Test | Mundaun
24 juin 2021

Un peu de romanche dans les couloirs du temps

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Mundaun

"Souviens-toi l'hiver dernier", quand grand-papy a pactisé avec le diable pour sauver son village de l'envahisseur. Mais sans honorer son contrat. Oh, la boulette. Maintenant que son âme a été emportée, à vous de recoller les morceaux de cette histoire honteuse, qui lie un groupe d'hommes avec le temps présent. Tête de chèvre en mains, vous crapahutez en montagne de chalet en bachal, à pied, en raquettes ou en luge, vous battant contre des hommes de paille ou un yéti inamical. Mundaun vous plonge dans des souvenirs emprunts de maléfice, tandis que vous tentez de sauver ce coin de pays des griffes du mal en réparant la faute, si c'en est une, de votre aïeul. Et en patois local s'il vous plaît.

L'histoire

Le bus vous dépose après moult virages dans l'authentique village montagnard de Mundaun, en Suisse. Votre grand-père est décédé quelques jours auparavant, apprenez-vous d'une lettre reçue du curé. Celui-ci vous assure que tout a été réglé et vous conjure de ne pas rendre de dernière visite à votre aïeul. Cela suffit évidemment à déclencher chez vous une certaine suspicion, qui se révélera fondée quand vous commencerez à mettre votre nez d'urbain dans les affaires paysannes locales. Remontant le fil des derniers jours de vie de votre grand-père, vous plongez également dans sa jeunesse, du temps de la guerre alors que les adversaires se présentaient sur la crête, prêts à envahir le village. Que s'est-il passé cette nuit-là pour que subitement, les troupes ennemies en surnombre soient ensevelies par une avalanche, qui a mystérieusement épargné le bataillon de l'ancêtre ? Votre enquête vous transposera dans les différents chalets, cimetières et autres bâtiments du village, restés dans leur jus, et allègrement répartis dans la montagne. Votre première rencontre fantastique sera celle d'un peintre machiavélique, peignant l'incendie de la grange familiale comme si ses coups de pinceaux alimentaient les flammes. Et pour donner le ton à l'ambiance générale, sachez que si vous voulez vous reposer la nuit, tous les lits sont équipés de piquants anti-agression. On n'est jamais trop prudent.
La montagne, ça vous gagne

Le principe

Toc toc toc ! C'est pour les calendriers !

La montagne de Mundaun est vaste et mystérieuse. Son découpage par zones aide à cadrer le récit, qui vous fait plonger dans une histoire tenue secrète entre quelques camarades de régiment, enfants du pays ayant pactisé avec un vieil homme pour sauver leur village. Mais ces soldats ont voulu être plus fourbes que le malin et n'ont pas honoré leur part du contrat. Résultat, la malédiction s'est abattue sur eux et ce coin de montagne, avec un léger délai digne d'une livraison de colis par La Poste. Toujours est-il qu'il vous revient, petit-fils du signataire du pacte, de démêler cette affaire qui resurgit du fond des montagnes et terrorise la région.

La maison de votre grand-père sera un lieu d'exploration vous dévoilant progressivement son passé, au fur et à mesure que vous trouverez les clés ouvrant les pièces poussiéreuses. Sans jamais vous abandonner à votre sort, le jeu vous guide intelligemment. Votre personnage agrège dans son carnet de croquis ce qu'il voit et comprend des événements, et note seul des objectifs à court terme pour résoudre un mystère. Suivez ces objectifs à l'aide des indices visuels du carnet et vous ne pourrez pas vous tromper. Ou prêtez attention à votre environnement : une bergère et ses chèvres vous guident de temps en temps, ouvrant de nouveaux panoramas à vos croquis de la région ou donnant un indice clé griffonné sur un bateau en papier.
Tout schuss sur les pentes de l'horreur

L'ambiance

Sans l'ombre d'un doute, c'est un paysage de carte postale.

Mundaun dégage quelque chose de particulier. Il emprunte à différents genres pour créer un style qui lui convient, le tout dans un rythme savamment équilibré. Un peu d'aventure, où vous prenez le temps de déambuler dans des zones ni trop grandes ni trop petites, à l'aide des cartes dessinées au crayon dans votre carnet depuis des points de vue. Une touche de point'n click, quand vous associez quelques rares objets glanés dans votre sac à dos ou résolvez une énigme relativement accessible. De l'horreur, quand un être surnaturel surgit de nulle part et vous glace le sang, quand il ne vous attrape pas pour vous suspendre par les pieds comme un vulgaire bout de viande séchée. Et de l'action, malheureusement nécessaire pour venir à bout de quelques ennemis hargneux, qui ont la capacité de vous figer de peur sur place à moins de vous shooter au café. Des parades existent, vous permettant de les surprendre ou de les brûler, mais en surnombre ils deviennent plus pénibles qu'autre chose.

