Coeur de Pirate
- Éditeur Shiro Games
- Développeur Shiro Games
- Sortie initiale 14 déc. 2023
- Genres Rôle, Stratégie tour par tour
« Way hay and up she rise! Way hay and up she rises! Way hay and up she rises! Early in the morning ». Si vous commencez à chantonner en rythme et que votre langue sèche réclame du rhum, c'est que vous êtes prêt à mettre en wishlist Pirates of Belerion, l'excellent DLC du redoutable Wartales. Oui, ce DLC coûte presque aussi cher que le jeu de base, nécessaire pour le faire tourner. Oui, il vaut chaque écu demandé. Asseyez-vous sur le pont, matelot, poussez notre sanglier promu Lieutenant, et écoutez Inghad raconter les glorieux débuts du gang des Claque-Marauds.
L'histoire
Aucune décision n'est bonne dans ce jeu de survie – chaque marche, chaque jour entame vos réserves de nourriture et votre bourse. Le ventre vide, les poches vides, vos compagnons d'un jour peuvent décider d'abandonner le groupe. Et qui vous défendra alors si vous tombez sur une meute de loups au détour d'une forêt ? Avoir des grands principes chevaleresques c'est bien, mais manger à sa faim le soir c'est mieux. Alors parfois, il faut penser à vos compagnons d'infortune pour survivre une journée de plus. Abattre la femme qui demandait le gîte à un propriétaire buté, moyennant finances. Bref, embrasser la main que vous auriez préféré couper.
Le principe
La piraterie renouvelle complètement le look et le gameplay.
Plus vous explorez, combattez et aidez (ou décimez) la population locale, plus vous gagnez en prestige. Vous grimpez régulièrement dans le classement des Seigneurs des Mers, mieux équipés que vous, et qui apparaissent sur la carte quand vos followers TikTok dépassent les leurs (en gros). Les affronter vous donne des cartes au trésor et du bon loot, comme un nouveau sabre pour votre propre Capitaine. C'est un vrai plaisir d'explorer, de tomber ici sur un châtelain suicidaire qui veut restaurer le nom de sa famille en explorant une zone mortelle, là sur une prison avec un... varan à recruter. Promu à la vigie, il poussera des grognements pour indiquer la présence de loot ou de menaces "direction sud-ouest". Oui, c'est n'importe quoi, et oui, c'est drôle. Ce jeu est souvent sordide (esclavagisme, cannibalisme, combats illégaux en arène, la liste est longue) et heureusement souvent fun (comme ce sanglier promu Lieutenant "par l'ensemble de l'équipage", et qui dort maintenant avec les matelots sur le pont).
La difficulté
Si votre attaque aérienne est un succès, vous éjectez plusieurs ennemis par-dessus bord.
Et c'est là que ce DLC, comme le jeu original, offre une expérience à géométrie très variable selon deux gros critères de départ : la difficulté choisie, et la mise à l'échelle ou pas du niveau des ennemis. Si vous partez sur un jeu trop facile, l'intelligence artificielle n'offre aucun challenge. Lors des abordages, les ennemis deux à trois fois moins nombreux n'utilisent même pas les cordes, pourtant vitales pour pousser les ennemis à l'eau. À l'inverse, dans le mode de difficulté le plus violent, ou quand vous atteignez le "end game" à partir du niveau 10, les ennemis sont capables de vous brûler, empoisonner, saigner, désarmer, etc. Parfois tout en même temps ! C'est comme ça que notre vaillant sanglier, affectueusement surnommé le Tank à cause de ses points de vie, a fini en barbecue. Surtout, si vous démarrez une nouvelle partie ou que vous attaquez directement avec le DLC, ce qui est tout à fait possible, il faut désactiver la mise à l'échelle des ennemis. Pirates of Belerion a été conçu pour les joueurs de niveau 10 ou plus, au point qu'un groupe de vulgaires varans peut croquer toute votre équipe de bleus dès la deuxième île. Avec la mise à l'échelle en revanche, ces mêmes varans font moins les malins, bloqués au même niveau que vos aventuriers du dimanche. Vous pourrez leur jeter des oursins de loin et les voir se blesser en marchant X fois dessus bêtement. Le jour et la nuit, en terme de plaisir de jeu. Le prochain mur de difficulté viendra des ennemis en armure, puis de sirènes, mais vous aurez gagné en expérience d'ici là.
Pour qui ?
Il faut souvent prendre parti avec très peu de contexte. Au risque de faire un mauvais choix...
L'anecdote
Les insultes des Seigneurs des Mers indiquent quelle attaque ou défense ils préparent.
C'est fun, très tactique quand il s'agit de récupérer un des vôtres suspendu dans le vide, et cela renouvelle considérablement les combats avec des planches d'abordage étroites et donc hyper dangereuses (en tout cas quand l'IA n'est pas bridée par un niveau de difficulté trop bas). Le clou ? Aborder un Seigneur des Mers déclenche un combat à base d'insultes, vague clin d'œil à The Secret of Monkey Island. C'est un pierre-papier-ciseaux qui change un peu et qui se conclut par l'embrochage en bonne et due forme de votre rival, avant le pillage en règle de son vaisseau. Chacun d'entre eux laisse une carte au trésor, comme par exemple une île en forme de canard avec une croix – mais bon, là je pense que je me suis fait troller.
- Le sous-texte du jeu : survivre un jour de plus en meute, en essayant de garder une boussole morale
- Les mécaniques de survie bien dosées : vous n'aurez jamais assez d'or, de vivres ou de matériaux pour être serein
- Le plaisir de la découverte, avec très peu de didacticiels et de consignes – ça change des triple A simplets et pourtant ultra directifs
- La réalisation : la mer, le sable, le soleil et ces saletés de varans
- L'humour qui affleure, entre deux décisions horribles
- Une MAJ gratuite en plus du DLC avec nouvelle classe, compétences, ennemis, objets et apparences
- DLC très complexe et peu explicite : il ne faut pas avoir peur de tâtonner et de galérer un peu au début pour les nouveaux
- Les balistes c'est bien, les canons c'est mieux
Vous aimez les jeux de pirate ? Parfait, Pirates of Belerion est fait pour vous. Quel bonheur de retrouver les sensations du Sid Meier's Pirates !, ses effluves de sable et de sang chauds. Car le sang coule, et pas qu'un peu : les combats sont âpres, à la fois en mer et sur la terre ferme, tandis que le monde de Wartales reste incroyablement violent sous ses graphismes chatoyants. Certains malheureux rencontrés, certaines décisions prises, vous hanteront longtemps, même après avoir massacré le dernier Seigneur des Mers. Une victoire teintée de misère, pour un des meilleurs jeux de rôle du moment – pas seulement pour la complexité de ses mécaniques, la variété de ses situations et la solidité de sa réalisation. Mais bien pour les messages en creux qu'il fait passer. Pour ce monde magnifique et cruel où seuls les plus pragmatiques survivent.