Test | The Suffering, il faut souffrir pour être belle
11 mai 2005

Testé par sur
Aussi disponible sur
The Suffering
  • Éditeur Midway
  • Développeur Surreal
  • Sortie initiale 14 mai 2004
  • Genre Action

Sorti sur consoles il y a plus d'un an, The Suffering débarque maintenant sur PC, au travers d'un portage réalisé par Zoo Publishing. C'est donc un jeu de survival-horror techniquement pas franchement folichon pendant les premières minutes de jeu qui s'offre à nous, mais dont les aspects horror et surtout survival prennent rapidement le dessus et nous donnent la très nette envie de nous enfuir au plus vite de cette saleté de prison.

Chili con Carnate

Tork, c'est un méchant. Le genre de bonhomme qui fait trembler les honnêtes citoyens alors que le procureur dévoile les détails horribles de ses méfaits pendant le procès, sa femme et ses deux enfants sauvagement assassinés. « Oui, Mesdames et Messieurs les jurés, il y a une bête sauvage qui sommeille sous ce visage impassible, un monstre terrible qui peut se reveiller à tout moment. » Il ne croit pas si bien dire. Mais chaque chose en son temps. Le jeu s'ouvre donc sur l'arrivée de Tork – vous, en l'occurence – dans la prison d'Abbot, sur l'île de Carnate, précisément dans le couloir de la mort. La séquence scriptée du début met clairement les choses en place : les graphismes sont directement issus de la PS2, et donc clairement à la ramasse pour nos PC, et les voix françaises n'aident pas vraiment à se mettre dans l'ambiance. Du côté des points positifs, on retrouve tous les éléments des films d'action qui commencent dans une prison, avec les gardiens sadiques, le black charismatique à la voix grave, la femmelette qui passe son temps à chialer, et le mec complètement fou qui ne manque pas de vous demander comment c'était lorsque vous aviez les mains rouges du sang de votre famille. Un début charmant, donc.

Voldo sème la panique

Mais bien entendu, le jeu n'est pas une simulation de vie dans le couloir de la mort. Et donc, bien vite, toujours dans cette première scène scriptée, un élément perturbateur arrive : un soudain tremblement de terre. Les lumières s'éteignent, les prisonniers des autres cellules commencent à s'inquièter. Une forme apparaît soudain derrière l'un de vos co-locataires, sortie d'on ne sait où, et le voilà transpercé par deux lames acérées. Là, on se dit que vraiment, les effets graphiques sont complètement à la ramasse, mais bon, on ne va pas arrêter le jeu avant même qu'on ait commencé à jouer. Deux plans plus tard, on aperçoit l'une des bestioles de plein pied : une sorte de personnage SM enrobée de lanières de cuir, avec des lames aiguisées en guise de bras et de jambes – on pense un peu à Voldo dans Soul Calibur II. C'est clair, il y a quelque chose de pourri dans la prison d'Abbot.

Le meurtre dans la peau

Une fois la situation un peu calmée – comprendre, tous les prisonniers et gardiens du coin morts, vous mis à part – c'est le moment de prendre le contrôle de Tork. On se retrouve d'office à la troisième personne, mais il est aussi possible de passer à la première personne – et dès que l'on récupère la lame qui sert d'arme de base, on se rend clairement compte qu'il y a deux gameplay différents. A la troisième personne, les commandes présentent un léger temps de latence, habituel pour cette genre de vue, mais qui a évidemment pour effet de réduire la réactivité, et donc la capacité à massacrer efficacement des bestioles qui sont excessivement mobiles. A l'inverse, la vue à la première personne répond au doigt et à l'oeil, mais on a un peu l'impression de faire perdre au jeu un élément important – votre avatar n'apparaît plus à l'écran, et on n'a donc plus l'occasion d'observer ses mouvements fluides, son T-shirt blanc qui se maccule de plus en plus de sang au fur et à mesure que la tuerie avance, qui contribue dans une certaine mesure à l'ambiance.

