L'amour, la poudre et le sang
Quelle surprise de rejouer à un monde ouvert de 2002. Découvrir Mafia : Definitive Edition 18 ans après, c'est revenir à l'origine d'un genre. Sans les complications successives, les surcouches graisseuses qui gênent les muscles. Sans les dizaines de marqueurs idiots qui polluent nos jeux modernes. C'est revenir à un monde ouvert court et brutal. À une histoire simple, violente et triste.
L'histoire
Mafia : Definitive Edition est un jeu en monde ouvert qui se concentre sur son histoire. Et quelle histoire. Dès la première course-poursuite, on devine que les destins de Tommy, Paulie et Sam vont virer au drame, et le jeu prend un malin plaisir à vous l'annoncer régulièrement – que ce soit par Sarah ou par le consigliere du Don, Frank Colletti. C'est aussi un jeu qui fait l'impasse sur les surcouches ajoutées successivement par Rockstar, Rocksteady et Ubisoft, pour citer quelques créateurs de mondes ouverts remplis d'activités annexes.
Le mode Histoire
La célèbre course est de retour, plus facile que dans l'original. Sauf en difficulté Classique.
Ne soyez pas surpris : le remaster colle au jeu de 2002 comme un chewing-gum à la semelle. Et balaye d'un revers de la main 20 ans d'évolution de mondes ouverts. Honnêtement, après une multitude de jeux plus boursouflés les uns que les autres, où il faut crapahuter des heures pour looter des ressources indigentes et améliorer une arme de 5 %... répéter les mêmes « missions » d'infiltration en boucle comme dans Watch_Dogs 2... et le nettoyage de forts ennemis copiés-collés façon Assassin's Creed Odyssey... ce Mafia recentré fait du bien. Oubliez les tâches rébarbatives qui diluent l'intérêt des mondes ouverts actuels en gonflant artificiellement leur durée de vie : ce Mafia cogne et cogne bien.
Le mode Circulation Libre
En Circulation Libre, à vous de retrouver cette voiture grâce à une carte postale.
Après, si jamais vous voulez malgré tout collectionner les renards empaillés, débloquer des voitures ou faire des missions annexes, c'est possible. Mais il faut lancer un autre mode de jeu, Circulation Libre, accessible à tout moment. Là, la ville de Lost Heaven se laisse découvrir à votre rythme. C'est comme si les développeurs avaient coupé leur jeu en deux : 20 missions linéaires dans le mode Histoire avec des personnages complexes et attachants d'un côté. Et de l'autre, un monde ouvert dans Circulation Libre pour platiner le jeu à 100 %. À noter que dans ce mode Circulation Libre, le jeu ne vous donne aucune indication. Il faut être curieux pour trouver des cartes postales épinglées à un mur, qui sont autant d'indices pour dénicher des bolides surpuissants planqués aux quatre coins de la ville. Le choix peut surprendre. Au final, la suppression des icônes qui polluent permet de se concentrer sur l'exploration en Circulation Libre, et sur le scénario en Histoire. Ce qui donne une idée de ce qu'auraient pu être les mondes ouverts actuels s'ils avaient suivi l'ossature de celui-ci : de bons personnages ; une bonne histoire ; et pas des listes de courses, avec des activités redondantes pour cocher des cases.
Pour qui ?
Vous pouvez rejouer n'importe quelle mission et changer la difficulté à la volée.
Si vous aimez la collectionnite aigüe en revanche : le loot, le craft, les babioles à ramasser et les cartes qui brillent de mille activités nulles et répétitives... passez votre chemin. Ubisoft vous propose chaque hiver deux magnifiques alternatives qui vous encrasseront les artères comme un menu Maxi Best Of bien gras. Et si vous aimez les bonnes histoires avec quand même de la collectionnite... ? Les jeux Rockstar sont toujours en promo, faites-vous plaisir. Ou Marvel's Spider-Man ressort sur PS5. De son côté, Mafia : Definitive Edition est une exception, un ovni. Un Super Soldat démoulé de la glace avec le charme suranné d'une époque révolue.
L'anecdote
Certaines scènes sont très cinématographiques avec leurs non-dits. Une exception dans le jeu vidéo.
C'est sans doute grâce à cette intrigue resserrée que le jeu parvient à être finement dialogué. Tommy Angelo, Sarah Marino et Paulie Lombardo jouent beaucoup sur les non-dits, une rareté dans le jeu vidéo. Comme après cette course-poursuite éprouvante : Tommy rentre chez lui en état de choc, Sarah découvre du sang sur son manteau. Un silence, une demande en mariage, Sarah qui enlace Tommy sans répondre – la caméra s'éloigne pudiquement et dévoile un appartement pauvre mais bien tenu. On imagine la vie que Sarah accepte implicitement : la violence de l'homme qu'elle aime, au lieu d'une vie paisible sans argent. La règle d'or du cinéma, montrer au lieu de dire, fonctionne à plein. Dans le jeu vidéo, seuls Naughty Dog, Insomniac Games et Santa Monica Studio arrivent à faire aussi bien.
- L'histoire, les personnages
- Les années 30, plutôt rares dans les jeux vidéo
- Des véhicules superbes, les vraies stars du jeu
- Un mode Histoire qui va à l'essentiel
- Un excellent suivi (mode noir et blanc, etc)
- Un mode Histoire qui se finit en moins de 10 h
- Pas de multijoueur
- Une IA basique, une maniabilité pataude, un système de couverture lourdaud
- Du clipping, des visages et animations faciales parfois ratés selon les éclairages
20 missions, 2 familles, 1 drame : Mafia : Definitive Edition n'a rien perdu de son efficacité 18 ans après. La refonte graphique sublime le matériau d'origine malgré quelques imperfections (clipping, maniabilité pataude, visages pas toujours réussis selon les éclairages). Alors non, il n'y a pas d'activités annexes – elles sont planquées dans un mode de jeu à part. Non, il n'y pas de crafting etc., ni de microtransactions qui fleurissent pourtant dans nos jeux vendus 70 et bientôt 80 €. Ce remake ne garde que le muscle de son histoire dramatique, sans s'attarder sur la graisse qui émousse l'intérêt et finit par dissuader les joueurs de finir ces mondes ouverts McDonaldesques. Ça tombe bien, des McDonald's on en trouve à tous les coins de rue. Alors que des bonnes histoires...