Test | Terminator : Resistance
26 déc. 2019

Ambitieux, trop ambitieux

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Terminator Resistance

Dans le futur de Terminator : Resistance, l'intelligence artificielle Skynet commence la fabrication des premiers assassins cybernétiques à apparence humaine, les T850. Leur but ? Infiltrer les poches de résistance sans se faire repérer. C'est ce que Terminator : Resistance essaye de faire avec la ludothèque des joueurs, en copiant des jeux de rôle comme Fallout 4 et des FPS comme Battlefield V, rien que ça – mais avec un centième de leur budget. La comparaison avec les tauliers du genre va ruiner cette tentative, brûlant des tissus humains trompeurs pour révéler un endosquelette trop robotique et des microprocesseurs rudimentaires.

L'histoire

Tout va bien pour la résistance, merci. Les attaques de Skynet sont contenues et permettent à chacun de vivre dans une paix toute relative : les humains bricolent leurs véhicules et leurs armes entre deux attaques, les machines découpent les cadavres et travaillent sur leur machine à voyager dans le temps. Dans ce futur apocalyptique qui rend hommage aux deux premiers films de la franchise, ce n'est peut-être pas le pied, mais ce n'est plus la dawa nucléaire. Enfin ça, c'était avant votre arrivée à Pasadena. « Vous », c'est Jacob Rivers, seul rescapé de votre unité décimée, véritable mouton noir sur lequel Skynet s'acharne. Poursuivi par un mystérieux tueur, aidé par un étranger qui en sait beaucoup trop sur vous et sur Skynet, vous cherchez à contacter une antenne locale de la résistance. Quelques scavengers vous filent un coup de main : Ryan le mécano, Erin l'infirmière, Colin le bourrin... Pour peu que vous fassiez l'erreur de leur parler, voire de faire leurs quêtes secondaires, vous risquez de vous attacher à eux – à Patrick le gamin, et surtout à sa grande sœur Jennifer. Attention, certains ont une espérance de vie limitée...

Le principe

Réfléchissez-bien : Erin va mourir si vous choisissez la mauvaise réponse.

Vous vous attendiez à un shooter bas du front dans l'univers de Terminator ? Perdu ! Terminator : Resistance est généreux en matière de gameplay. Comme dans un jeu de rôle, vous gagnez des points d'expérience à investir dans des compétences comme la discrétion – oui, pour faciliter l'infiltration, au lieu de karchériser les rues dévastées de Pasadena aux Uzis, au M16 ou à la sticky bomb. Le jeu propose aussi un aspect survie : il faut looter les maisons abandonnées pour bricoler des munitions, des trousses de soin, voire des bombes artisanales. Fouiller les carcasses fumantes des robots permet de recycler leurs composants pour améliorer la puissance, la stabilité ou les chargeurs des armes à plasma, voire pour faciliter le piratage des nombreuses portes, tourelles ou coffres de Skynet.

Vous avez aussi des dialogues à choix multiples avec des survivants qui racontent leur vie ou réclament une babiole – un poste de radio pour Ryan, un chiot pour Patrick. Avec des petits cœurs pour certaines répliques, et les mentions « Jennifer a aimé ça » façon Telltale si vous faites preuve d'empathie... Il est même possible de vivre des romances et de coucher avec des PNJ. Les fans aguerris de FPS lèvent déjà leur sourcil de catcheur à la Dwayne Johnson : des romances ? dans un jeu d'action ? Ce n'est pas tout : en fonction de vos réponses, vous aurez droit à des fins différentes, avec plus ou moins de cadavres (et autant de remords) sur la conscience. Incroyable pour un FPS, et encore plus pour un jeu Terminator. Il ne manquerait plus qu'un jeu de stratégie/tactique dans l'univers de John Wick et... OK, vivement que 2019 se termine.
Un côté roleplay assumé

Le gameplay

Impossible de courir ou de tirer avec cette vue – heureusement, c'est déjà assez cheaté comme ça.

Pour peu que vous jouiez en mode Normal ou Difficile, le début de Terminator : Resistance fait illusion. Les ennemis font mal, très mal. Vous devez pirater les tourelles pour les retourner contre Skynet, ou viser les points faibles des Armored Spiders et autres Armored Drones créés spécialement pour le jeu – points faibles qu'ils cachent derrière leurs boucliers dès qu'un combat commence. Les trousses de soin sont encore rares à ce stade du jeu, les rambardes de béton derrière lesquelles vous vous cachez s'effritent sous les tirs de plasma, et votre première rencontre avec les T800 va vous mettre un bon coup de pression. Vos armes à feu ne leur font aucun dégât, tandis que leurs tirs à eux vous sèchent sur place. Le sprint est une option, si vous aimez jouer au lapin sur l'autoroute : si jamais un T800 vous attrape au détour d'un couloir, c'est le Game Over immédiat. Sans la vision nocturne complètement cheatée, qui montre les ennemis à travers les obstacles comme un bon vieux wallhack, vous n'auriez aucune chance. De quoi vous pousser à dépenser vos premiers points d'expérience dans la discrétion et le crochetage de serrure, pour contourner les ennemis et donner un peu de chair au gameplay.