Visuellement, Mundaun prend le parti du sépia sans pour autant gommer les particularités de l'environnement. Les vues du lac avec la réflexion des sombres montagnes sont superbes. Les objets sont travaillés avec soin, dans un style parfois très détaillé, comme ces horloges qui servent de point de sauvegarde. Le jeu semble osciller entre recherche créative et simplicité, mais sans jamais créer de décalage. Quant au son, vous apprécierez les dialogues en romanche, le patois local, on ne peut plus dépaysant !
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Pour qui ?

Pourquoi une tête de chèvre ne taperait pas la discute ?

Ça n'est pas tous les jours qu'il vous est permis d'explorer un authentique coin de montagne, bien réel, en Suisse, et en patois local. Mundaun n'a pas la prétention de révolutionner le jeu d'horreur, même si une peur indicible s'installe progressivement. Une sorte de mal-être dû à l'environnement où des objets ordinaires comme des bottes de foin peuvent devenir à tout moment humanoïdes et vous mitrailler de paille, par exemple. Vous ne vous étonnerez plus de dialoguer avec une tête de chèvre ou d'offrir du schnaps à un soldat piégé dans la neige depuis des décennies. C'est ce glissement de la frontière du fantastique qui fascine dans Mundaun. L'horreur induite par des détails, comme cette planche de clous à se poser sur le ventre lorsque vous vous couchez : tout cela semble naturel et, pourtant, alimente à grandes eaux le moulin du malaise, tournant à plein régime dans la région de Mundaun. Si cela vous attire : prenez le téléphérique, le vieil homme vous attend en haut de pied ferme...
Mets tes chaussures de rando on s'en va

L'anecdote

T'as rendez-vous avec mon pare-choc, pourriture de paille de mes deux !

Oui, je l'avoue d'emblée : j'ai à un moment changé les réglages du jeu. D'abord, j'ai augmenté le gamma pour y voir un peu plus que des tâches sombres la nuit, et éviter de me rompre le cou dans une crevasse (la faute à un écran Switch peu performant). Et ensuite, j'ai passé la difficulté en 'facile'. Oui, je l'avoue, les joues rouges et le regard baissé. À force de me faire trouer de toutes parts par ces hommes de paille, il m'a fallu songer à survivre. Lorsque vous en croisez un, ça passe : il fait une ronde, guette autour de lui, vous pouvez aisément le contourner ou, mieux, enflammer un ballot de paille à proximité pour le brûler à son tour par propagation. Mais lorsqu'ils sont cinq ou six, cela prend du temps de craquer autant d'allumettes. Après une dizaine d'essais sur ce passage épineux, j'ai posé à côté de moi mon honneur et j'ai donc pu en venir à bout. À la réflexion, ces ennemis un peu trop létaux à mon goût auraient mérité une place un peu moins prépondérante lors de certains passages.
Je ne vais pas en faire tout un foin, mais les hommes de paille...
Les Plus
  • Un jeu d'aventure et d'horreur très original
  • La peur présente dans le malaise installé
  • La direction artistique générale
  • En patois local !
Les Moins
  • La difficulté des ennemis
  • Les temps de chargement un poil longuets
  • Impossible de désactiver les vibrations
  • La fonction du café, censé stimuler, mal expliquée
Résultat

Cette enquête horrifique vous fera sursauter plus d'une fois. En vous imprégnant de la culture montagnarde locale, de ses coutumes et de son histoire, vous profitez du tourisme offert par l'histoire pour découvrir une station qui pourrait être un coin de paradis. La porte des enfers semble pourtant à portée de main, à vous de la refermer en mettant un terme à ce pacte sordide. Armé de fourches et d'allumettes, votre exploration relativement guidée – parfois un peu trop – vous mènera de découverte en découverte, avec toujours ce léger stress malaisant, présent de bout en bout. Mundaun, un titre à ranger du côté des curiosités réussies, difficilement transposable ailleurs que dans l'environnement qui accueille son aventure, inspiré du réel village du même nom.

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