Entretien avec Aurélien Regard
The Next Penelope aura été l'une des bonnes surprises indépendantes du début 2015. Aurélien Regard, le créateur du jeu et cofondateur du studio Arkédo, s'est prêté au jeu des questions-réponses pour nous présenter l'envers du décor de la création d'un jeu en solo.
"J'aime beaucoup Ulysse 31, mais j'imagine que ça se voit."
D'où est venu l'idée de The Next Penelope ? Le projet a-t-il germé durant l'époque Arkédo ?
Aurélien RegardJuste après Arkedo, en 2012 ! À l'époque il y avait beaucoup de jeux de petites voitures très gris, très génériques qui débarquaient sur Steam, et du coup ça m'a donné envie d'essayer d'apporter quelque chose d'un peu différent à la formule. Je voulais égayer tout ça avec des couleurs et un feeling de jeu plus proche de la ludothèque PC Engine que des standards PC que je voyais à cette époque. Et puis bien sûr, j'aime beaucoup Ulysse 31, mais ça j'imagine que ça se voit sans le dire.
- Séquences de jeu de The Next Penelope –
Le jeu allie course à la MicroMachines et Shoot them up. Avez-vous hésité avant d'utiliser ce mélange des genres ? Des doutes vis-à-vis de ce choix ?
A.R.Je n'ai pas hésité, par contre j'ai beaucoup jeté. Il y a pas mal d'idées qui sont cools sur le papier, et que la vue du dessus rend finalement désagréables dans les faits. À l'inverse, d'autres mécaniques profitent énormément de cette vue top down, comme les mines vampires ou le curseur du teleport, beaucoup plus simples à placer que dans un jeu 3D puisqu'on voit tout autour de son véhicule. Du coup, c'était très intéressant d'un point de vue création, il a fallu réfléchir un peu plus que d'habitude sur tout ça.
Avez-vous tenté d'intégrer d'autres figures mythologiques pour faire office de boss de fin de galaxie ?
A.R.À une époque, il y avait une place pour Télémaque et pour la Méduse. Mais ils sont fait partie de ces fameuses idées réalisées mais "coupées au montage" car trop bordéliques à l'écran. Il y a beaucoup de mécaniques différentes dans le jeu, il était important de couper celles qui ajoutaient de la confusion, pour se concentrer sur celles qui amènent vraiment quelque chose.
"La plus grande difficulté, c'est sûrement de ne pas devenir fou."
Aurélien Regard à l'époque d'Arkedo, entouré de toute l'équipe du studio.
La direction artistique est extrêmement colorée et la vitesse est bien évidemment de mise. Comment avezvous assuré une lisibilité permanente au joueur dans cet environnement ?
A.R.Les formes sont le plus caricaturales possibles pour les éléments importants. Des bouts de décors vont être détaillés, mais les vaisseaux, les armes, les boosts sur la piste, tout est très géométriques. Du coup, inconsciemment, le joueur associe ce qui est net, géométrique, coloré au gameplay et ce qui est flou, moins saturé et les formes plus molles aux décors ou autre.
On entend souvent parler de Unity ou GameMaker mais vous avez fait le choix d'un autre moteur : Construct 2. Pouvez-vous nous en dire plus sur ses avantages ?
A.R.J'aime beaucoup Unity et Gamemaker, d'ailleurs The Next Penelope a commencé sur ce dernier pendant quatre mois avant de passer à Construct2. Je joue de temps en temps avec Unity pour le plaisir également.
Construct 2 est un outil un peu amateur comparé à ces deux autres, mais plein de charme et surtout très rapide, les choses en sortent très vite. C'est beaucoup plus fluide et intuitif que les autres moteurs. Dès qu'on me l'a montré, je me suis amusé comme un fou avec, et j'ai décidé de faire la transition. Quitte à passer deux ans et demi à faire ton jeu 15 heures par jour, 7 jours sur 7, autant y prendre du plaisir au lieu de chercher uniquement l'outil qui a le plus de features. Je sais utiliser d'autres moteurs, mais Constuct 2 est un peu comme un meilleur ami. Il est un peu con parfois, mais j'ai un truc spécial avec lui qui fait que tout coule de source quand on travaille ensemble. On se comprend et on rigole bien !
