Test | Betrayer
22 avr. 2014

La colonie perdue

Testé par sur
Betrayer

Pas facile de motiver les foules pour un énième FPS indépendant. Heureusement, Betrayer mâche le travail car il s'agit du bébé de Craig Hubbard, le lead designer de No One Lives Forever, S.H.O.G.O et F.E.A.R.. Alors à moins d'être allergique aux acronymes débiles, vous savez que ça va dépoter. Et vous avez bien raison.

L'histoire

À l'aube du XVIIème siècle, vous embarquez pour un long périple maritime depuis l'Angleterre en direction d'une colonie fraîchement établie sur la côte de Virginie. Catastrophe ! Votre navire échoue sur des récifs vous donnant le très prisé titre d'unique survivant de la traversée transatlantique. Mais c'est bientôt le cadet de vos soucis puisque l'immense colonie semble drainée de toute vie et même de toute couleur. Un fortin aux couleurs de l'Union Flag est bien là pour vous accueillir mais il n'est peuplé que par des statues de cendre sibyllines. Les immenses étendues forestières qui entourent le fort sont hantées par des conquistadors espagnols réduits à l'état de monstres sanguinaires. Pour couronner le tout, votre pauvre quidam peut à loisir voyager entre le monde physique et un monde spectral en faisant tinter une cloche. Dans cet environnement, plongé dans les ténèbres perpétuelles, il peut enquérir les âmes des morts ou se faire déchiqueter par d'horribles spectres, c'est au choix. Son seul allié dans ce monde monochrome est une sorte de petit chaperon rouge du Nouveau Monde : une archère drapée de rouge, prisonnière elle-aussi de cet étrange endroit. Qu'est-il arrivé aux colons et aux autochtones ? Quelle étrange malédiction frappe les conquistadors ? Comment sortir indemne de cette galère ? Betrayer pose beaucoup de questions mais force le joueur à trouver les réponses par lui-même. À l'exception d'un bref tutoriel, rien n'est explicitement demandé au joueur. La jeune fille en rouge et quelques spectres amicaux sont en mesure de vous donner des quêtes à accomplir mais le jeu se déroule selon votre bon vouloir.
Roanoke, c'est plus au nord

Le principe

Foncer dans le tas n'est jamais une bonne idée.

À première vue, Betrayer se présente comme un "simple" FPS en vision monochrome. Le rouge constitue la seule couleur existante et sert à indiquer les objets importants ou les ennemis se rapprochant dangereusement de votre position. Malgré la présence d'armes blanches, c'est à distance que la majorité des combats se résout. Les conquistadors corrompus cognent fort et traqueront votre piste sans répit grâce à leur odorat bestial. Silencieux et mortel, l'arc constitue votre arme principale. Hélas, son utilisation optimale nécessite de se rapprocher de l'ennemi et donc d'augmenter les chances de détection. Trois autres armes sont à votre disposition : le pistolet, le mousquet et le tomahawk. Les puissants armes à feu nécessitent un long temps de rechargement tandis que l'arme autochtone constitue une arme de secours. Le combat étant particulièrement dangereux, la furtivité est une option bienvenue. Les grandes étendues boisées de la colonie permettent d'échapper à ses adversaires et l'exploitation du vent peut dissimuler votre présence. Heureusement, à la manière de Dark Souls ou de Diablo, la mort n'est pas la fin mais vous oblige à aller récupérer vos possessions sur votre cadavre. Même dans ce no man's land, l'argent ouvre bien des portes. Histoire de rééquilibrer les chances, un drôle de marchand propose moyennant finances de vous fournir de meilleures armes ainsi que de nombreux grigris. Étonnamment, tout ce qui vient d'être énoncer jusqu'ici est secondaire, voire trivial quand à l'essence de Betrayer. Il s'agit avant tout d'un jeu d'aventure. Ici, pas de puzzles compliqués mais bien une volonté de déchiffrer la narration en trouvant des indices dissimulés à travers les sept larges zones du jeu. Exhumer des objets précieux, faire du spiritisme avec des colons décédés, reconstituer des notes éparpillées aux quatre vents, voilà le cœur du jeu. Si l'habillage champêtre rappelle la liberté d'un Elder Scrolls, le cœur lui chavire plutôt du côté d'un S.T.A.L.K.E.R. indé ou d'un Pathologic. L'univers reste hostile mais l'affrontement n'est pas la finalité, ni même la course à la puissance.
Le nom de la flèche est vie, son œuvre est mort

Pour qui ?

De rares dialogues viendront perturber le flot de l'aventure.

Une question fatidique se pose donc pour le lecteur : dois-je acheter un jeu qui se présente comme un FPS mais n'en est pas vraiment un ? Il est difficile de répondre à cette question d'autant plus que Betrayer n'est pas exempt de défauts. Petite équipe oblige (six personnes sur trois ans), le jeu possède un charme mal-dégrossi. Le combat est en dents de scie, la faute à un manque d'indications notables. Parfois l'ennemi vous voit à 10 km, parfois non. Le concept de FPS/aventure n'est pas pour tout le monde et l'émerveillement tourne parfois à l'ennui. C'est la malédiction du jeu indépendant : les développeurs expérimentent à plein régime mais le rendu final est bien moins propre qu'une production avec suivi éditeur. Le joueur ayant acheté Betrayer en Early Access risque lui aussi de se poser des questions. Toutefois, le prix modique, la fabuleuse direction artistique et l'originalité du contexte sont trois arguments de poids pour tout amateur de FPS expérimentaux. Monolith a longtemps repoussé les limites du genre sur la narration et Betrayer n'échappe pas à la règle. Si vous avez aimé leurs jeux de la grande époque tels que F.E.A.R. ou No One Lives Forever, alors foncez.
À vot' bon cœur, messieurs dames

L'anecdote

Le monde des esprits est lui aussi profondément hostile.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la vue n'est qu'un sens parmi d'autres dans Betrayer. Les ennemis peuvent vous sentir, les bourrasques soulèvent les herbes folles et votre ouïe sera sollicitée en permanence. En appuyant sur la touche X, il possible d'entendre les émanations surnaturelles aux alentours et donc de détecter monstres, trésors et indices. Une chouette idée tirée elle-même d'un jeu sous-estimé encore plus chouette : Clive Barker's Undying.
The Sentinel
Les Plus
  • Un déroulement complètement libre
  • L'ambiance hallucinante
  • Une trame narrative envoutante
  • La direction artistique
Les Moins
  • Définitivement un jeu de niche
  • Le système de combat mal-dégrossi
  • Le sentiment d'avoir un jeu incomplet
Résultat

Betrayer est un FPS original mettant l'accent sur une ambiance horrifico-onirique et misant le dépaysement total par son cadre à la Fenimore Cooper. Non content de proposer une expérience originale, le bébé de Blackpowder Games propose un vrai gameplay et quelques bonnes idées. Mais comme Cryostasis ou Pathologic, le problème se situe dans la démarcation entre liberté et ennui que plus d'un joueur franchira. Selon les points de vue, Betrayer est avant tout un jeu de niche soporifique sorti trop vite ou à l'inverse une aventure envoûtante dans une colonie nord-américaine hantée.

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