Le masque et la prune
- Éditeur SCEE
- Développeur Polyphony Digital
- Sortie initiale 4 mars 2022
- Genres Course, Simulation
Qu'est-ce qui appartient à l'histoire de l'esprit humain ? La relation d'Héloïse et d'Abélard certes, et plus récemment Gran Turismo 7. Sa passion pour l'automobile transpire à chaque pixel, comme jadis la flamme du théologien philosophe et de celle qui devait devenir abbesse. Le revers de la médaille ? Le coût aberrant des micro-transactions.
L'histoire
Pour son 25e anniversaire, la saga montre les grandes étapes du sport auto. Les expositions universelles qui ont vu passer les prototypes les plus fous en 1900 – limités à 20 km/h en ville, un peu comme Paris de nos jours dès 17h30. Les premières courses aussi, comme la Paris-Bordeaux-Paris du 11 juin 1895. Ou encore le premier record de vitesse au-dessus de 100 km/h réalisé par Camille Jenatzy le 29 avril 1899 à Achères avec sa voiture révolutionnaire, la Jamais-Contente. Une façon pour la saga amoureuse d'inscrire son anniversaire dans la lignée des exploits de l'automobile. Et pourquoi pas, de tenter d'entrer dans l'histoire, comme Héloïse et Abélard – et comme eux, avec un parfum de scandale (voir encadré).
Le principe
Vos premières courses se font contre des Mini, Toyota AquaS, Fiat 500F et autres Volkswagen 1200.
Le gameplay
420 voitures sont à collectionner, avec des vues cockpit très bien modélisées.
À condition de jouer le jeu, quelle claque ! Le moteur physique de Gran Turismo 7 est étonnant, avec des transferts de masse incroyablement réussis. Il faut désapprendre les mauvaises habitudes prises sur les jeux arcade concurrents : un freinage tardif peut par exemple bloquer les roues et vous faire rater votre trajectoire. La gestion de la caméra, avec des soubresauts qui accentuent le travail des suspensions, joue énormément sur l'immersion. Tout comme la DualSense, très bien exploitée. Les gâchettes adaptatives et les vibrations très précises permettent de bien sentir la voiture et de lui donner une véritable inertie. Un régal. Pour les débutants, des aides à la trajectoire et au freinage sont disponibles, afin de ne laisser personne sur le carreau – aide que vous aurez sans aucun doute envie de désactiver, une fois le jeu bien pris en main. La difficulté est raide, surtout pour décrocher l'or sur les permis, mais les aides au pilotage et les vidéos explicatives sont là pour repêcher les néophytes.
Le multi
Le mode Music Rally est original. Il faut passer des checkpoints en musique !
Pire : certains modes multijoueurs proposent 10 minutes de tours de qualification et des courses quotidiennes de... 15 tours. Autant dire qu'il faut avoir du temps devant soi, et pas d'enfants dans les pattes. Les problèmes de lag et de collision sur les courses testées rendent les premiers virages extrêmement dangereux, et il n'est pas rare d'abandonner après avoir traversé un concurrent, ou avoir été tamponné au point de faire une sortie de piste. Malgré sa connexion obligatoire qui laissait espérer un épisode conçu pour le jeu en ligne, et son contenu en ligne extrêmement riche (mention spéciale aux replays et autres photos postées par les joueurs sur le réseau social du jeu), Gran Turismo 7 manque d'accessibilité face à la concurrence, même un mois après sa sortie.
Pour qui ?
Gran Turismo 7 est une lettre d'amour à l'industrie automobile, du XIXe siècle à nos jours.
L'anecdote
Certaines courses permettent de gagner 45 k crédits en 4 minutes. C'était plus avant le patch.
Et le grind dans tout ça ? Deuxième prune pour les fans, le patch 1.07 a diminué considérablement les gains distribués en fin de course – notamment les récompenses octroyées sur la Special Stage Route X, qui rapportait 30 k crédits pour un tour très rapide à boucler (moitié moins depuis la fameuse mise à jour). Patchée aussi la course Fisherman's Ranch Dirt Champions et ses 97,5 k crédits : seules des courses marathon World Touring Car 800 24H du Mans et Monza voient leurs revenus augmenter. Vu qu'il est impossible de revendre ses voitures, la grogne monte sur Metacritic où le score utilisateur est tombé à 1.8. Forçant Polyphony Digital à sortir l'extincteur « quoi qu'il en coûte » : 1 million de crédits ont été versés aux joueurs qui avaient acquis le jeu avant le 25 mars.
Est-ce que cela a gâché mon plaisir pour autant ? Pas vraiment. Peu m'importe de rouler à bord des voitures les plus chères du moment tant que je peux m'offrir une Ferrari F430, une DeLorean ou une Testarossa d'occasion sans grind excessif – des bolides qui réveillent mes souvenirs de boomer. Horripilantes sur le papier, surtout dans un jeu vendu au prix public conseillé de 80 €, les micro-transactions n'ont pas entamé mon plaisir de conduite ni mon amour d'une collection à taille humaine, à mon rythme. À vous de juger comment vous réagissez à cette situation – en gardant à l'esprit que sous la pression continue des fans et au fil des promotions estivales etc., Polyphony Digital sera peut-être amené à baisser le prix de ses packs de crédits ou de ses voitures, voire à augmenter les crédits gagnés en course – pour ceux qui veulent vraiment les bolides les plus chers.
- L'amour
- La conduite
- La réalisation
- La progression très lente
- Les micro-transactions
- Le multijoueur pas stable
Prendre ses repères sur la piste, freiner au bon moment, accélérer en sentant la résistance de la gâchette adaptative, voir la caméra bondir pour simuler la prise de vitesse, et se remettre dans l'axe pour imiter le rééquilibrage du transfert de masse... Gran Turismo 7 procure des sensations étonnantes, beaucoup plus travaillées que dans les autres jeux du genre. L'amour pour l'automobile, et pour son histoire, se ressent dans sa documentation très fournie, dans son encyclopédie mettant en valeur les constructeurs et leur passé, et pas que dans la modélisation maniaque des voitures, tant des carrosseries que des intérieurs. Certes, il y a de la friture sur la ligne : micro-transactions, panne réseau, progression très lente... C'est une expérience unique, quand elle marche.