Test | Shenmue III
05 févr. 2020

Comme au bon vieux temps

Testé par sur
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Shenmue III
  • Éditeur Deep Silver
  • Développeur YS NET
  • Sortie initiale 19 nov. 2019
  • Genre Aventure

Si en 2000, on m'avait dit que 20 ans plus tard je testerai le troisième épisode de Shenmue pour un site dédié au jeu vidéo, je ne l'aurais pas vraiment cru. Si en 2009, quand j'ai commencé à écrire pour Gamatomic, on m'avait dit que je me chargerai de la critique de Shenmue III une décennie plus tard, il en aurait été de même. Tout cela pour dire que l'un des jeux les plus attendus de tous les temps a vu le jour, et que c'est à peine croyable.

L'histoire

Shenmue III prend place directement après les événements de son prédécesseur. Ne vous attendez pas à trouver une montagne de réponses à vos questions dans ce troisième épisode, non, celui-ci perpétue le classicisme d'autrefois et c'est tant mieux. Ryo veut se venger, mais il traverse avant tout une quête initiatique lui demandant d'apprendre à ressentir le temps. Et cela se répercute – comme nous allons le voir ensuite – dans les mécaniques du jeu et son rythme.
La vengeance est un plat qui se mange très froid

Les graphismes

Vous allez revoir quelques vieilles connaissances...

Néanmoins, il convient d'abord de parler des graphismes qui ont, ici, une place prépondérante. En effet, Shenmue III fait un choix pour le moins étonnant : il conserve avec exactitude le design Dreamcast tout en le transposant sur PlayStation 4. Cela a une incidence assez surprenante, puisque plutôt que de sembler ultra réaliste comme à l'époque de ses prédécesseurs, le titre a un petit côté "cartoon", notamment par ses personnages secondaires qui – comme autrefois – ont des caractéristiques physiques marquées (longue moustache, nez protubérant, rides exagérées, etc.). Tout cela donne assurément à Shenmue III un aspect singulier, comme si celui-ci avait été développé en 2003 et avait réussi à traverser les âges.
Un doux parfum de Dreamcast

Le principe

Typiquement le genre de design que l'on imaginerait issu d'un jeu Dreamcast. Pourquoi pas.

Ce sentiment de nostalgie se poursuit du côté du gameplay. Tout d'abord, le jeu de Yu Suzuki a en son temps eu une influence certaine sur le jeu vidéo : il a permis de voir, concrètement, que le joueur était capable d'accepter une certaine forme d'ennui lié au quotidien. Dans un sens, qui peut dire, aujourd'hui, que la série n'a pas conditionné le jeu vidéo actuel, où les mécaniques de survie (par exemple) sont devenues monnaie courante. Shenmue III a pour particularité de poursuivre la tradition de ses prédécesseurs sans pour autant rendre la formule ultra radicale. Premièrement, nous retrouvons de nombreuses activités auxquelles il est possible de s'essayer (jeux d'argent, machines à figurines, pêche, mini-jeux à base de QTE, etc.) et qui sont dans la veine de ce que connaissent les fans de la licence.

Néanmoins, Shenmue III profite aussi d'une composante moderne : une gestion de l'endurance. Ryo perd de l'énergie à mesure qu'il court et que la journée avance. Il doit par conséquent manger régulièrement. Pour cela, il doit acheter des aliments. Le jeu met une sorte de garde-fou puisque passée une certaine zone (trois barres de vie), Ryo perd difficilement de la force mais se voit presque dans l'obligation de marcher. Dans les faits, l'endurance diminue aussi à chaque effort réellement consenti, comme par exemple lorsque vous vous entraînez au kung-fu, travaillez ou combattez. Cela se passe soit à travers des mini-jeux (pas forcément marrants, mais c'est voulu) ou via des combats d'entraînement. Plus vous avez de l'énergie, plus l'entraînement sera utile. Si ce système peut sembler secondaire, il fait beaucoup au charme du jeu. Tout d'abord, il faut voir celui-ci comme quelque chose de proche de ce que l'on retrouve dans les films d'arts martiaux (ou même dans le sport) : le héros doit répéter inlassablement les mêmes gestes pour se perfectionner. Ensuite, le tout est savamment équilibré, et on se doute qu'une grande part du travail à dû être de peaufiner cette mécanique afin de la rendre viable.
Un vrai prolongement

L'entraînement fait partie des réussites. Améliorez votre puissance et votre endurance.

