Test | Sleeping Dogs
05 sept. 2012

Un air de Shenmue

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Sleeping Dogs

Développé par United Front Games et vestige du True Crime d'Activision, Sleeping Dogs fait partie de ces jeux ayant connu une gestation difficile. Pour preuve, ce n'est plus le géant américain qui s'occupe de l'édition du titre mais bel et bien Square-Enix, l'éditeur japonais qui, après sa fusion avec Eidos et les licences qui en découlent (Deus Ex, Hitman et Tomb Raider), ne cesse de s'intéresser aux franchises dites "occidentales".

GTA Hong Kong, et toi ?

Pourtant, la diégèse de Sleeping Dogs n'a pas grand chose d'occidentale. Et pour cause, le jeu se déroule à Hong Kong, au sein des triades chinoises. Vous incarnez Wei Shen, un policier de San Francisco qui a pour mission d'infiltrer les mafias locales pour le compte du gouvernement américain (en collaboration avec les services chinois, bien sûr). C'est l'une des principales forces du jeu : se démarquer de l'habituel stéréotype du gangster, commun à bien des GTA-like, pour apporter une once d'enjeux narratifs. Ici, Wei Shen doit sans cesse jongler entre ses contacts policiers et d'autres bien moins fréquentables, ce qui ajoute du piment à l'histoire. Bien sûr, tout n'est pas parfait et le jeu tombe parfois dans les vices du genre (avec une symbolique un peu grossière par moment), mais l'ensemble est assez original pour tirer son épingle du jeu. On regrette simplement l'absence d'un doublage cantonnais (le jeu est principalement doublé en anglais), chose qui, entre nous, nuit grandement à l'immersion. C'est dommage car le jeu pâtissait déjà de sa trop longue gestation. "Beau de loin mais loin d'être beau", c'est l'adage qui correspond parfaitement à ce Sleeping Dogs. Si la technique est dans l'ensemble correcte, reproduisant avec une certaine classe l'ambiance d'une mégalopole asiatique (les adeptes de Shenmue apprécieront), les cinématiques laissent apparaître des textures relativement grossières, camouflées tant bien que mal par un flou anormalement prononcé. Durant les phases de jeu, le constat est tout de même plus réjouissant, même si de l'alisasing, du clipping et un framerate parfois chahuté viennent ternir le tableau. Rien de véritablement méchant mais de quoi avoir quelques regrets compte tenu du développement chaotique qu'a connu le jeu.

Sans identité ?

Vous retrouvez le même système de contre que dans les derniers jeux Batman.

Si l'ambiance de Sleeping Dogs est assez dépaysante, le gameplay laisse, à première vue, un sentiment plus mitigé. Ainsi, les combats au corps-à-corps, par exemple, semblent calqués sur ceux de Batman : Arkham Asylum, à ceci près que quelques interactions avec l'environnement sont présentes, tout comme la possibilité de saisir et projeter vos adversaires. Le bémol vient avant tout de la répétitivité apparente des affrontements : la diversité des coups et les quelques cabines téléphoniques et grilles d'aération présentes peinent à masquer une mécanique trop bien rodée. C'est triste car le jeu témoigne d'une volonté certaine de bien faire. Qu'il s'agisse des rues animées, des combats plutôt bien mis en scène ou des poursuites se déroulant dans des ruelles bondées de monde, Sleeping Dogs exhibe fièrement sont inspiration du côté des films d'action Hongkongais. C'est bien dans la volonté de retranscrire le dynamisme de ces films (en plus de leur ambiance) que le jeu puise sa principale force, celle qui le différencie de n'importe quel autre jeu du genre. Un constat qui se retrouve dans la conduite des véhicules, arcade mais très nerveuse et finalement plutôt grisante.

Grattez et gagnez

Sauter sur des véhicules en pleine course pour en prendre le contrôle, voilà l'une des nombreuses possibilités offertes par Sleeping Dogs.

