Destin d'un jeu culte
- Éditeur Square Enix
- Développeur Square Enix
- Sortie initiale 10 avr. 2020
- Genre Rôle
De ces dix dernières années, Final Fantasy VII Remake est probablement le projet le plus ambitieux. Il s'agit certes du remake d'un titre culte de la PlayStation, mais surtout d'une œuvre qui devrait nous permettre d'observer 20 ans d'évolution du jeu vidéo. Refaire Final Fantasy VII, c'est effectivement le moderniser, embrasser une frange du jeu vidéo actuel, et ce tout en risquant fortement de se mettre à dos des joueurs souvent (trop) nostalgiques. De plus, le titre avait également pour mission de rattraper un fiasco intitulé Final Fantasy XV. Autant dire que seul un héros avec une épée aussi grande que lui pouvait espérer accomplir un tel objectif.
L'histoire
Le jeu débute tandis que le héros effectue une mission pour une faction du groupe terroriste Avalanche, menée par un noir très costaud appelé Barrett Wallace. L'objectif ? Détruire un réacteur mako de la ville de Midgar, et ainsi mettre à mal l'entreprise régissant la ville. Cloud est un mercenaire et il fait donc cela uniquement pour l'argent. Barrett et ses camarades terroristes sont pour leur part animés par des convictions : la mako est l'énergie fournissant à Midgar sa puissance, mais anéantissant peu à peu la planète qu'il faut sauver.
Autant vous dire qu'en plus de deux décennies, le discours de Final Fantasy VII Remake est toujours d'actualité. Toutefois, sachez que le titre a la bonne idée de revisiter entièrement le premier pan du titre d'origine. Comprendre que des personnages autrefois anecdotiques se retrouvent développés, des enjeux sont ajoutés, des changements sont opérés et la narration est grandement fluidifiée. En effet, Tetsuya Nomura et ses équipes ont ajouté de nombreux inserts, flashbacks ou séquences annexes.
Ce point est particulièrement important car il donne énormément de corps à ce remake (enfin en théorie, car nous verrons plus tard que rien n'est si simple...). Aussi culte Final Fantasy VII est-il, il simplifiait parfois outrageusement la psychologie de ses personnages (ainsi que leurs émotions et leurs actions). Un énorme travail a été fait sur cet aspect afin de rendre l'univers plus crédible que jamais. Rien que pour cette approche, Final Fantasy VII Remake est déjà presque indispensable pour les fans du jeu de 1997.
Les graphismes
Le nouveau traitement de Wedge, Biggs et Jessie est particulièrement réussi. Surtout au début.
Tout cela est accompagné d'un détail loin d'être anodin : l'échelle de l'univers que parcourt le joueur dans la peau de Cloud. Rares sont les titres à avoir déployé une démesure aussi crédible. Il faut traverser certains décors pour se rendre compte du travail effectué, puisque tout est ici à hauteur d'homme. L'un des exemples parlant est l'église où le héros rencontre la jolie Aerith, et qui brille par la vraisemblance de sa structure. Même ses bancs semblent conçus dans des proportions réalistes. Ce soin du détail se voit absolument partout et – comme nous le verrons dans la section anecdote – cela augure des choses incroyables pour les suites du jeu, mais également en vue d'éventuels portages.
Mais ce n'est pas tout. Si le jeu surpasse Advent Children, c'est parce qu'il s'apparente – dans ses moments forts – à un véritable film d'animation. C'est aussi de ce côté que lorgne le projet de Nomura. Cela vaut bien sûr pour des scènes d'action parfois incroyables et relevant de la démonstration technique (le final d'une course-poursuite à moto, les combats contre les boss, le dénouement, etc.), mais surtout pour les expressions faciales des personnages permettant d'entrevoir leurs émotions comme rarement. De ce fait, chaque modèle, autrefois secondaire voire anecdotique, gagne grandement en intérêt. Que ce soit en buvant un verre avec la magnifique Tifa au bar Le Septième Ciel, en affrontant un SOLDAT exubérant ou encore en faisant des missions en compagnie de Jessie, Wedge et Biggs, chaque cinématique et action du joueur devient plus profonde que jamais.
Le son
C'est assez dingue, n'est-ce pas ?
Mais ce n'est peut-être pas le principal : n'en déplaise à ceux qui font des voix originales une question de principe, le doublage français s'avère être globalement fort convaincant, renforçant au passage le côté film d'animation de l'ensemble. En effet, le vrai avantage de ce choix réside dans le fait de pouvoir observer, le plus naturellement du monde, chaque partie de l'écran sans avoir à se soucier des sous-titres. Si nous n'avions qu'un conseil à vous donner, ce serait de lancer l'expérience dans cette configuration. Après deux heures de jeu, on imagine mal comment vous pourriez avoir envie de revenir à la lecture.
Le principe
Observez l'émotion qui se dégage des yeux de Tifa. L'excellent doublage renforce son caractère.
D'une manière générale, dans ses temps forts, Final Fantasy VII Remake met en exergue les choix audacieux de Final Fantasy XIII en 2009, puisque le level design du jeu de 2020 peut alors être vu comme un prolongement de celui d'un des épisodes les plus controversé (à tort) de la série. Jusqu'à ce qu'il vous laisse libre à partir des deux tiers de l'aventure, Final Fantasy VII Remake ne vous fait presque jamais revenir sur vos pas, et l'expérience ne se repose quasiment jamais sur du contenu superflu ou autre. Durant les phases les plus réussies du jeu, chaque déplacement semble en réalité s'apparenter à un fil d'Ariane que les développeurs déploient afin de vous faire parcourir une histoire aux airs d'ascenseur émotionnel.