Côté progression à proprement parler, là encore, Shenmue III rappelle ses aînés. Le titre implique pas mal de trajets au sein de villes (il y a deux lieux principaux, un peu comme autrefois d'ailleurs), mais toujours dans des espaces assez restreints. Là aussi, nous n'avons aucun mal à imaginer le level design du jeu être peu ou prou ce qu'il aurait dû être à l'époque de la Dreamcast (sentiers étroits, panneaux de signalisation, etc.). Nous retrouvons donc une certaine forme de proximité avec les habitants ; une intimité qui une fois de plus est assez caractéristique de l'esprit de la série. Enfin, notons que (parfois) le jeu accentue un peu trop son rapport au temps. Il propose notamment des phases de recherche au sein de pièces ou d'établissements. Ces dernières s'effectuent à la première personne et vous proposent par exemple de fouiller des meubles. S'il est logique d'accepter une certaine forme de temporalité du réel lorsque Ryo effectue des trajets ou s'entraîne, il est assez ubuesque de devoir se coltiner trouze – lentes – animations d'ouverture et fermeture de tiroirs, tout cela dans le seul but de fouiller une salle. Ici, le rapport au temps est loin de la réalité, où lorsque vous cherchez quelque chose, vous ne vous sentez pas obligé de parler à chaque geste. Dans le même genre, le jeu ne semble pas toujours aller assez loin : si le système d'endurance et de nourriture est bienvenu, nous regrettons, par exemple, de ne pas pouvoir simplement manger un fruit lorsque l'on rentre chez soi et que des corbeilles en regorgent. Cela relève du détail, certes, mais mis bout à bout, cela laisse penser que le jeu aurait pu aller plus loin, et sans que cela ne coûte grand-chose.
Paradoxe temporel

Pour qui ?

Cela peut sembler idiot, mais notez que Ryo descend les marches avec réalisme. Le paradoxe Shenmue.

Shenmue III se destine à deux sortes de joueurs. Tout d'abord, ceux qui ont eu une Dreamcast. Même s'ils n'ont jamais joué à la série, il peut être temps qu'ils s'y mettent, tant ce troisième volet rappelle la console de Sega. Ensuite, il y a forcément les fans de la licence. Ces derniers seront probablement les seuls à comprendre l'approche nostalgique du titre. Un exemple ? Lorsque Ryo va se coucher, il le fait toujours avec son tee-shirt et son jeans. Le genre de détails assez nombreux, et que beaucoup de néophytes peineront à comprendre.
Les nostalgiques d'une époque

L'anecdote

Les textures mettent du temps à apparaître, mais Shenmue III a parfois un côté fantasmagorique.

Dans Shenmue III, il vous sera demandé d'amasser de l'argent, notamment dans la première ville. Voici donc une petite astuce : allez voir la voyante pour qu'elle vous indique la couleur qui vous porte bonheur. Ensuite, aller parier sur cette même couleur dans l'un des jeux d'argent disponibles et vous pourrez ainsi faire fructifier vos jetons. Bien sûr, vous pouvez aussi travailler (en coupant du bois par exemple !). Enfin, ne négligez pas l'une des nouveautés de cet épisode : il est possible de cueillir des fleurs pour les revendre, parfois par lot. Cela rapporte plus d'argent que l'on ne pourrait le penser de prime abord...
Un coup de "pousse"
Les Plus
  • Plus joli qu'on ne l'aurait pensé
  • Vraiment dans l'esprit des titres d'origine (et de la Dreamcast)
  • Quelques très bonnes idées
  • Un prolongement réussi des volets initiaux, qui montre aussi que Shenmue avait un côté moderne
  • Une expérience vraiment atypique
Les Moins
  • Quelques soucis techniques (apparition des textures, etc.)
  • Beaucoup de choix faits pour coller aux épisodes Dreamcast (design, etc.) et qui peuvent déstabiliser
  • L'expérience aurait dû être plus radicale pour véritablement être novatrice
Résultat

Shenmue III est probablement ce que les fans pouvaient espérer de mieux. C'est déjà beaucoup, honnêtement, pour un projet qui a tant peiné à voir le jour, et qui a tant été raillé pendant sa gestation. Avant toute chose, Shenmue III est un jeu fait avec amour, phrase qui peut sembler "un peu bateau" mais qui révèle – en réalité – une qualité bien spécifique. Le titre de Yu Suzuki n'est ni plus ni moins qu'une expérience étonnante dans le paysage vidéoludique actuel. Il s'agit ainsi d'un jeu lynchien par son existence même : il n'est pas au bon endroit au bon moment, et c'est précisément tout ce qui fait le charme atypique de cette aventure ; à savoir jouer à Shenmue III, peut-être comme il aurait dû l'être à l'époque... mais deux décennies plus tard, alors que le monde à changer, que les joueurs ont changé. Qui va s'en plaindre ? En tout cas, certainement pas les fans.

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