Le souci, c'est qu'il faut attendre quelques petites heures pour se rendre compte des ambitions du jeu et des possibilités qui nous sont offertes. En regardant de plus près, il est possible d'observer un certain souci du détail, comme lorsque vous parcourez les rues de Hong Kong pour voir un piéton percuté au sol, puis une ambulance intervenir. C'est aussi ça, Sleeping Dogs : un sens du détail qui, sans être poussé à l'extrême (prenez l'ambulance et personne ne réagira), est bel et bien présent. Dans le même genre, ce système de combat paraissant si simpliste au début se révèle en réalité particulièrement complet, avec des coups à glaner au fil de l'aventure, ce qui ne manque pas de rappeler celui d'un certain Shenmue. La prédominance des rixes de rue aux fusillades va d'ailleurs dans ce sens. Et c'est d'autant plus étonnant que les fusillades, justement, sont plutôt bien gérées (surtout en comparaison de GTA). A cela, il faut ajouter de nombreuses possibilités annexes qui, mises bout à bout, permettent au jeu de se démarquer assez largement de ses concurrents. Sauter sur le toit d'une voiture en pleine course, tirer depuis un véhicule, chanter dans un bar de karaoké, poser des micros, fracturer des coffres ou piratez des caméra à l'aide de mini-jeux, localiser des appels, assister à des combats de coq, participer à de courses urbaines... Sleeping Dogs donne souvent l'impression d'aller plus loin que d'autres. Même en terme de rythme et de psychologie des personnages, le jeu parvient à faire bonne figure (à ce titre, la gestion des relations amoureuses est plutôt surprenante). Autant vous dire que la lassitude mettra un certain temps à se faire ressentir, même si vous prenez soin d'accomplir les différentes missions annexes et de récupérer les différentes améliorations pour votre personnages (via un système d'expérience, des statues, des autels ou des vêtements achetés en boutique).
Les Plus
  • Beau de loin...
  • Une histoire (un peu) plus originale que d'habitude
  • Une ambiance savoureuse
  • Une belle diversité en matière de gameplay
  • Des possibilités variées et originales
  • Les musiques teintées d'orient
  • Certains passages sont corsés, ce qui donne du challenge
  • Belle durée de vie
Les Moins
  • ... mais loin d'être beau
  • Certaines animations pas toujours au top
  • Quand même trop d'anglais dans tout cela
Résultat

Sleeping Dogs est loin d'être un mauvais jeu, au contraire. Son seul souci est on ne peut plus simple : donner l'impression, dans un premier temps, d'être une simple recette (trop) bien connue, appliquée à une diégèse plus intéressante qu'à l'accoutumée. Bastons, trajets, poursuites en bagnoles, système d'amélioration, achat de fringues, utilisation d'un téléphone portable pour s'informer... Rien de bien original à l'horizon. Pourtant, en grattant à peu la surface, on s'aperçoit que le jeu ambitionne de belles choses, et qu'il profite même d'un certain souci du détail (aussi bien en matière de possibilités que d'animations) absent de la concurrence. Ainsi, Sleeping Dogs jouit d'une diversité assez formidable, l'empêchant de tomber dans la routine inhérente au genre. Entre les courses urbaines, les poursuites à pieds dans des rues bondées, les différents mini-jeux liés aux "infractions" et autres loisirs, vous aurez fort à faire. Et puis autant être honnête : rares sont les jeux reproduisant si bien l'ambiance d'une mégalopole asiatique. Entre le cachet visuel du titre et les radios aux chansons asiatiques, Sleeping Dogs rappellera de bon souvenirs aux adeptes de cinéma asiatique (de ce point de vue, c'est sûrement ce qui se fait de mieux avec Stranglehold), mais aussi du titre légendaire de la Dreamcast. Car qu'on se le dise, sur le plan ludique, Sleeping Dogs a quelque chose de Shenmue.

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