Éditée par Urban Comics, Hitomi est une œuvre qui commence son récit là ou l'Histoire s'arrête. Proposée par deux jeunes nouveaux artistes, HS Tak et Isabella Mazzanti, Hitomi exploite, au travers du fantasme de l'existence d'un homme solitaire n'ayant sa place nulle part, la liberté et les rapports sociaux au sein d'une société depuis toujours repliée sur elle-même. Le tout au travers les yeux d'une jeune fille nourrie par un désir profond.
Hitomi est une petite fille qui a connu un véritable drame. Orpheline de guerre, elle a été le témoin de la destruction totale de son village, de la mort de ses amis et de l'entièreté de sa famille. C'est une survivante, le témoin vivant d'un conflit interne qui a depuis toujours fragilisé le pays de par les désirs de pouvoir des différents seigneurs ayant la main mise sur les terres de ce Japon féodal. Et dont les seules victimes restent, encore aujourd'hui, des classes sociales inférieures aux plus hautes instances politiques nichées dans leur somptueux palais. Fort heureusement, la petite Hitomi a un objectif clair : se venger. Pour ce faire, elle n'a d'autre choix que de devenir une combattante aguerrie et quel meilleur moyen que d'être formée par une légende, par un homme à la peau d'ébène, par le légendaire Yasuke ? Cet homme qui est semble-t-il le responsable de son propre malheur.
- Un voyage initiatique et de vengeance sublimé par une inspiration graphique unique. -
Ce que l'on remarque immédiatement, en lisant les premières pages, c'est cette beauté du dessin et de ses couleurs venant sublimer son aspect graphique. Une qualité s'inspirant directement des estampes japonaises, ces œuvres souvent réalisées sur toile mettant en scène des guerriers, des scènes de vie ou encore des paysages renvoyant vers cet imaginaire que l'on se fait tous de ce pays. Renvoyant ainsi cette image traditionnelle fermée au monde occidental. Le travail d'Isabella Mazzanti réussit ainsi, à chaque instant, à rendre le récit constamment dynamique que cela soit lors des scènes de combats ou lors de moments plus calmes comme lorsque Yasuke enseigne les préceptes des samouraïs à la jeune Hitomi.
Niveau scénario, le récit de HS Tak est en demi-teinte. Là où l'histoire de la jeune fille est très bien narrée et progressive, on peut y ressentir des manques, ou des trous, ainsi qu'un dénouement beaucoup trop rapide sur d'autres aspects. Le titre aurait ainsi mérité d'être plus exploité autour du personnage de Yasuke, mais d'un autre côté il est à l'image de ce légendaire samouraï noir : mystérieux.
En effet, personnage qui a réellement existé grâce à des traces d'écrits qui ont résisté dans le temps, il n'en est pas moins fantasmé de par la quantité peu abondante de ces mêmes témoignages. Le traitement du personnage dans le récit renvoie ainsi à cela. Peu exploité, Yasuke est ici un homme qui a été libéré, plus ou moins officiellement, de son statut d'esclave pour devenir une sorte de paria dans cette société nippone traditionnelle. Une illustration de la scission entre les différentes castes sociales et de leurs différents privilèges ainsi octroyés.
- Les différences sociales sont ici aussi bien illustrées au travers du dessin que du scénario lui-même. -
Hitomi est un récit de vengeance, mais aussi de mise en lumière de thèmes importants au travers des deux protagonistes. Être libre est-il véritablement un cadeau lorsque l'on est étranger dans un pays qui n'est pas le nôtre ? Qui sommes-nous ? La vengeance nous rend-elle honorables ? Des thématiques auxquelles nous pourrions en ajouter bien d'autres propres à chacun.
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que Hitomi est une œuvre qui pourra facilement nous faire patienter jusqu'à la sortie du prochain opus de la saga Assassin's Creed de Ubisoft : Assassin's Creed Shadows. Pour sûr, le samouraï à la peau de betterave sera, ici aussi, au centre de l'intrigue du jeu tant attendu.
📖👀 À lire : Hitomi, 2024, 144 pages, 20 € chez Urban Comics.
