Test | Beyond Eyes
28 sept. 2015

L'essentiel est invisible pour les yeux

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Beyond Eyes

Il y a des jeux avec lesquels on s'amuse, qui répondent d'abord – avec plus ou moins d'efficacité – à un objectif ludique. Et puis il y en a d'autres où l'amusement devient secondaire, laissant s'exprimer une démarche artistique magistrale. Vos sens et votre sensibilité deviennent alors vos guides pour vous faire participer à une expérience assez unique. Bienvenue à Beyond Eyes.

L'histoire

Rae a dix ans. Et comme toutes les petites filles de son âge, elle aime beaucoup les chats. Alors, le jour où celui qui vient régulièrement lui rendre visite disparaît, elle décide de pousser le portail du jardin pour partir à sa recherche. Seulement voila : s'il n'est pas sans danger, le monde qui entoure ce cocon familier est surtout totalement inconnue pour elle. Car Rae est aveugle.
Chacun cherche son chat

Le principe

Ce gros chat roux répond au nom de Nani, sauf lorsqu'il décide de se faire la malle...

La cécité de Rae est le point de départ du gameplay de Beyond Eyes. En effet, vous guidez la petite fille dans un décor qui ne se dévoile que pas à pas, dans un rayon d'environ un mètre autour d'elle. Le reste de l'environnement est caché par une sorte de brouillard de guerre, un peu à la manière d'un RTS. Une fois les environs visités, vous obtenez ensuite une vision globale de ce qui vous entoure, sauf si la météo s'en mêle. En effet, un aveugle développe naturellement ses autres sens, notamment son ouïe. Le bruit produit par la pluie qui touche le sol, démultiplié par les gouttes, fait ainsi perdre à Rae les repères qu'elle s'était mentalement fixés. Et les lieux qu'elle avait visité auparavant redeviennent inconnus. Sur le même principe, chaque son émit autour d'elle va lui donner une indication sur son environnement, même au delà de son périmètre de base. Un oiseau qui chante plus loin, le décor qui l'entoure va apparaître. Pour disparaître aussitôt que le volatile se sera interrompu. Mais attention, un son peut également en cacher un autre. Rae sera donc souvent victime des apparences et, une fois à proximité d'une source sonore, elle se rendra compte que ce qu'elle avait imaginé n'aura rien à voir avec la réalité...

En plus des sens, Beyond Eyes joue également sur les émotions, comme l'envie, mais aussi la peur. Peu habituée au monde extérieur, Rae est craintive. Dans votre périple, vous devrez donc contourner plusieurs obstacles : un chien qui aboie au milieu d'un chemin, un corbeau sur une palissade, des mouettes excitées par l'odeur de poisson, une route à forte circulation... À l'inverse, la petite fille sera attirée par des choses plus hospitalières comme des poules qui picorent mécaniquement le sol, une vache qui réclame de l'herbe, ou même le bruit d'une fontaine. Le jeu vous laisse suffisamment de liberté pour explorer les environnements et tenter quelques expériences. Par contre, en toute logique, Rae ne peut pas courir. Elle ralentira même l'allure en présence d'un danger, en baissant la tête et tremblotant.
À tâtons

L'emballage

Les zones de dangers apparaissent à l'écran entourées d'un brouillard noir opaque.

Beyond Eyes utilise un emballage visuel de premier choix : l'aquarelle. Le principe des couleurs qui se diffusent lentement, guidées par l'eau, est ici parfaitement adapté à la situation de Rae. Le décor se dévoile ainsi à mesure qu'il est à portée des sens de la fillette, par petites touches, dans des tons pastels qui caressent la rétine, offrant ainsi au jeu une empreinte visuelle unique.

Même chose sur le plan sonore. La musique, uniquement jouée au piano, accompagne votre progression. Les variations que permet cet instrument offrent une large palette d'émotions et ajoutent à cette ambiance mélancolique, mais non dénuée d'espoir, dans laquelle évolue Rae. Côté bruitages, ils sont soignés car essentiels à votre immersion.
Écouter, c'est voir un peu

Pour qui ?

Un son émit au loin révèle une partie du décor qui l'entoure.

Vous l'aurez compris : Beyond Eyes s'adresse à ceux qui aiment prendre leur temps. Le fait que l'héroïne ne puisse pas courir entraîne forcément une action plus lente, rythme que les joueurs les moins patients ne sauront pas apprécier. Cela dit, l'expérience sensorielle est unique et les qualités artistiques du jeu ont vraiment de quoi interpeller, même les plus réfractaires. Quant aux plus jeunes, l'identification fera probablement sont office mais il n'est pas certain qu'ils soient suffisamment matures pour apprécier toute la poésie mélancolique du jeu.
Laissez-vous tenter

L'anecdote

Les conditions météo perturbent la perception de l'environnement.

À l'origine de Beyond Eyes, il y a une seule et unique personne. Elle s'appelle Sherida Halatoe, développe des jeux "pour rendre les gens heureux, parfois tristes et puis de nouveau heureux". Elle a fondé le studio de développement Tiger & Squid, lequel s'est associé à l'équipe de Team 17, ce qui a permis à Beyond Eyes de bénéficier des moyens nécessaires pour rendre l'expérience encore plus unique. C'est le premier vrai jeu de la demoiselle. Vu ses qualités, il y a fort à parier qu'elle ira loin.
Beyond game
Les Plus
  • Une direction artistique unique
  • Une expérience sensorielle
  • L'ambiance mélancolique
  • Les bruitages
  • Un jeu court mais qui ne manque pas de surprises
  • Une conclusion sans concessions
  • La gestion des conditions météo
Les Moins
  • L'histoire aurait gagné à être plus mature dans son propos
Résultat

Avant d'être un jeu, Beyond Eyes est une expérience sensorielle qui pourrait se traduire basiquement par un "et si moi aussi j'étais aveugle ?". Si l'histoire n'est pas des plus matures, même si l'ambiance mélancolique est bien présente, la fragilité de l'héroïne vous émeut et renforce votre implication à l'aider à atteindre son but. Quant au gameplay, il retranscrit parfaitement la sensation de cécité, renouvelant régulièrement votre intérêt et votre désir de... voir plus loin. Vous vous surprendrez sûrement à imaginer ce que ce principe pourrait donner dans un jeu à l'intrigue plus adulte et dramatique.

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