Test | Ghost of Tsushima
06 oct. 2020

L'empreinte indélébile du chef-d'œuvre

Testé par sur
Ghost of Tsushima

Consacrer plus d'une soixantaine d'heures à retourner un open world, en laissant s'étaler l'expérience sur plusieurs semaines, faisant fi des souhaits tacites de l'éditeur d'un délai de traitement "raisonnable", c'est le signe qu'il s'est passé quelque chose. Et c'est vrai, avec l'inattendu Ghost of Tsushima il se passe un truc assez incroyable. Après des débuts remarqués (Sly Raccoon et la brillante série inFamous), les petits gars de Sucker Punch tiennent tout simplement là un véritable chef-d'œuvre. Explications.

L'histoire

Lorsque les Mongols débarquent sur les côtes de l'île japonaise de Tsushima au XIIIe siècle, leur confiance est totale. Après tout, ne dit-on pas que là où un Mongol passe, le gazon trépasse ? Ils trucident ainsi à tour de bras les samouraïs qui s'interposent, ne laissant derrière eux que tas de cendres et mares de sang. Ah, si, ils ont tout de même oublié un truc important : le supposé cadavre d'un certain Jin Sakai. Et vous vous en doutez : cet oubli va leur mettre de sacrés bâtons dans les roues, ou plutôt de sacrés coups de katana dans les côtes.

En effet, le monsieur laissé pour mort revient aux affaires très énervé et fermement décidé à libérer son île. Bien sûr, l'énervement d'un samouraï est relatif car toujours teinté d'un flegme presque britannique et surtout d'un code de l'honneur en béton. Même si justement, ce code ancestral ne tardera pas à être dynamité afin de rendre votre expérience de jeu plus variée.

Le scénario de Ghost of Tsushima apparaît très soigné et vous offre régulièrement de grandes séquences, tantôt épiques, tantôt émouvantes, toujours en respectant scrupuleusement l'ambiance et la spiritualité japonaises. Et si c'est vrai pour l'intrigue principale du jeu, ça l'est tout autant pour les missions secondaires qui affichent une qualité d'écriture plutôt rare.
L'épopée de Jin Sakai, mais il est bien couvert

Le principe

La confusion avec la licence d'Ubisoft est régulièrement possible.

Passée une séquence introductive très dirigiste et "beat them all", vous voici face à un open world partageant de nombreuses similitudes avec ses aînés. À tel point que votre première heure sur Ghost of Tsushima ressemble à s'y méprendre à n'importe quel autre jeu du genre, empruntant sans sourciller les principes et réflexes d'un Assassin's Creed Odyssey par exemple. Il faut bien dire qu'assainir un large territoire parsemé de villages à libérer, de camps ennemis à faire tomber, de patrouilles à occire ou éviter, d'autochtones à secourir, et même de tombeaux à explorer, ce n'est pas vraiment ce qui va chambouler nos habitudes. Le savoir-faire de Sucker Punch en matière de monde ouvert est solide. Votre exploration de Ghost of Tsushima apparaît donc agréable et sans à-coups.

Vous connaissez bien les ficelles de la série d'Ubisoft, alors concentrons-nous plutôt sur les différences notoires de cette escapade au pays du Soleil Levant. Du pistage de renards à l'écriture de haïkus, en passant par le tranchage de bambous, les ajouts sont subtiles et participent à mettre en place une ambiance à part. C'est vrai, Ghost of Tsushima dispose bien d'une ambiance assez exceptionnelle. Mais ça, nous y reviendrons dans le paragraphe "inspiration".

Côté castagne, le jeu exploite à merveille les combats au sabre. Vous disposez ainsi de quatre positions pour attaquer et contrer vos ennemis, se déclinant elles-mêmes en plusieurs sous-coups. L'arborescence est grande et les combinaisons nombreuses, permettant aux plus bagarreurs d'entre vous de s'amuser à varier les plaisirs. Le paroxysme de ces combats est brillamment atteint lors de duels qui viennent régulièrement pimenter vos interactions non amicales, et ce toujours dans une mise en scène magistrale. En trois mots : ça en jette ! Notez tout de même que les approches plus sioux (aussi appelées "par derrière") sont également de la partie, l'aspect infiltration de Ghost of Tsushima étant largement et subtilement développé.
Assassin's Creed from Tsushima

L'inspiration

Même si vous ne faites pas toute l'aventure dans ce mode, testez-le au moins une fois.

