Test | Mafia III
08 nov. 2016

Le bayou Clay en main

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Mafia III
  • Éditeur 2K Games
  • Développeur Hangar 13
  • Sortie initiale 7 oct. 2016
  • Genres Action, Aventure, Third Person Shooter

Nouveau studio, nouvelle époque, nouvelle thématique, nouveau héros, cette troisième itération de la célèbre série Mafia n'est décidément pas avare en bouleversements. Avec ce Mafia III, 2K est justement bien décidé à chambouler vos habitudes. Pour le pire ou le meilleur ?

L'histoire

Même s'il se passe bien le jour J, un braquage de banque finit toujours pas faire payer ses auteurs. Et puis, comme son nom l'indique, une association de malfaiteurs ne dure jamais bien longtemps : l'un ou l'autre aura tôt fait de vouloir récupérer la plus grosse part du gâteau, voire même celle de ses associés. Lincoln Clay va l'apprendre à ses dépends, sa famille également, plus durement encore. Après quelques morts traumatisants et un long coma, Lincoln reprend du poil de la bête et s'associe avec un ex-agent de la CIA pour remonter la piste jusqu'au responsable de tout ça. Vous vous en doutez, la route va être mouvementée, pleine de macchabées, de mafieux, de dealers, de flics ripoux, de prostitués, bref de tous ce que l'on peut croiser dans une ville du sud de l'Amérique des années 70.
La vengeance à un seul visage

L'ambiance

Un vrai travail de recherche picturale a été fait pour dépeindre cette époque particulière.

Avant d'être un simple jeu vidéo, Mafia III est d'abord une superbe illustration de l'Amérique post Vietnam où s'entrechoquent deux époques, celle d'une ségrégation raciale encore tenace et une autre où le power flower des hippies commence à raisonner, prémices d'une libération des mœurs à venir. Aussi, la ville où se déroule l'intrigue rappelle beaucoup la Nouvelle Orléans avec son quartier français, son cœur historique et son bayou à quelques encablures. Le déroulement du scénario, avec ses extraits d'audition et ses nombreux témoignages (vous ne seriez presque pas surpris de voir débarquer un Christophe Hondelatte tant ce découpage fait penser à ses émissions), participe également à la mise en place d'une atmosphère très accrocheuse.

Concernant l'ambiance sonore, il faut avouer que 2K a mis plus que le paquet. La playlist de Mafia III est simplement ahurissante : Aretha Franklin, James Brown, The Beach Boys, Johnny Cash, Marvin Gaye, The Rolling Stones, The Supremes, Elvis Presley, Otis Redding... Rarement autant de standards indémodables n'auront été réunis dans un seul jeu vidéo. Pour l'anecdote, c'est aussi l'occasion de se rendre compte à quel point notre Claude François national a pu pompé dans le repertoire américain de l'époque pour bâtir son début de carrière.
Un quasi travail d'orfèvre

Le principe

Même face à leurs collègues à terre, les ennemis ne prendront aucunes précautions pour vous éviter.

Contrairement à ses prédécesseurs qui utilisaient un système classique de chapitres, Mafia III se déroule dans un monde ouvert. Ainsi toute la ville du jeu est accessible – ou presque – dès le début de l'aventure. À vous de remplir les missions dans l'ordre qui vous conviendra. Votre objectif principal consiste à grappiller cette ville quartier par quartier, en récupérant les divers trafics locaux à votre propre compte (ou celui de vos colonels associés). Sorties de leur contexte, les missions s'enchaînent donc et se ressemblent pas mal. Mafia III utilise les mécanismes classiques du genre : liquidations, courses poursuites, interrogations... On ne peut pas dire que la vie d'un mafiosi soit particulièrement variée.

Là où les développeurs tirent leur épingle du jeu, c'est dans l'enchaînement de ces différentes phases mais également dans la manière de les aborder. Dans la plupart des cas, l'infiltration est ainsi possible, avec notamment la mise en place d'écoutes téléphoniques pour repérer au préalable les forces adverses en présence. Cela dit, il est bien dommage que l'intelligence artificielle se montre aussi fainéante, rendant à la longue le challenge de l'infiltration moins sexy que l'entrée en force dans un hangar ennemi par exemple. Même constat du côté des forces de police : vous devrez vraiment faire preuve de beaucoup d'audace pour les exciter un peu et les forcer à vous poursuivre. Du coup, la tension générale s'en ressent et vous enchaînez les missions comme s'il s'agissait de simples formalités. Fort heureusement, le scénario et cette ambiance de dingue vous permettent de rester impliqué jusqu'au bout, histoire de voir jusqu'où ce Lincoln Clay va bien pouvoir vous mener.
Un monde ouvert qui parfois tourne en rond

Pour qui ?