L'île du docteur Moreau

Parce que l'ambiance, elle est bien là. On a beau se dire que quand même, c'est pas très joli tout ça, les bons mécanismes du survival-horror sont bien là, et ils fonctionnent. Ca va du très simple – on entend des cris d'agonie derrière une porte, on aperçoit un monstre énorme qui court au loin, les lumière s'éteignent et à ce moment-là une nouvelle saloperie vous fonce dessus, jusqu'à du plus recherché, notamment les excellents bruitages qui accompagnent les bestioles citées plus haut dont les membres sont des lames, qu'elles font parfois crisser sur le sol, et qui ne laissent rien présager de bon puisqu'elles se déplacent aussi bien par terre que sur les murs et au plafond, avec des attaques variées. Et puis, ce qui renforce tout ça, c'est l'histoire de l'île que l'on découvre au fur et à mesure, des exactions commises par certains matons sadiques sur les prisonniers, et en parallèle la progression dans la découverte de la personnalité de Tork. Parce que le bonhomme que l'on incarne n'est pas qu'un simple meurtrier sanguinaire.

Réveiller la bête qui sommeille en soi

Diverses « entités » interviennent tout au long de la progression, qui font progresser notre découverte du background de Tork. On a notamment droit à un mort par électrocution qui nous parle, accompagné d'une sorte de génie composé du gaz toxique utilisé dans les chambres à gaz, et un hologramme en noir et blanc qui nous explique comment fonctionne l'exécution par injection léthale avec moult détails techniques, entre autres. Ces trois personnages interviennent tout au long de l'aventure, et ce sont notamment eux qui nous apprennent à utiliser l'une des caractéristiques les plus excellentes du jeu : la transformation en une grosse bestiole qui fait très mal. Une fois une « jauge de folie » remplie, en ayant tué un certain nombre de monstres, on peut choisir de se métamorphoser. Transformé, l'écran prend un effet de persistance légère, et en même temps on se met à étriper sans difficulté les ennemis – sans se rendre compte, souvent, qu'ils parviennent tout de même à nous infliger des dégâts. L'effet est en tous cas particulièrement réussi, nous donnant une impression de puissance extraordinaire, en nous faisant oublier le côté vulnérable de la bête. Et si on l'oublie trop, la mort s'ensuit rapidement : soit parce qu'on a sous-estimé la combativité des ennemis, soit parce que l'on a gardé cette forme trop longtemps.

Côté obscur ou côté lumineux ?

Toujours lié à l'histoire étrange de Tork, le jeu permet de choisir deux voies morales différentes. On rencontre régulièrement des prisonniers et des gardiens qui sont prêts à vous accompagner pour tenter de sortir de cet enfer, et votre attitude par rapport à eux déterminera l'issue du scénario. Des voix murmurent dans votre tête, l'une, rauque et pleine de sarcasmes, vous enjoignant à vous débarasser de cet homme qui vous gênera dans votre progression, l'autre, celle de votre défunte femme, à l'aider, lui qui est faible et seul au milieu de ce lieu de perdition. Les conséquences directes du choix de la voie du Mal, c'est de plus en plus de « flashs » d'images de carnages, qui se superposent par moment à l'action, tandis que votre personnage se transforme peu à peu pour ressembler de plus en plus à la bête sauvage en laquelle vous pouvez vous transformez. Cela apporte encore plus à l'ambiance, tout en faisant de vous une part entière de la terreur de l'île, et ça, c'est réellement jouissif.
Les Plus
  • L'ambiance, excellente
  • La transformation en monstre
  • La visite pas guidée de la prison
Les Moins
  • Les graphismes désuets
  • Les voix françaises
Résultat

Voilà, une fois les voix françaises (qui s'améliorent plus ou moins au cours du jeu) et les graphismes désuets dépassés, on se retrouve avec un jeu de fort bonne facture, à l'ambiance particulièrement réussie, notamment grâce à la dualité constante du scénario qui vous place un instant comme une proie traquée et menacée, et l'instant suivant comme une bête monstrueuse semblable à celles qui envahissent l'île. A cela s'ajoute la diversité des ennemis, et une difficulté plutôt challengeante, ce qui vous permettra de passer de nombreuses heures de plaisir, en partie en jouant Tork, et en partie en jouant cette grosse bestiole jouissive. Et avec cette petite voix qui murmure en vous de tuer, tuer, et tuer encore, plus rien ne pourra vous retenir.

Partagez ce test
Tribune libre