Test | The Black Mirror
19 oct. 2003

Testé par sur
The Black Mirror

"Miroir, mon beau miroir, dis moi quel est le meilleur jeu d'aventure du royaume." – "Je ne peux vous apporter une réponse à cette question, Majesté, mais je peux vous prouver qu'il en est un qui répondra sans nul doute à vos attentes et à celles des amateurs du genre ; un jeu remarquable qui vous conduira dans une intrigue complexe et mystérieuse que vous saurez apprécier à sa juste valeur, j'en suis persuadé." – "Assez ! Quel est-il ?" – "Il partage avec moi la forme et l'appellation, mais j'espère ne pas être aussi obscure : il se nomme The Black Mirror."

Le jeu d’aventure est mort ! Vive le jeu d’aventure !

On entend partout que les meilleures années du genre sont derrière lui. L'argument principal avancé ? La faible quantité proposée par des développeurs soi-disant trop frileux pour se lancer dans une niche qui ne rapporterait plus. La zone d'ombre de cet argumentaire ? La production de jeux vidéo, appuyée par une évolution technologique qui repousse régulièrement les barrières techniques, s'est naturellement concentrée sur des produits plus innovants (sur le plan visuel essentiellement). Mais n'oublions pas que c'est également l'offre qui conditionne la demande et quand l'offre est là, les joueurs répondent généralement présent. Car, dans le domaine du jeu d'aventure, il est bien rare de se retrouver face à un jeu médiocre tant le genre en lui-même est au moins un gage de qualité (côté graphismes) et de profondeur (côté scénario). Reste maintenant à savoir si The Black Mirror a plus à nous offrir.

Un passé qui rattrape

La tombe du grand-père. Bien refermer après usage.

Un vieux manoir victorien perdu dans la campagne anglaise, une grande famille aux ascendants charismatiques, un traumatisme qui pousse le héros à déserter les lieux depuis douze ans et le mystérieux suicide du grand-père qui le ramène dans un endroit qu'il aurait préféré avoir oublié, voici le postulat de départ de The Black Mirror. Samuel Gordon, le personnage central, revient sur les terres de ses ancêtres et se retrouve au beau milieu d'une histoire passablement lugubre et on ne peut plus mystique. Bien décidé à élucider le mystère qui entoure la disparition du papi, Samuel repère des indices inquiétants et est rapidement confronté à des événements étranges. Sur quoi travaillait donc son aïeul ? D'où viennent ses écrits légèrement illuminés qui traitent d'un passage vers une autre dimension ? Pourquoi ses recherches l'ont-elles poussé à remuer le passé et des caveaux familiaux que l'on n'aurait jamais dû rouvrir ?

Un univers substantiel

La taverne : une source importante d'informations

Afin de faire défiler cette histoire, découpée en six grands chapitres, The Black Mirror dispose d'arguments de poids : une galerie de 23 personnages (du domestique soupçonneux et surtout soupçonnable au médecin de famille aux autopsies vite dégrossies), près de 120 sites (du château de Black Mirror à l'église médiévale de Warmhill en passant par les anciennes cryptes ou l'asile d'Ashbury), une vingtaine d'énigmes à résoudre ainsi qu'une centaine d'objets à récupérer et à étudier. On peut également y ajouter quelques 120 pages de dialogues qui bénéficient, une fois n'est pas coutume, d'un doublage en français remarquable. Cette profusion permettra au joueur chevronné d'atteindre facilement les 35 heures de jeu, soit une durée confortable dont peu de productions actuelles peuvent se vanter.

Artistiquement sans défaut

Un joli coup de pinceau

L'une des principales qualités de The Black Mirror, c'est la cohérence et la magnificence de son univers. Elle s'illustre avant tout dans des graphismes somptueux. Ces décors en pré-calculé s'apparentent le plus souvent à de véritables oeuvres d'arts et attestent de la rigueur avec laquelle ils ont été créés. Et ce ne sont pas que de simples tableaux statiques, puisque de nombreuses animations viennent leur donner un peu plus de corps : les arbres bougent au gré du vent, les gouttes de pluie troublent l'eau des étangs, des corbeaux tournoient autour d'un clocher, etc. Les lieux visités changent aussi d'apparence suivant l'heure à laquelle on les visite, ou bien suivant les conditions météos. C'est d'ailleurs un des moyens qu'ont trouvé les développeurs pour mettre en avant leur maîtrise des sources lumineuses. Lampadaires, bougies, éclairs, âtre, quelque soit leur provenance, elles offrent toutes au jeu des éclairages très travaillés permettant de mettre en place une ambiance de choix.

Gueule d'atmosphère

Une bonne gestion des sources lumineuses

Si l'ambiance gothique, voire oppressante, de The Black Mirror tient beaucoup en ses graphismes, l'environnement sonore participe aussi brillamment à sa mise en place. La musique est omniprésente et tient un rôle-clé dans l'atmosphère du jeu. Interprétée par un véritable orchestre symphonique, elle accompagne l'intrigue en s'adaptant à la situation d'une manière très naturelle. Les effets sonores ne sont pas en reste. Ils se répartissent en deux niveaux : le son du lieu où se trouve le joueur (on appelle ça l'Ambient FX) et celui directement produit par ses mouvements (le bruit change en fonction de la surface foulée et du type d'espace fréquenté). Ces détails facilitant l'implication du joueur se rencontrent avant tout dans des jeux 3D comme les FPS par exemple. Les retrouver dans une production de ce type est donc une agréable surprise.
Les Plus
  • Une histoire complexe et mystique à souhait
  • Des environnements nombreux et vraiment superbes
  • Une rigueur artistique remarquable
  • Une durée de vie conséquente
Les Moins
  • Parfois très bavard
  • L'horreur annoncée n'est pas au rendez-vous
Résultat

Jusqu'ici tout va bien. Suffisamment profond, beau et long, The Black Mirror dispose de toutes les qualités requises pour satisfaire les adeptes des jeux d'aventure bien léchés. Cependant, au fur et à mesure de notre progression, on ne peut s'empêcher d'éprouver comme un manque. La communication autour de The Black Mirror insiste beaucoup sur son côté horrifique mais le joueur qui recherche des sensations pourrait bien être très déçu. A l'usage, le parti pris horreur annoncé n'est pas assez accentué et, lorsqu'il est mis en avant, il a parfois tendance à tomber à l'eau. L'ambiance glauque répond bien à l'appel mais si on ne rit pas une seconde, on ne saute pas au plafond non plus. Si bien que l'on progresse dans l'aventure avec un sentiment de trop peu, une quasi apathie presque dérangeante. The Black Mirror ne serait-il pas qu'un jeu d'aventure classique et académique parfaitement réalisé, un exercice de style sans surprises ? Qu'à cela ne tienne : après tout, combien de productions peuvent encore se targuer de n'avoir que ce défaut sans doute mineur ?

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