Amusez-vous à dénicher les célèbres pin-up du peintre Joaquin Alberto Vargas y Chávez.

Mafia III s'adresse bien sûr aux adaptes des mondes ouverts, à la GTA, où le héros est un mauvais garçon qui n'hésite pas à braver les lois. Cela dit, les fans de la série de Rockstar n'y trouveront pas forcément leur compte, à la fois parce que les possibilités sont plus restreintes, mais également car le scénario et l'ambiance générale se révèlent moins putassiers – et misogynes – que sur Grand Theft Auto. Concernant les fans de la série Mafia, ce troisième épisode bousculera quelques peu leurs habitudes mais ils retrouveront rapidement leurs marques grâce à une ambiance de choix, des environnements soignés, un héros charismatique mais également... des bugs réguliers : un clipping assez présent, une gestion des lumières un poil aveuglante parfois, des bugs de collisions amusants, des ralentissements voire même quelques crashs avec retour au menu titre.
Lincoln Clay meilleur que Franklin Clinton ?

L'anecdote

Un message d'avertissement qui fait réfléchir. En tous cas, qui devrait.

Dans le générique de début, Hangar 13 affiche un avertissement assez inattendu. Il prévient de la présence dans Mafia III de dialogues et de séquences à connotation raciste explicite. Ainsi, au cours de l'aventure, vous assisterez à des réunions du Ku Klux Klan, mais vous serez aussi régulièrement interpellé par les passants – notamment dans certains quartiers aisés – sous la forme de répliques telles que "on ne veut pas de toi ici négro !". Ce soucis de dépeindre au plus près l'ambiance de l'époque nous permet de se rendre compte – au moins un minium – de ce que pouvait être ce racisme quotidien, exprimé ouvertement car largement toléré par l'opinion publique. Et de peut-être (re)prendre conscience des dangers du laisser-aller actuel de notre société sur ces questions pourtant fondamentales.
Des cicatrices qui pourraient se rouvrir...

DLC - Faster, Baby!

Les nombreuses courses poursuites ont de quoi répondre à votre soif d'adrénaline.

Vous pensiez avoir connu le pire de l'Amérique profonde et raciste des années 70 avec l'histoire principale de Mafia III ? Détrompez-vous. Ce premier DLC, intitulé Faster, Baby!, vous entraîne sur le territoire d'un Shérif méprisable et on ne peut plus véreux. L'aventure commence par une exécution froide et décomplexée en pleine rue. Lincoln Clay va devoir refaire parler la poudre pour débarrasser la région de ce salopard et sa troupe de policiers sévèrement corrompus (et un poil plus féroces). Il devra aussi faire parler la gomme de ses pneus – d'où le titre du DLC – via des courses poursuites plutôt réjouissantes. Mais une fois n'est pas coutume, il va devoir également faire parler son cœur, grâce à une coéquipière de choc et de charme qui apporte un peu plus de piquant à l'aventure.

Côté technique, le jeu accuse déjà ces quelques mois d'existence (la comparaison avec d'autres titres du genre sortis récemment ne joue pas en sa faveur) : clipping relativement prononcé, textures mollassonnes et ralentissements malvenus. Rien de dramatique et si vous avez su apprécier le jeu de base, ces quelques détails disparaissent rapidement au profit d'un plaisir de jeu parfaitement renouvelé.

Notez en plus que ce DLC vous ouvre l'accès à une nouvelle zone de la carte relativement conséquente, vous proposant ainsi plusieurs heures de jeu supplémentaires. Tant mieux car une fois qu'on y a goûté, on ne quitte pas Clay facilement. Faster, Baby! a d'ailleurs un autre atout : la culture de Marijuana. À vous les joies des plantations clandestines et leurs ventes à la sauvette. Mais chut, tout ça doit bien entendu rester entre nous.
Enfoncez-vous un peu plus dans l'Amérique crasseuse

DLC - La Hache de Guerre

Prolongez votre expérience de Mafia III en y associant une bonne dose d'Uncharted.

Il faut croire que ses escapades vietnamiennes manquaient à Lincoln Clay puisque ce deuxième DLC lui permet de retrouver les joies des échanges musclés entre soldats, au beau milieu d'une jungle luxuriante. Pour l'occasion, vous assistez au retour de Donavan, l'ex-agent de la CIA qui lui donne une tonne de "tuyaux" dans l'aventure de base. Leur objectif : mettre la main sur une ogive nucléaire dérobée par un ancien camarade G.I. un poil mégalo et psychopathe. Comme de coutume avec Hangar 13, le scénario est bien amené, plutôt rythmé et ponctué de dialogues où la dérision fait mouche. Ainsi, les répliques de Donavan sont souvent succulentes.

