Test | Medieval: Total War
25 août 2002

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Medieval: Total War

Après un Shogun qui nous avait mis en appétit, voilà que la suite débarque avec encore plus de possibilités tactiques. Autant dire que les petits nouveaux qui se jetteraient avidement sur ce jeu de stratégie pure dénué de toute gestion de ressources vont devoir prendre des cours de rattrapage vite fait. Car même si Medieval: Total War est relativement accessible, la richesse de ses possibilités tactiques et de ses modes de jeu a de quoi donner le vertige.

Pour se mettre en jambe

Histoire de ne pas trop patouiller au départ, mieux vaut sagement opter pour l'excellent tutorial du jeu. Celui-ci propose de se familiariser avec les deux jeux en un de Medieval: Total War, à savoir la partie gestion sur une carte bien austère, et évidemment le véritable coeur du jeu, les batailles. Ce qui est amusant avec Medieval: Total War comme avec son illustre prédécesseur, c'est que les batailles épiques sont tout-à-fait facultatives. Une touche miraculeuse permet d'éviter de gérer soi-même les batailles, l'ordinateur déclarant automatiquement le vainqueur en fonction des forces en présence. Même si l'ordinateur ne triche jamais, mieux vaut quand même profiter du tutorial pour apprendre les différentes formations et pour découvrir l'importance du relief. Parce que mine de rien, déplacer des pions sur une carte au tour par tour sans jamais voir le sang gicler, c'est tout de même bien frustrant.

Un peu de gestion

Dans Medieval: Total War, la gestion est limitée à une carte qui montre les territoires conquis et les ennemis alentour. A partir de cette carte, il est possible de construire des forteresses, d'enrôler des soldats et de les former, de grouper ses troupes et bien sûr de déclencher joyeusement un bon gros raid sur les fortifications ennemies. C'est également sur cette carte que l'on opère quelques replis stratégiques lorsque les forces ennemies sont vraiment trop nombreuses, dans l'espoir un peu lâche de pouvoir contre-attaquer plus tard. Le tutorial est assez rapide en ce qui concerne cette partie du jeu et c'est bien normal car c'est la plus simple. Rien à voir avec la série des Heroes of Might & Magic, pas d'upgrades comme dans les derniers jeux de stratégie classiques, ici le nombre de possibilités est assez réduit. Même s'il faut réfléchir un minimum, les solutions à un problème donné sont généralement très réduites, nuisant à la liberté de jeu et à l'immersion. Il faut dire qu'on commence toujours avec trois fois rien comme armée, ce qui ne facilite pas trop les invasions.

Plus de tripes, plus de gloire

En ce qui concerne les batailles en revanche, le tutorial est beaucoup plus long. Là, il faut digérer une masse plus conséquente de données et surtout de raccourcis-claviers, qui sont sans surprise les clefs de la victoire dès que la difficulté se corse un peu. Il faut retenir au départ que les collines offrent un avantage énorme, que les bosquets servent à planquer les fantassins pour leur faire bénéficier d'un bonus d'attaque contre les cavaliers et que les archers, les unités les plus puissantes et les plus vulnérables, doivent être sévèrement protégés. L'ennemi, ce fourbe, cherche toujours à les massacrer, notamment avec ses cavaliers, pour opérer une percée. C'est d'ailleurs tellement systématique que cela gâche un peu le plaisir de jeu, l'IA fonçant toujours tête baissée dessus comme la carpe sur le ver qui se tortille au bout d'un hameçon. Avec l'expérience, c'est-à-dire dès la fin du tutorial, le joueur négligent apprend également à bien estimer la portée des armes de jet ennemies, histoire de ne pas bêtement faire manoeuvrer ses troupes sous une pluie de flèches. Ensuite, c'est l'heure d'aller goûter aux autres modes de jeu et notamment à la campagne, le plat de résistance.

Maître du monde !

La campagne commence en 1095 et s'achève en 1453 avec la chute de Constantinople. Entre les deux, le joueur persévérant aura eu la chance de participer aux Croisades et de faire mumuse avec la jouvencelle la plus célèbre de France, la fameuse Jeanne d'Arc (tout ceux qui ont répondu Amélie Poulain sont bons pour aller potasser leurs livres d'histoire). Au travers de quelques personnalités fortes, la campagne bien fignolée permet de revivre quelques grandes batailles et surtout de renverser le cours de l'Histoire (laissez tomber les livres finalement) en gagnant là où certaines grandes figures auraient du perdre. La campagne est sympa mais il faut bien dire que les développeurs ne savent pas raconter des histoires. Après la cinématique de départ, plutôt réussie, il faut supporter de longs textes fastidieux qui présentent vaguement le contexte de façon bien monacale. Ca manque de cinématiques, soit en 3D, soit avec de belles images illustrées par exemple. Et quitte à se la jouer encyclopédie noir et blanc, les développeurs auraient pu penser à ajouter pour ceux qui le veulent davantage de précisions sur les héros, histoire que le joueur lambda ne meurt pas idiot. Il faut bien s'en rendre compte, Medieval: Total War est taillé à la serpe et manque beaucoup de raffinements, qu'il s'agisse de l'interface ou hélas de la réalisation technique. Un bon gros jeu PC à l'américaine en somme, sans ce soucis du détail dont raffolent les japonais et qui donne souvent à leurs jeux une véritable impression de vie.

