Test | Evil Twin
17 mars 2002

Testé par sur
Evil Twin
  • Éditeur Ubisoft
  • Développeur In Utero
  • Sortie initiale 27 sept. 2001
  • Genre Plateformes

On a beaucoup entendu parler d'Evil Twin avant sa sortie, des screenshots alléchants, un monde apparemment très dépaysant pour un concept somme toute assez nouveau, le jeu de plate-forme/aventure. Edité par Ubi Soft, un cador du jeu de plate-forme 3D sur PC (avec l'excellent Rayman 2 et le très moyen Tonic trouble) et développé par le studio In Utero plutôt novice en la matière, ce jeu était sur le papier un hit en puissance avec son monde à la fois étrange et merveilleux et son gameplay original mêlant des séquences plates-formes à des phases de recherche et de réflexion. Sur le papier, oui, car dans les faits il s'avère que notre malheureux Evil Twin s'est embarqué dans un ratage en règle. Explications.

Le Gamin, le nounours et l'éléphant

T'soulli, un monde merveilleux au sein duquel vivait autrefois un peuple noble, paisible et cultivé : les gens. Pour leur malheur une vague noire et immense s'abattit sur ce monde et le recouvrit d'eau, et les gens se scindèrent alors en plusieurs peuples pour affronter ce déluge, perdant au passage leur science. Au sein de ce chaos émergea une tour s'élevant dans les cieux à l'infini. Le maître de cette tour imposa son joug aux survivants de la vague noire, les tenant grâce au moyen de les réunir : la grande zipette. C'est dans ce monde que notre jeune héros, Cyprien, va se retrouver projeté avec ses amis de l'orphelinat le soir de son anniversaire. Faut dire que la petite fête organisée par ses potes ça l'a un peu rendu furax le Cyprien, lui qui a perdu ses parents ce même jour. Tout frais débarqué sur T'soulli Cyprien va être briefé par l'éléphant Wilbur lequel va lui confier la lourde tâche de libérer ses amis retenus dans des formes perverties d'eux-mêmes, sauver le monde en retrouvant la grande Zipette, et découvrir ce qui est arrivé à son nounours Lenny (sisi). En bref, l'est pas sorti de l'auberge le Cyp.

T'soulli Style

Une sinistre épreuve de saut à la corde

Ce type de scénario pourrait parfaitement coller à un jeu d'aventure et c'était bien là le défi que souhaitaient relever les gars d'In Utero. Car Evil Twin n'est pas un simple jeu de plates-formes aux niveaux qui s'enchaînent sans réelle justification. Ici vous vous baladerez dans les différents mondes et dans les phases plates-formes avec à chaque fois un objectif précis: retrouver un objet, réparer un bateau ou encore trouver un moyen de faire fonctionner un système de communication. En gros dans Evil Twin on sait où on va et pourquoi. Durant sa quête, Cyprien récoltera des objets qui, à l'instar d'un Zelda par exemple, seront utilisés pour débloquer l'accès au niveau suivant. Dans son périple, notre héros croisera également des ennemis qu'il pourra abattre avec sa fronde maison. Ladite fronde pourra progressivement être chargée avec divers ingrédients aux propriétés guerrières ou utilitaires. Outre ces objets, Cyprien aura aussi la possibilité de se transformer pour un cours moment en son alter ego Supercyp, lequel saute plus haut, frappe plus fort et est techniquement invulnérable. L'histoire est assez prenante, voire souvent drôle, le tout étant renforcé par une ambiance hors du commun.

Cyprien au pays des merveilles

Un des amis de Cyprien après sa transformation

L'ambiance, avec Evil Twin, le dépaysement est total. Ici se côtoient le monde du rêve et celui de l'enfance, souvent colorés, parfois sombres et inquiétants, rehaussés de rencontres avec des personnages hauts en couleurs.
On pourrait trouver de nombreuses influences au travail des designers d'In Utero. Tim Burton bien sûr et en particulier l'Etrange Noël de Monsieur Jack mais aussi La Cité des Enfants Perdus pour les couleurs et les décors mystérieux, Alice au Pays des Merveilles pour le délire, voire même le dessin animé Yellow Submarine par le biais de certains personnages. Les décors sont faits de bouts de tissus maladroitement assemblés ou de papiers peints se décollant par endroit. Tout cela contribue à donner un aspect irréel, enfantin et artificiel au monde imaginaire de T'soulli. Bref du tout bon pour le joueur qui veut s'immerger totalement dans l'histoire.

Des graphismes enchanteurs

Un feu d'artifice somptueux pour accueillir Cyprien... Ca sent l'arnaque

Des lieux différents, Cyprien va en visiter quelques-uns, entre la cité de tissus des demis, la jungle touffue de l'île des plantes, le bateau des gens, le dirigeable des volants ou encore l'école cauchemardesque (au sein de laquelle est détenu son ami Stéphane collé devant une punition perpétuelle). Superbe graphiquement, le travail effectué pour rendre ces endroits enchanteurs ou angoissants est assez bluffant, c'est tout simplement magnifique. Les textures sont variées, les décors inventifs et jamais répétitifs. Ce joli tableau est légèrement gâché par une résolution maximale de 1024x768 et le peu de réglages que l'on peut effectuer sur les options graphiques (la force de l'habitude). Egalement à noter que le jeu ramait sur un T-Bird 1,4 avec les couleurs en 32 bits (il y a d'autres problèmes techniques dont il sera fait mention plus bas). Inutile tout de même de faire la fine bouche, graphiquement c'est le top.