Les niveaux le permettent souvent, comme cet entrepôt où vous pouvez faire exploser un mur, escalader un camion ou crocheter une porte pour atteindre votre objectif. Ou cette maison avec huit Terminators dans les collines d'Hollywood, que vous pouvez truffer de pièges laser. Au bout de quelques heures, le jeu trouve son rythme entre camps de résistants pour faire connaissance avec les PNJ et accepter leurs quêtes annexes, exploration de cartes ouvertes avec objectifs multiples, et missions très scriptées où il faut courir et combattre au milieu de soldats de la résistance – les plus charnues du jeu et de loin, surtout les toutes dernières. Terminator : Resistance donne presque l'impression de prendre le meilleur d'un Fallout 4 avec skills, crafting, upgrades d'armes, dialogues, quête principale, quêtes secondaires et fins multiples, tout en restant un bon gros jeu d'action avec quelques missions linéaires où tout pète dans tous les sens (éboulements de murs ou de ponts à la Battlefield V compris). Pour les développeurs, c'était sans doute trop de tissus vivants à coller sur un endosquelette fragile. Trop de complexité pour leur budget... et pour leur moteur de jeu.
Trop d'ambition, trop peu de budget

Les défauts

Tirez dans la tête du T-47 Plasma pour le sonner et mettre à nu ses points faibles.

Il suffit d'une heure trente de jeu pour que cette apparente richesse de gameplay révèle sa mécanique décevante. Après avoir piraté vos premières tourelles et les avoir retournées contre les T800, vous mettez la main sur les fusils plasma R95 qu'ils portaient. À partir de là, les T800 ne sont plus une menace : quelques tirs suffisent pour les calciner. Seuls les HK Aerial qui patrouillent dans les airs et quelques Transformers géants, les gros T-47, vous posent encore problème. Pareil pour le fusil de sniper plasma découvert dans une maison abandonnée : vu sa portée, vous avez tout le temps d'éliminer T800 et autres suppôts de Skynet avant que eux n'arrivent à portée de tir. Rajoutez des sauvegardes automatiques qui se déclenchent trop fréquemment, dès que vous approchez d'une zone dangereuse par exemple, et vous pouvez dire adieu à la tension des premières missions. Sur le champ de bataille, le Terminator c'est vous.

Où est passé le jeu de survie promis par les premières missions, entre crafting et infiltration ? Où est la peur de mourir et de recharger sa partie (45 secondes de chargement minimum sur PlayStation 4 Pro, la meilleure des motivations) ? Il aurait fallu ne garder que les sauvegardes manuelles, celles qu'il faut dénicher dans certaines pièces protégées à la Resident Evil 2 Remake, pour ajouter un peu de suspense. Dernier clou dans le cercueil du rôliste en herbe : les composants ramassés sur les T800, T850 et T-47 calcinés rapportent beaucoup trop d'argent. De quoi acheter munitions et accessoires à volonté dans votre camp, en plus de tout ce qu'on récupère sur le champ de bataille. Chaque placard, chaque impasse regorge de loots, ce qui casse la crédibilité de cet univers post-apocalyptique soi-disant peuplé de scavengers affamés. Sous son masque de chair, l'endosquelette trahit un équilibrage aux fraises.
Vous devenez surpuissant après une heure et demie de jeu

Pour qui ?

Les HK Tanks sont redoutables. Contournez-les pour viser leur réacteur et les détruire.