Moulé à l'ancienne...

L'embêtant avec cette rigueur toute monacale, c'est qu'elle brise aussi les reins de la réalisation globale. Encore, si seules les cinématiques avaient été sobres, le testeur indulgent aurait pu pardonner. Mais là, les graphismes datent quand même d'il y a deux ans. Sans surprise, les conflits se déroulent toujours sur un champ de bataille en 3D assez réussi mais peuplé d'unités en 2D. Certes, la profondeur de champ est excellente et oui, avec 10000 unités présentes simultanément à l'écran, l'animation aurait pris un sérieux coup dans le bide. Réinstallez Warrior Kings si vous avez un doute... Mais ce n'était pas une raison pour garder des sprites aussi grossiers et comble de l'horreur, tous animés de la même façon ! Quand vingt cavaliers partent au galop, ils commencent tous la même animation en même temps, ce qui produit un effet très comique. Il suffit de jouer avec l'accélération du temps et de mettre en fond le générique de Benny Hill pour comprendre le côté risible de l'animation. La bande-son est à l'avenant avec quelques malheureux bruitages qui passent en boucle. Bref, si les terrains de jeux n'étaient pas aussi variés avec du sable, de la neige et des prairies herbeuses so british, le tout aurait été affreusement répétitif et monotone, rien qu'à cause de la réalisation technique.

... mais avec amour

Heureusement, ce qui sauve miraculeusement Medieval: Total War du bûcher, c'est un ajout de taille au premier opus : les châteaux forts. Ah, les châteaux forts... ! Au début, la tâche paraît insurmontable à cause des épaisses murailles, des archers juchés dessus et des tours qui balancent allègrement des rasades de boulets aux téméraires justement un peu trop téméraires. C'est là qu'il faut avoir pensé lors des phases de gestion à la création d'armes de siège, sous peine de devoir reprendre une sauvegarde antérieure. Mais ce qui est vraiment excellent, c'est que ces armes de siège n'assurent absolument pas la victoire. D'abord parce que les assiégés n'hésitent pas à tenter des sorties pour les attaquer, les bougres de petits malins. Ensuite parce qu'une fois les murs détruits il faut prendre son courage à deux mains et se ruer dans la brèche. Ce n'est pas bien évident mais c'est justement un grand moment d'extase ludique. Détail amusant, après avoir joué les assaillants,il est toujours possible de jouer les assiégés... Pour ça, il suffit de piocher dans les campagnes ou directement dans les batailles historiques, de se mijoter soi-même sa propre bataille en définissant les paramètres ou même de créer une carte avec l'éditeur intégré en décidant du moindre relief ! Le nombre de batailles intégrées est tout simplement hallucinant et laisse augurer une bien belle durée de vie pour les plus persévérants.

Les petits plus

Outre la campagne, le jeu propose aussi des batailles historiques fidèlement reproduites, très intéressantes et très formatrices. Tous les cas de figure y passent, depuis le pont qui sépare deux armées jusqu'aux châteaux forts à prendre ou à sauver. La partie Multijoueur est excellente aussi, elle permet d'acheter des bataillons après avoir défini le montant d'argent pour chaque joueur et les époques disponibles. C'est que sur trois siècles les armes évoluent et qu'à la fin les mousquets remplacent les archers. Les petits plaisantins pourront toujours faire s'affronter deux armées de deux époques différentes mais en sachant que la plus récente l'emporte presque systématiquement. Tout ces petits détails rendent Medieval: Total War très sympathique, malgré ses graves lacunes. Techniquement très en retard, le jeu n'est pas particulièrement beau, surtout comparé à un Ground Control qui pourtant n'est déjà plus tout récent. Même si cela lui permet de pavoiser sur de petites configurations, voilà qui laisse un méchant creux. Et surtout, l'intérêt s'étiole au fil des parties, dès qu'on a goûté aux joies des sièges, soit quand même après une bonne quinzaine d'heures grand minimum.
Les Plus
  • 10000 unités qui se tapent dessus
  • Les sièges, anthologiques
  • Une vraie richesse stratégique
  • Une quantité industrielle de modes de jeu
  • La durée de vie énorme si on ne se lasse pas
  • Jouable même sur des configurations moyennes
Les Moins
  • La réalisation date sacrément
  • Ca devient répétitif à la longue
  • L'IA un peu bébête
  • Le manque de fignolages, de mises en scène
Résultat

Les situations se répètent après ça, les batailles se ressemblent, même si les décors et les époques changent. A la réflexion, c'est un peu aussi la faute de l'IA qui adopte toujours les mêmes comportements. Les armées ennemies se jettent systématiquement sur les hauteurs et y campent ensuite misérablement. Le genre d'attitude qui vaudrait à l'IA de se faire éjecter d'une partie de Counter-Strike. A moins d'exposer volontairement (et traîtreusement) un flanc, l'IA n'opère pas de grands mouvements de troupes. Trop prévisible, elle fait penser à ces IA sommaires de jeux d'échec portables qui bouffent avidement toutes les pièces qu'on leur agite sous le nez, quitte à être échec et mat au tour suivant. Toutefois, avant d'en arriver à remarquer ces limites, Medieval: Total War tient remarquablement bien la route, au point de rendre sévèrement accroc tout joueur passionné et légèrement amnésique sur les bords.

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