Côté gameplay, La Hache de Guerre n'est pas chiche en nouveautés. En plus de l'apparition d'un personnage inédite capable de vous épauler, en sniper, lors des vos combats, ce DLC fait la part belle aux courses poursuites en véhicules blindés armés d'une tourelle. Attendez-vous à de la fusillade en bonne et due forme dans les rues de New Bordeaux mais aussi, bien entendu, sur les pistes très humides d'une île située au large de la ville. Cet endroit vous rappellera à la fois Uncharted et Tomb Raider Underworld, voire même, pour les sérievores, l'ambiance de Lost avec la présence d'un bunker très guerre froide... Dommage par contre que ce terrain de jeu ne soit pas aussi développé que celui proposé par Faster, Baby!. Ici, vous ne pouvez pas le parcourir à votre guise. Aucune sortie de route à l'horizon, vous n'avez qu'à simplement suivre le guide.

En tous cas, avec La Hache de Guerre, Mafia III s'offre un nouveau DLC on ne peut plus présentable et qui prolonge avec bonheur et exotisme votre expérience d'origine.
Frangin, faut de détendre un peu, tu vas t'exploser une veine du cul

DLC - Sign of the Times

Une extension thriller qui parvient à poser une excellente ambiance.

Après la moiteur de la jungle, c'est au tour des vapeurs de hippies de tenter de prolonger une dernière fois l'expérience Mafia III. Dans l'extension Le Signe des Temps, Lincoln prend sous sa coupe une jeune serveuse, Anna, fraîchement échappée d'une secte légèrement dérangée : les Ensanglantés. Des différents lieux de cultes lugubres à nettoyer jusqu'à un sanatorium plongé au cœur d'un méchant orage, l'ambiance de ce DLC s'avère on ne peut plus glauque. Vous n'y trouverez pas le second degré des précédentes extensions, bien au contraire. Il faut dire que le thème – les conséquences de l'enrôlement dans une secte – ne s'y prête pas vraiment. Cela dit, l'histoire est encore une fois plutôt bien ficelée et tissée grâce à de bonnes cinématiques et des dialogues qui font mouche.

Côté gameplay, un système d'enquête inédit permet d'apporter un relief appréciable à vos recherches (récolte d'indices et prise de photos sur scènes de crimes). L'exploration d'un vieil hangar isolé plongé dans l'obscurité totale, avec pour seul compagnon une lampe à lumière noire faisant surgir du néant la moindre trace de sangs... frissons garantis ! Pour les fans d'infiltration, le lancer de couteaux fait son apparition : idéal pour une exécution silencieuse à distance. Le final, réussi, vous offre même une ultime possibilité de prolonger vos pérégrinations à New Bordeaux : récolter suffisamment d'argent pour remettre sur pied le bar familial. Bref, le moins que l'on puisse dire c'est que Hangar 13 aura su peaufiner son oeuvre jusqu'au bout.
À l'assaut du culte culte clan
Les Plus
  • Une époque parfaitement retranscrite
  • Une playlist tout simplement impeccable
  • Un héros plutôt charismatique et de bons personnages secondaires
  • Un déroulement de l'intrigue astucieux (vous ne jouez que des flashbacks)
  • Des environnements propres et variés
  • Les possibilités d'infiltration intéressantes
  • Un univers décomplexé mais sans jamais être putassier
  • Le retour de Vito Scaletta
  • Un libre arbitre bienvenu qui intervient notamment à la fin du jeu...
  • De très bons DLCs qui prolongent avec talent l'expérience d'origine
Les Moins
  • Pas mal de bugs (essentiellement visuels)
  • Des mécanismes de jeu un poil répétitifs
  • Une IA trop permissive qui abaisse le challenge
Résultat

S'il n'est pas parfait sur le plan technique, Mafia III propose une solide expérience de jeu qui ne déparait pas dans la série. Le scénario est efficace, voire même astucieux dans sa forme, les personnages principaux intéressants, les situations assez variées même si elles n'évitent pas certaines répétitions. Mais c'est aussi grâce à son ambiance de choix que le titre tire son épingle du jeu, avec cette retranscription très soignée de l'atmosphère post-Vietnam de l'Amérique, sur fond de ségrégation raciale encore omniprésente. L'orientation choisie par Hangar 13, qui consiste à élargir le champ de la série au delà de la simple mafia italienne habituelle, s'avère finalement payante. Elle permet à la licence de se renouveler sans perdre les fondamentaux qui ont fait sa renommée.

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