Test | Little Nightmares
02 mai 2017

La joie des petites peurs sans conséquence

Testé par sur
Aussi disponible sur
Little Nightmares

Assez de la bonne humeur et la mièvrerie de LittleBigPlanet et Tearaway Unfolded. Depuis qu'il a quitté les jupes de Sony, le studio Tarsier prend avec Little Nightmares une orientation diamétralement opposée. C'est bizarre, glauque et hypnotisant, soit le trio gagnant qu'on retrouve souvent dans les productions nordiques.

L'histoire

Vous êtes Six et vous vous réveillez là où une petite fille de neuf ans ne devrait jamais avoir à se retrouver. L'endroit est sombre, froid et on ne peut plus lugubre. Est-ce une prison ? Une cave peut-être ? Ou bien même la cale humide d'un vieux cargo ? Pour le savoir, une seule solution : avancer. Tiens, vous disposez d'un briquet. Étrange à votre âge mais pratique pour éclairer les coins sombres. Côté étrange justement, vous n'êtes pas au bout de vos surprises. Alors, enfoncez bien la capuche de votre ciré jaune sur votre tête et progressez à tâtons vers l'inconnu.

Little Nightmares est le genre de jeu dont le scénario se dévoile à peine. Et lorsque le clap de fin sera tombé, vous n'aurez pas vraiment l'impression d'en savoir davantage sur les lieux de l'intrigue, les personnages et même cette petite héroïne si fragile que vous avez pris soin de guider. Pour être renseigné, direction le site officiel. Le procédé est assez répandu dans le milieu indépendant. Des titres tels que Inside sont friands de cette opacité, quitte à vous laissez interpréter vous même ce qui peut l'être. Beaucoup y verront un savant travail d'auteur, d'autres une frilosité artistique pas très courageuse. En tous cas, difficile de vous donner ici plus de détails sur cette histoire, sans vous gâcher la surprise des quelques brides distillées par le jeu lui-même.
Six feet under

L'ambiance

Un aveugle hypnotisé par la télévision : une critique cachée de notre société ?

En contre partie de cette histoire singulière mais opaque, Little Nightmares propose une ambiance de premier choix. Elle n'est pas sans rappeler ce que les studios Playdead et Coldwood avaient pu proposer respectivement avec les récents Inside et Unravel. Ainsi, vous retrouvez à la fois des décors biscornus, des angles de vues et des éclairages propices à l'angoisse mais également une musique mélancolique à souhait. Côté background et identité visuelle, l'étrange côtoie le lugubre, voire même le dérangeant parfois, sans oublier le soupçon de poésie qui permet de ne jamais basculer dans le vulgaire.
Un petit air d'Edgar Allan Poe

Le principe

Chaque pièce réserve son lot d'étrangetés et de glauquitude.

Little Nightmares utilise les rouages huilés du jeu de plateforme à défilement horizontal, jouant parfois sur les profondeurs de champ pour vous procurez une sensation de trois dimensions. Petit inconvénient à cette technique : la visibilité n'est pas toujours optimale, notamment sur certains promontoires étroits ou pour atteindre des prises en arrière plan. Mais rien de bien dramatique, rassurez-vous. La bonne idée : vous permettre de gérer – un peu – l'angle de vue. Utile pour savoir ce qui se passe dans la pièce suivante...

Petit être sans défense oblige, Six doit souvent faire preuve de discrétion pour tenter d'échapper à ses glaçants adversaires. Pour cela, elle peut utiliser les nombreux recoins accessibles à sa petite taille : placards, cagettes, dessous de tables. N'hésitez pas à la faire grimper sur des étagères. Vues d'en haut, les choses sont souvent plus lisibles. Little Nightmares fait également travailler vos méninges mais d'une manière très naturelle. Ici, pas d'énigmes absurdes à la Monkey Island : une clé ouvrira une porte, un interrupteur pour actionner un monte-charge... Si le jeu échappe au fatidique sceau du "minimum syndical", rien ne viendra vraiment chambouler vos habitudes à ce niveau là. Au rayon montée d'adrénaline, attendez-vous également à quelques séquences de fuites plutôt réussies.
La peur n'évite pas le danger

Pour qui ?