Construct 2 est un outil un peu amateur comparé à ces deux autres, mais plein de charme et surtout très rapide, les choses en sortent très vite. C'est beaucoup plus fluide et intuitif que les autres moteurs. Dès qu'on me l'a montré, je me suis amusé comme un fou avec, et j'ai décidé de faire la transition. Quitte à passer deux ans et demi à faire ton jeu 15 heures par jour, 7 jours sur 7, autant y prendre du plaisir au lieu de chercher uniquement l'outil qui a le plus de features. Je sais utiliser d'autres moteurs, mais Constuct 2 est un peu comme un meilleur ami. Il est un peu con parfois, mais j'ai un truc spécial avec lui qui fait que tout coule de source quand on travaille ensemble. On se comprend et on rigole bien !
- Séquences de jeu de The Next Penelope –
Avez-vous eu la tentation du financement participatif ? Quelles ont été les plus grandes difficultés rencontrées durant la production ?
A.R.Pas de tentation non, même maintenant que Kickstarter arrive en France. En étant seul, je coûte très peu cher, je n'ai pas envie d'embêter les gens avec ça alors qu'il me suffit de faire des jobs à mi-temps à côté quand je manque d'argent, ce qui est arrivé souvent pendant la production de The Next Penelope.
La plus grande difficulté, c'est sûrement de ne pas devenir fou. Peu de gens peuvent imaginer ce que ça représente de passer autant de temps sur un projet sans avoir le bouclier que représente une équipe. Je suis ravi de l'avoir fait, mais il y a des choses auxquelles on ne pense pas en se lançant, et qui rendent un peu dingo. Savoir prendre l'air est vital, et pourtant au quotidien c'est quasi impossible de trouver le temps de penser à autre chose que son projet : finalement toute ta vie tourne autour de ça temporairement. Ce n'est pas très sain, et ça a été parfois un peu difficile. Et puis, un jour tu reçois un message de quelqu'un qui s'amuse bien avec ton jeu, et là le moral repart de plus belle !
La plus grande difficulté, c'est sûrement de ne pas devenir fou. Peu de gens peuvent imaginer ce que ça représente de passer autant de temps sur un projet sans avoir le bouclier que représente une équipe. Je suis ravi de l'avoir fait, mais il y a des choses auxquelles on ne pense pas en se lançant, et qui rendent un peu dingo. Savoir prendre l'air est vital, et pourtant au quotidien c'est quasi impossible de trouver le temps de penser à autre chose que son projet : finalement toute ta vie tourne autour de ça temporairement. Ce n'est pas très sain, et ça a été parfois un peu difficile. Et puis, un jour tu reçois un message de quelqu'un qui s'amuse bien avec ton jeu, et là le moral repart de plus belle !
"J'attends que les gens s'intéressent au jeu naturellement."
Aurélien présente les outils de développement utilisés pour The Next Penelope.
Comment avez-vous organisé la publicité autour du jeu ?
A.R.Je ne l'ai pas organisé justement. J'évite au maximum les communiqués de presse impersonnels, et j'attends que les gens s'intéressent au jeu naturellement. Nous sommes dans une période où tout le monde est matraqué de news partout, tout le temps. J'ai fait le pari de faire ça tout doucement, par le bouche à oreille, puis j'ai eu la chance que quelques journalistes américains aient un coup de cœur pour Penelope.
Le jeu était disponible en précommande et en early access sur Steam. Avez-vous incorporé des éléments en rapport au feedback des joueurs ?
A.R.Bien sûr ! C'était tout le but de l'opération. Faire un jeu seul, c'est forcément manquer de recul. Les épreuves de timetrial, ou de scores, viennent directement des demandes des playtesters. Même chose sur le multi, il y avait plein de manières de le faire, et sa forme actuelle est le résultat de discussions avec les personnes dont j'estimais le plus l'avis.
- Séquences de jeu de The Next Penelope –
Vous êtes également enseignant, comment avez-vous organisé vos journées de travail pour répondre à votre double casquette ?
A.R.Je ne suis que très rarement enseignant. Je ne suis pas certain d'être très doué pour la théorie, pour être honnête. Par contre, oui, je dois parfois faire des choses à côté pour payer le loyer, mais ça ne change pas grand-chose : pas d'horaires, pas de week-end, la vie d'indé dans toute sa fulgurance !
Quel avenir pour Pénélope ? Des DLCs ou une suite peut-être ?
A.R.Les DLCs, je suis pas très pour. Ça sent toujours un peu le piège. Par contre, des updates gratuites avec du contenu en plus, avec plaisir si le jeu marche un minimum ! Même après tout ce temps, j'aime toujours autant travailler sur ce jeu. Et si les joueurs suivent, pourquoi ne pas les remercier de cette manière ?