Evangelion est une série animée pré-apocalyptique qui fascine. Si pour beaucoup elle représente un classique, pour certaines personnes (comme moi) la découverte n'est que récente. Une fois la claque visuelle digérée, c'est dans les niveaux de lecture aussi nombreux que les couches d'un oignon qu'il est passionnant de se plonger. Et pour donner de l'épaisseur à tout cela, Virginie Nebbia nous propose de plonger avec elle dans l'univers de Hideaki Anno, le créateur d'Evangelion. Otaku surdoué et passionné par les animés, son chemin avant la création d'Evangelion est semé d'opportunités autant que d'embûches. L'œuvre d'une vie, voilà un titre parfait pour ce que représente Evangelion pour Anno, et l'occasion pour nous d'y plonger tel un entry plug inséré dans une EVA.
La troisième Évangile ?
Plus vous avancez dans la lecture, plus vous vous inquiétez légitimement de la santé de l'autrice, Virginie Nebbia, qui semble avoir réalisé le sacrifice que beaucoup de profanes n'ont jamais osé imaginer. Comment est-ce possible d'accumuler autant d'information, de connaissances, sur la série Evangelion, pour ensuite les articuler de manière aussi fluide, aussi intéressante et s'ouvrir ensuite à l'exercice périlleux mais maîtrisé de l'analyse de l'œuvre ? Dans cet impressionnant ouvrage, Virginie Nebbia vous guide donc dans l'univers intriqué, chaotique, de la série portée par l'éternel insatisfait Anno et réalisée par le studio d'otakus Gainax.
Si comme beaucoup de monde vous avez simplement vu la série, le premier chapitre du livre revient sur toute l'histoire de ces gens (et notamment d'Anno) qui a permis la simple existence de la série. Jusqu'à expliciter l'incompréhensible imbroglio de versions : director's cut, sorties cinéma, DVD, revues et corrigées, etc. Une fois les bases posées, mais indispensables pour commencer à cerner ce que la série a voulu nous raconter, c'est un autre pan qui s'ouvre à vous : les sources d'inspiration. Et là, sortez votre carnet et votre crayon, car vous allez noter à la pelle des noms de séries, films, mangas, pour aller voir un aperçu de ce qui gravite dans l'esprit torturé d'Anno.
Oraison, lectures, homélie, eucharistie
Le chapitre 3 dédié à une tentative d'analyse est le morceau que votre cerveau livré à lui-même vous réclamait depuis tout ce temps. Virginie Nebbia essaye de combler des vides, en s'appuyant sur la masse de données qu'elle a rassemblées, et vous les accueillez les synapses ouvertes. Une incohérence vous chagrinait ? C'en n'était peut-être pas une... Ce personnage évolue très (trop) fortement d'un épisode à l'autre ? Tout s'explique par la manière dont la série a été produite, avec des projections intermédiaires et les recueils du public... Bref, sans rien dévoiler ici, que ça soit pour la série originelle ou sa version revue et corrigée en profondeur sortie ensuite, rien n'est laissé au hasard dans cet ouvrage. De quoi combler l'indicible vide que laisse Evangelion à la fin de son premier visionnage.
Les voies de Anno sont impénétrables
La lecture de La saga Evangelion : l'œuvre d'une vie est une bénédiction. Enfin ! vous n'êtes plus seul : oui, la série est un gros foutoir que personne ne comprend vraiment, c'est normal. Oui, il y a moyen de se perdre avec toutes les versions, les changements radicaux de direction en cours de route, la fin rajoutée, et en plus un reboot total de la série avec autant de similitudes que de disparités. Et rassurez-vous, l'autrice a conscience de ce joyeux bordel et prend soin de dénouer les nœuds un par un. Anno ne savait pas où aller lorsqu'il a démarré Evangelion, ou en tout cas, ne semblait pas le montrer. Il a suivi une méthode d'embranchements, choisissant pour chaque épisode celui qui lui plaisait le mieux, sans avoir de vue toute tracée sur les étapes. Ce qui justifie beaucoup de choses côté scénario, mais explique également tant de créativité et d'inventivité au fil des épisodes. Et malgré son imaginaire profondément inspiré de la culture judéo-chrétienne, tout cela n'est qu'un insouciant mélange : il n'y a pas de culture chrétienne au Japon donc Anno s'est dit yolo sur les références. Il ne pensait pas que la série sortirait des frontières japonaises, il voulait surtout se démarquer des animes de robots de l'époque. Tout bêtement. Manque de pot, les Français sont parmi les plus grands fans d'Evangelion à l'étranger, et parmi eux il y a Virginie Nebbia.
Votre future bible de chevet
Pour lire La saga Evangelion – l'œuvre d'une vie, il est recommandé voire indispensable d'avoir vu la série au moins une fois. Impossible de ne pas vouloir replonger dans les épisodes au fil de la lecture, tant Virginie Nebbia nous embarque avec elle dans cet univers aussi nébuleux qu'hypnotisant. Third Éditions édite une nouvelle fois un passionnant ouvrage qui ravira les otakus francophones comme les simples curieux épris de détails et d'archéologie des œuvres. À quand, cependant, une version visuellement augmentée de images issus de la série ? Quoi, après tout, ça serait rendre hommage à l'éternelle évolution d'une œuvre façon Anno !