Ghost of Tsushima est un jeu très inspiré. Et son inspiration la plus flagrante n'est autre que le chef-d'œuvre d'Akira Kurosawa : Les Sept Samouraïs. De l'aveu de Nate Fox, directeur créatif du jeu, la dignité et le cœur des héros de ce film ont été un "idéal iconique" que l'équipe s'est efforcée de respecter tout au long du processus de développement des personnages. Pour souligner ce lien rapproché, il existe d'ailleurs un mode "Kurosawa" vous offrant les voix japonaises sous-titrées ainsi qu'un filtre noir et blanc du plus bel effet. Tentez-le car il serait dommage de ne réserver cette magnifique option qu'aux puristes.

Toujours sur le plan cinématographique et notamment visuel, on retrouve dans Ghost of Tsushima l'emballage du film Le Dernier Samouraï. La directrice des environnements, Joanna Wang l'explique très clairement : "J'ai été inspirée par de nombreuses scènes de ce film. Le petit village sur une colline d'herbe ondulée, des enfants jouant autour d'un cerisier en fleurs. Puis, plus tard, une bataille sous la pluie battante près de l'érable rouge, ou un brouillard épais dans les bois profonds."

Enfin, pour vous donner une idée encore plus précise de la genèse de Ghost of Tsushima et surtout de comment cela peut se traduire dans votre expérience de jeu, citons Tenchu : Stealth Assassins, grand modèle d'infiltration, ainsi que Onimusha où l'on pouvait à la fois incarner un samouraï et un assassin. C'est là toute la sympathique diversité de gameplay que vous offre Ghost of Tsushima.
Un succulent pompage du septième art

Pour qui ?

Avez-vous déjà vu... la chute de reins d'un rônin ?

En piochant le meilleur de l'open world dans des titres phares du genre, Ghost of Tsushima a de quoi attirer les regards du plus grand nombre. Ainsi, si vous avez apprécié la qualité d'écriture des quêtes d'un The Witcher 3, les tombeaux d'un Shadow of the Tomb Raider, le grappin d'un Just Cause 3, la mélancolie d'un Red Dead Redemption 2, la liberté d'approche d'un Breath of the Wild, l'intensité des batailles d'un Assassin's Creed Odyssey (d'ailleurs pour ce dernier, si vous l'avez apprécié tout court, ne vous posez pas de question : les points communs sont incalculables), il y a fort à parier que Ghost of Tsushima trouve une place de choix dans votre ludothèque. C'est encore plus évident si vous êtes en plus fan de l'histoire japonaise tant le jeu de Sucker Punch exploite méticuleusement et avec beaucoup de respect cet épisode historique de l'archipel nippon.
Réveillez le rônin errant en vous

L'anecdote

Suivez la course des feuilles mortes pour trouver votre chemin.

Dans le gameplay de Ghost of Tsushima, on retrouve un élément très important : le vent. Il va notamment vous servir à repérer la direction à prendre pour remplir votre objectif en cours. La brise se révèle ainsi un peu comme votre fil d'Ariane, une sorte de puissance divine qui vous viendrait en aide lorsque vous êtes égaré... Eh bien, savez vous comment on traduit "vent divin" en japonais ? Kamikaze. Et savez-vous à quand remontent les premières utilisations de ce mot emblématique ? Les invasions mongoles du Japon.
Dès que le vent soufflera...
Les Plus
  • Un scénario soigné avec des vraies belles et bonnes séquences
  • Une direction artistique éblouissante
  • Une version française impeccable
  • L'utilisation malicieuse et majestueuse du vent
  • Un aspect infiltration parfaitement travaillé
  • Des duels épiques
  • Des missions secondaires de grande tenue
Les Moins
  • Une première heure sans surprise
Résultat

Avec Ghost of Tsushima, vous aurez du mal à lâcher votre tsuka. Si bien que vous en garderez une empreinte indélébile au creux de la main. Sucker Punch exploite à merveille les ficelles de l'open world, en piochant logiquement dans les meilleurs représentants du genre, tout en lui insufflant une âme "samouraïesque" comme on en voit rarement. L'action est motivante, l'écriture joliment maîtrisée, les environnements confondants de beauté et les subtilités souvent émouvantes. Bref, c'est avec une classe incroyable que Ghost of Tsushima clôture la ludothèque exclusive à la PlayStation 4.

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