Cette séquence vous rappellera Les Dents de la Mer...

Little Nightmares remonte à la surface les craintes typiques de l'enfance – et parfois même de l'âge adulte : l'abandon, l'obscurité, les monstres qui vous agrippent grâce à leurs bras démesurés et leurs doigts crochus... En ce sens, ce jeu s'adresse à tous ceux qui aiment se faire gentiment peur, sans tomber dans le gore largement répandu ailleurs. Vous n'y trouverez pas un challenge corsé, ni une grande diversité mais l'ambiance générale et sa poésie ont de quoi vous séduire, surtout si vous avez apprécié des titres tels que Inside et Unravel, ou même les films de Jean-Pierre Jeunet (La Cité des Enfants Perdus et Delicatessen).
Ça fait quoi d'avoir une petite sœur ? Ça fait courir ! - in La Cité des Enfants Perdus

L'anecdote

Le rapport à la nourriture est omniprésent.

Annoncé en mai 2014, le jeu ne s'appelait pas Little Nightmares mais Hunger, un titre évoquant la faim. Ce rapport à la nourriture est l'une des clés de voûte de l'intrigue, si ce n'est l'unique. Le passage chez Bandai Namco a gommé cette évocation pour réorienter le nom du jeu vers les peurs de l'enfance : les monstres dans le placard, l'isolement, l'obscurité... Vous verrez que le titre initialement choisi apparaît finalement plus adapté une fois le jeu terminé.
Bandai coupe la faim

DLC - Les Profondeurs

Avec Les Profondeurs, le stress et la tension montent d'un cran. Car si les passages aquatiques de l'aventure principale vous avaient mis les poils, il est probable que ce chapitre annexe, axé sur le milieu aqueux, vous donne des sueurs froides. Après Six et son imperméable jaune, vous incarnez maintenant un petit garçon – le Fugueur – qui choisit pour son évasion de passer par les sous-sols du lieu sordide où il est prisonnier. Ces caves sont bien sûr remplies d'eau stagnante et bien sombre. Stagnante ? Pas tant que ça puisque des remous interviennent régulièrement pour indiquer la présence de Granny, une vieille grand-mère... Et évidemment, cette maîtresse des lieux ne vous veut aucun bien. N'attendez pas d'elle qu'elle vous fasse des confitures. C'est plutôt vous qui lui servirez d'ingrédient si vous restez trop longtemps dans l'eau. Même les barils et autres débris flottants ne vous seront que de courte utilité : elle n'hésite pas à les tamponner violemment pour vous faire basculer dans l'eau ! Votre salut : garder de la hauteur.

Les Profondeurs exploite à merveille les ficelles de Little Nightmares grâce notamment à une ambiance humide et moite encore plus stressante. Ce chapitre parallèle ne dure qu'une petite poignée d'heures, il ne renferme pas non plus de surprises particulières, aussi bien au niveau du gameplay que du scénario lui-même (exception faite de la toute dernière scène...). Il prolongera en tout cas avec une certaine malice les frayeurs que l'aventure principale vous aura provoquées.
Une grand-mère qui ne fait pas que des confitures
Les Plus
  • Une ambiance de premier choix
  • Les peurs de l'enfance savamment restranscrites
  • Un personnage atypique : même sans visage, l'émotion transparait
  • C'est bizarre, c'est glauque, c'est singulier, c'est nordique !
Les Moins
  • C'est un peu court jeune fille
  • Une histoire qui n'ose pas les précisions
  • Une progression un peu trop simple
Résultat

Avec un titre pareil, attendez-vous à avoir gentiment peur, comme lorsque vous vous retrouviez seul dans le noir, entouré de drôles de bruits, de portes qui claquent, de plancher qui grince, de singe à timbales qui se déclenche comme par magie... Little Nightmares évoque ainsi parfaitement ces petites craintes de l'enfance, sous la forme d'un plateformer bien conçu distillant une ambiance glauque à souhait. Le frisson est de courte durée, sa conclusion vous laissera probablement dubitatif mais la maîtrise générale et cette poésie si nordique ne devraient pas vous laisser indifférent.

Partagez ce test
Tribune libre