Clairement, Terminator : Resistance n'est pas pour les fans de FPS nerveux. Jacob Rivers est aussi lent que les Terminator qu'il combat, une hérésie sur les cartes les plus grandes ou dans les missions scriptées qui vous font courir sous le feu des HK Aerial. Les armes manquent d'impact et de recul, et même les plus basiques permettent de faire des headshots à n'importe quelle distance. Le wallhack est une faute de gameplay : l'intérêt d'un FPS, c'est de ne pas toujours savoir où sont les ennemis, de se faire déborder, surprendre... En plus le jeu ne vous envoie pas assez de robots Skynet à la fois pour vous mettre en difficulté, à l'exception des missions-couloirs scriptées. Les niveaux ouverts qui constituent l'essentiel du jeu n'offrent que des grappes de deux ou trois robots trop lents, avançant docilement vers vous et vers des bonbonnes d'explosifs. Pire, les ennemis ne sont pas assez variés. Dans le Doom de 2016, ce n'était pas seulement le nombre mais la variété des ennemis qui vous obligeait à prioriser vos cibles : fallait-il abattre les Imp teigneux en priorité, les Cacodemons volants ou le Hell Knight rapide et mortel... ? Il manque ce type de complémentarité au bestiaire de Terminator : Resistance, une faute étonnante quand on sait que c'est la grammaire, l'ADN même des FPS depuis leurs débuts en 1992. Et où est passé le multijoueur ? La dernière mission, véritable hommage au prologue du film Terminator 2, avec un plan séquence à l'identique qui vous laisse la main là où le film coupait, donne envie d'affronter d'autres joueurs sur un vaste champ de bataille nocturne, déchiré par les rafales de tirs plasma et les explosions. Voire de changer de camp et d'incarner un T800. Ou même de piloter un HK Tank comme dans Halo... Ne rêvez pas, ce n'est pas au programme.

Quid des fans de James Cameron alors ? Les références aux deux premiers films sont nombreuses, du plus anecdotique (baptiser un chiot Max ou Wolfie) au plus impressionnant (rencontrer John Connor). La modélisation des T800, des HK Aerial et surtout des HK Tank est fabuleuse, et la musique des films donne des frissons. Mais même là, la réalisation bancale aura du mal à passer. Les niveaux de nuit font vraiment illusion avec leur brouillard qui masque la pauvreté des textures, plonge les décors dans la pénombre et diffuse une lumière bleue spectrale que n'aurait pas renié James Cameron. De jour par contre, ça pique : textures rudimentaires et floues, éclairages basiques, on a du mal à se croire sur PlayStation 4. Certaines textures qui devraient être dans l'ombre, sous un train par exemple, sont éclairées comme en plein jour ; tandis qu'en cas d'explosion, la lumière fait un halo uniforme au sol sans tenir compte des murs adjacents – le sol est parfois jaune et le mur d'à côté noir. On ne demande pas du ray tracing à tous les étages, juste le minimum syndical sur cette génération de consoles. Sans parler de ce qui remplit jusqu'à un sixième voire un tiers de votre champ de vision : votre arme et votre bras, pauvres en détails et en animations. On est loin, très loin d'un Metro Exodus et de ses araignées qui courent sur les manches. Terminator : Resistance joue plutôt dans la même cour que Killzone : Shadow Fall, le premier FPS sorti sur PlayStation 4 en... 2013.
On est loin, très loin d'un Metro Exodus
Les Plus
  • Beaucoup de clins d'œil à Terminator 1 et Terminator 2
  • L'alternance entre cartes ouvertes et missions en escouades ultra scriptées à la Call of Duty
  • L'ambiance de nuit, la modélisation très réussie des T800, HK Aerial et HK Tank
  • Un vrai effort sur les dialogues, le lore, le scénario et les conséquences de vos choix à la fin
Les Moins
  • Des graphismes dignes de 2013 pour les missions de jour
  • Manque de punch et de recul des armes, déplacements ultra lents
  • Aucun challenge à cause du wallhack et du fusil plasma R95
  • Campagne solo qui se platine en 10 heures
  • Plusieurs cartes sont recyclées (de jour, de nuit)
  • Pas de multijoueur
  • Ralentissements et chargement longuet : 45 secondes minimum sur PlayStation 4 Pro
  • Vendu plein prix face à une concurrence féroce
Résultat

L'avantage des FPS ratés, c'est qu'ils permettent de mieux comprendre le succès des FPS réussis. Terminator : Resistance accumule les surcouches de chairs trompeuses, entre jeu de rôle (dialogues, compétences), et survie (infiltration, crafting). Des illusions qui ne tiennent qu'une heure et demie sur les dix nécessaires pour platiner le jeu. Ce Terminator : Resistance oublie de se concentrer sur l'essentiel : un gameplay nerveux, un squelette robuste. Dans ce créneau hyper concurrentiel, bac à sable de toutes les innovations technologiques (coucou le ray tracing de Metro Exodus et de Battlefield V), il faut du cran pour sortir en même temps que Call of Duty : Modern Warfare. Le faire avec un gameplay et une réalisation cassés, sans multijoueur mais au même prix, ce n'est plus de l'infiltration. C'est du suicide.

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