Le Dernier Jour de Howard Phillips Lovecraft, folie mortelle
30 sept. 2024

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La vie d'Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), écrivain américain du début du XXe siècle ayant connu une notoriété mondiale à titre posthume, ne recèle que peu de secrets de nos jours. Nombreuses sont les biographies écrites à son sujet, dressant des portraits divers et variés de cet homme ayant connu la misère, aux idées racistes, écrivain de nouvelles et de livres fantastiques s'inscrivant dans un univers d'horreur cosmique et indicible, et décédé dans l'anonymat d'un cancer de l'intestin. Son œuvre, diffusée mondialement après sa mort et qui a nourri l'imaginaire collectif à tant de niveaux, dans tant d'œuvres, est connue. Sa vie, contrastée et remplie de contradictions, est connue. Mais qu'en est-il de son dernier jour sur cette Terre si chère aux Grands Anciens ? Que s'est-il passé dans cette chambre d'hôpital de Providence le 15 mars 1937 ? Pour le découvrir, vous n'avez qu'à plonger dans l'étonnant, le merveilleux et hallucinant ouvrage écrit par Romuald Giulivo et illustré par Jakub Rebelka.


Le dessin de Jakub Rebelka a quelque chose d'envoûtant.



On ressort de la lecture du Dernier Jour de Howard Phillips Lovecraft comme on ressort d'un rêve ponctué d'éléments cauchemardesques mais sans que ces derniers ne prennent le dessus. Hallucinations, horreurs, merveilles, émotions positives, rencontres bouleversantes et révélations : ces étapes de ce voyage intérieur et révélateur mènent le héros, Lovecraft, et le lecteur, vers des lieux et des situations parfaitement issues de l'univers horrifique mais fascinant de l'écrivain de Providence. Sans entrer trop dans les détails pour ne pas gâcher les surprises que ces planches illustrées de mille et une teintes de rouges, de bleus et de gris renferment, Le Dernier jour de Howard Phillips Lovecraft se lit comme le compte-rendu d'une plongée intense de son protagoniste dans son purgatoire personnel.



Le soin du détail.


Plusieurs personnages issus de la vie de Lovecraft s'avancent dans la lumière et se présentent à lui, lui prennent la main, et le guident face à ses actions, face à ses pensées, face à ses convictions et face à ses oublis. Loin de romancer ou d'idéaliser la vie ou même l'héritage de Lovecraft, les auteurs Giulivo et Rebelka mettent l'auteur américain face à ses pires travers et angoisses. Rien ne lui est épargné, et c'est tant mieux, car les auteurs visent à présenter une vision globale de la vie de Lovecraft, dépeignant avec un style halluciné et cyclopéen son côté obscur et son côté lumineux. Au-delà des figures du passé, d'autres du futur, nourries par ses écrits, viennent se présenter à lui pour lui parler de l'immortalité de son œuvre, et par conséquent de son lui-même. Car Lovecraft et son univers n'ont jamais été aussi vivant de nos jours que lors de sa propre existence : les déclinaisons de ses créations ont dépassé depuis bien longtemps les limites de l'illustration et de la littérature. Presque tous les médiums désormais connaissent des adaptations des œuvres de Lovecraft, prolongeant à chaque fois un peu plus son existence, sa mystique et son aura. L'ouvrage interroge avec pertinence ce que cela pourrait susciter chez Lovecraft, dont la philosophie des œuvres repose avant tout sur le fait que toute chose, quelle qu'elle soit, est négligeable, éphémère, et dénuée de sens. Alors son œuvre, et lui par-dessus tout, immortels ? D'une indicible naïveté, semble-t-il rétorquer.



L'ouvrage rejoint le panthéon des œuvres qualitatives récentes centrées sur Lovecraft.


Le trait de Jakub Rebelka donne vie à pléthore de paysages et de personnages fourmillants de détails, changeant de case en case, comme en perpétuelle révolution. La richesse du dessin accompagne la profondeur du récit et des idées proposées. Les yeux sont tout autant stimulés que notre réflexion. Au milieu de toute cette diversité, un électron libre fait contraste par sa sobriété, par la régularité de ses traits et par sa banalité extrême : Lovecraft lui-même. L'auteur reste présenté de la même manière tout au long du récit. Alors qu'il traverse des environnements en constante évolution, sa grande figure longiligne encadrée par un impair gris et morne, couverte d'un chapeau trop grand pour sa tête et éclairée par deux trous blancs lui faisant office d'yeux ne change pas d'un iota du début à la fin. Encore une fois, l'œuvre de Giulivo et de Rebelka nous dit jusque dans les moindres détails que leur sujet n'est pas Lovecraft, mais ce qui l'entoure.

Véritable promenade hallucinée dans le purgatoire d'un des plus célèbres auteurs de la littérature fantastique, Le Dernier Jour de Howard Phillips Lovecraft est une œuvre marquante et inspirante.


📖👀 À lire : Le Dernier Jour de Howard Phillips Lovecraft, 2023, 136 pages, 24,95 € chez 404 Éditions.

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