes choix m'ont amené à la fin la "moins pire", ou du moins la moins tragique. Comme quoi, même avec son style pixel art, Lacuna a de quoi nous émouvoir.