Une ambiance onirique

Le bateau gigantesque des gens

S'il n'était question que des graphismes... Mais les musiques sont également de très bonne facture. Encore une fois la référence à l'Etrange Noël de Mr Jack est indéniable et pour l'ambiance c'est du tout bon. De nombreux dialogues parsèment l'aventure, les doublages sont valables et contribuent à relever l'humour de certaines situations (la scène de la vigie chez les volants est un must du genre). La personnalité de Cyprien est mis en valeur lors de ces nombreuses interactions. Ici pas de politiquement correct, Cyprien se fout régulièrement de la tronche des gens qu'il rencontre et pratique allégrement le langage "djeunz", nous donnant l'impression que finalement tout ça n'est pas très sérieux.

Le pays des caméras tordues

Il ne croit pas si bien dire

Le tableau aurait pu être idyllique, les débats terminés mais il faut encore aborder la question du gameplay, et là, les choses se gâtent sérieusement. Faire un jeu de plateforme en 3D est un exercice périlleux car il repose sur une maîtrise parfaite de la camera et sur la précision des commandes. C'est ici que l'on rencontre les premiers écueils. La jouabilité tout d'abord sans être catastrophique n'est pas non plus parfaite. La précision n'est pas au rendez-vous et la 3D complique le tout. Le personnage a une fâcheuse tendance à glisser après les sauts, et considérant que les phases plateformes se déroulent souvent au dessus du vide, vous comprendrez aisément le stress qui s'empare du joueur. Ces remarques sont valables pour ceux qui joueraient avec un gamepad; au clavier c'est pire, et donc à oublier d'entrée. S'il ne s'agissait que de ça, passe encore, mais le plaisir est aussi gâché par un système de caméra épouvantable, cette dernière se bloque ou nous cache l'action et il faut sans cesse recadrer derrière Cyprien pour pouvoir jouer correctement. On finit tout de même par s'habituer à cette manipulation répétitive mais déjà l'énervement gronde et le stress apparaît. Ce n'est malheureusement pas terminé..

Prise-de-tête-ville

Souvenir de colles

Le jeu en lui-même est assez difficile. Les séquences aventure sont souvent pénibles, les énigmes sont assez tordues et les indices trop peu nombreux. Les difficultés sont placées avec un sadisme précis (généralement juste avant un checkpoint.) Ajoutez à cela des niveaux au dessus du vide qu'il faut sans cesse recommencer et que vous ne passerez qu'avec un toucher de pad au millimètre. Qui plus est, ce qui n'a rien à voir avec la difficulté, le jeu n'est finalement pas très passionnant. A la fascination succède la lassitude qui cède la place à l'ennui et découvrir la suite de l'histoire ne se fera qu'au prix d'un acharnement pénible. Comme si ça ne suffisait pas (mais c'est un élément de gameplay inhérent au fait que le jeu a été initialement développé pour la Dreamcast) on ne peut pas sauvegarder où on le désire. Il faut pour ce faire récolter des appareils photo qui serviront à marquer son passage auprès de l'éléphant Wilbur, et ce, à des endroits précis. Evidemment quand on ne trouve pas le point de sauvegarde ça devient très angoissant.

L'île des bugs

Mine de rien, ce tas de légume est un boss du jeu

Evil Twin est abominablement buggé. Des ralentissements en 32 bits avec une configuration pourtant costaud (peut être l'éternel problème des GForce avec le chipset VIA), une incompatibilité officielle avec Windows 2000 (bien que le jeu ait été testé sur cet OS) et Windows XP (l'excuse sur le forum du jeu étant que l'OS n'existait pas au moment de sa sortie), plantages à répétitions (freezes sous Windows 98 et retours au bureau sous Win2k), bugs de collision très fréquents. La liste est longue et ça sent le jeu mal dégrossi, sorti à la va-vite avec gros renfort de publicité. Il est bien dommage de constater que la boîte que l'on trouve en magasin sent la version beta à plein nez. On ne peut que s'associer à la plupart des utilisateurs qui réclament un patch à corps et à cris. Cela dit, ces bugs sont susceptibles de ne pas se produire chez vous (notamment les plantages) mais un joueur averti en vaut deux.
Résultat

A qui s'adresse ce jeu ? Pas au joueur qui souhaite se détendre et passer un bon moment devant son PC, non, celui-là sera vite rebuté par la difficulté globale du soft et le désinstallera rapidement pour passer à autre chose. Le fan de jeu de plates-formes se lassera assez vite de devoir replacer sa camera ou de devoir galérer une demi-heure pour avoir la chance de voir la suite. L'amateur de curiosité et de belles choses pourra être intéressé un temps s'il a la patience nécessaire pour avancer courageusement dans le jeu. Non, vraiment, le seul sentiment que l'on éprouve face à Evil Twin c'est une grande déception. Déception car ce jeu est incroyablement énervant et déception parce qu'on se rend vite compte qu'il aurait pu être un de ces jeux uniques qu'on évoque avec une lueur d'émerveillement dans les yeux. L'intention était louable et il convient d'être indulgent face au travail effectué sur le scénario et sur le graphisme. Ainsi, plus que pour n'importe quel autre jeu raté on a une impression de gâchis. Une gestion de camera déplorable, un gameplay stressant et une tonne de bugs; pour conclure : quel dommage !

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