Il faut néanmoins mettre un gros bémol à ce constat. Celui-ci réside dans le fait que Final Fantasy VII Remake cède souvent et de manière incompréhensible aux sirènes du jeu vidéo conventionnel, ce qui lui donne presque l'aspect d'un pétard mouillé par moment. En effet, il est regrettable que le titre conserve parfois la notion de donjon (dans son traitement le plus absurde), avec quelques niveaux très relativement labyrinthiques. Ces passages représentent tout de même une quinzaine d'heures sur les quarante qui constituent l'aventure, mais ils tendent à sortir le joueur de son émerveillement pour le plonger dans une expérience des plus ordinaires. Dans ces moments, le titre laisse presque penser qu'un cahier des charges a été suivi afin de ménager la chèvre et le chou (autrement dit, pour ne pas trop froisser les adeptes du genre). Un constat d'autant plus agaçant que le jeu intègre des phases annexes franchement douteuses, qui laissent penser que des choses ont été bâclées. Les mini-jeux (fléchettes, tractions, danse, etc.) sont rarement amusants et ne brillent que par leur nombre, tandis qu'on se demande comment certaines idées de game design ont pu être validées (approchez-vous près d'un levier, maintenez une touche, et Cloud donnera l'impression d'attendre cinq secondes comme un idiot avant de commencer à actionner le mécanisme). Des détails qui feraient presque penser que Final Fantasy XV n'était pas qu'une erreur de parcours portée par Hajime Tabata. Et on ne croit pas si bien dire puisque, sans nous attarder sur le sujet, des soucis presque identiques sont présents sur les deux jeux.
Les combats sont à la fois survoltés et accessibles... et les effets visuels sont au rendez-vous !
Côté équipement, il vous est possible d'acquérir de nouvelles armes qui s'améliorent à travers un arbre de compétences classique et efficace. Au final, les affrontement brillent avant tout grâce à deux choses. Premièrement, l'aisance et le dynamisme de l'ensemble, le joueur martelant des touches pour asséner des coups comme dans un jeu d'action, puis sélectionnant des compétences lorsque des portions de sa jauge ATB (bien connue des fans de la série et qui se remplit au fil du temps) sont accessibles. L'autre bonne idée réside dans le fait de pouvoir changer de personnage, mais aussi d'accéder directement aux commandes des coéquipiers lorsque ces derniers peuvent lancer des attaques spéciales.
Sans en dire plus et histoire de ne pas gâcher de surprise, les combats contre les boss – et notamment les derniers – constituent probablement les meilleurs affrontements du jeu. D'ailleurs, la conclusion de l'aventure est maligne (une habitude avec Nomura) en plus d'être diablement impressionnante, rattrapant à elle seule une quinzaine d'heures de galère ludique – et peut-être scénaristique. Vous pourrez reprocher à Final Fantasy VII Remake son côté rébarbatif, poussif et même franchement ringard par endroit, mais certainement pas de ne pas avoir soigné son entrée et sa sortie. Une bonne chose, qui à elle seule justifie la note de ce test.
L'anecdote
Le travail sur les échelles : Cloud ouvre toutes les batteries d'un robot pour récupérer des pièces.
- Des premières heures et une conclusion absolument époustouflantes
- Des partis pris d'écriture vraiment malins
- Des personnages attachants
- Un gameplay profond et survolté
- Des boss globalement réussis, voire très réussis
- Le level design des dix premières heures
- Parfois impressionnant esthétiquement
- Le doublage français
- Un ventre mou ringard et fait de choix incompréhensibles
- Deux ou trois passages cultes presque massacrés, ou du moins loin de nos attentes
- Un New Game + absurde (obligation de choisir son chapitre et de se retaper la progression)
- Parfois un peu quelconque graphiquement
Final Fantasy VII Remake est un jeu à deux visages. Nous pourrions nous attarder sur ses nombreux défauts qui constituent quand même, si ce n'est plus, un bon tiers de l'aventure. Ce ventre mou rappelle alors le côté bancal d'un Final Fantasy XV qui avait pâti d'une gestation infernale. Autant dire que, d'un certain point de vue, ce remake réhabilite presque le jeu de 2016 en rappelant que l'histoire (celle d'un Hajime Tabata ayant massacré le travail de Tetsuya Nomura) n'était peut-être pas aussi simple que nous le pensions. Toutefois, ce serait omettre quelque chose qui change la donne : le début et la fin de Final Fantasy VII Remake font partie des meilleurs moments de jeu vidéo. Sans entrer dans les détails pour préserver la surprise : l'aspect méta du jeu réside dans sa conscience totale d'être un remake, et plus particulièrement dans le fait d'être – pendant la majeure partie de l'aventure – l'objet que beaucoup de joueurs ont tant espéré, tout en se libérant de cette condition par son final explosif. Ainsi et comme souvent, Nomura joue avec le temps. Final Fantasy VII Remake est bel et bien le jeu que tous les adeptes ont fantasmé pendant près de deux décennies. Toutefois, le fait de se libérer de ce rôle à la fin de l'épisode va permettre aux autres épisodes de conserver leur intérêt. Remake, lui, restera pour sa part l'objet méta que l'on a aujourd'hui, formidable relecture – quasi religieuse – d'un classique, mais ayant le culot de dire stop. Soyons clair : on ne voit pas comment les suites pourront dépasser une démarche aussi atypique, mais accordons-nous le droit d'espérer... encore.