Test | Earth 2150
29 juin 2000

Testé par Tkilah
Earth 2150

C'est l'une des bonnes surprises de l'été. Coincé entre les mastodontes du genre, Ground Control, Dark Reign II, Shogun, Earth 2150 est peut-être le plus classique du lot, mais propose un moteur graphique tip top, une gestion du jour et de la nuit et de la météo qui change pas mal la donne, et un gameplay solide et éprouvé. Du classique, mais du bon en somme.

De nos jours, il est assez rare d'être surpris dans le monde des jeux PC. Tous les titres phares sont annoncés longtemps à l'avance, et quand bien même, la plupart du temps on est déçu (l'exemple du lamentable Conquest Earth en 1997). Quel plaisir donc quand on tombe sur un petit bijou, comme c'est arrivé parfois : Total Annihilation en 1997, et Warzone 2100 en 1998. A l'époque où l'on sort des jeux ridicules au budget colossal (suivez mon regard), Earth 2150, des allemands de Topware Interactive, est une excellente surprise, peut-être la meilleure de cet été. On attendait Dark Reign 2 et Ground Control, mais voici un outsider qui risque de tout rafler. Mais pour vous rafraîchir, voici un bref historique des grosses pointures du genre stratégie en temps réel (que l'on appellera STR par souci de commodité).

Au commencement...

On peut considérer Dune 2 de Westwood comme un précurseur du genre STR, mais le jeu qui a marqué les esprits est bel est bien Warcraft 2 : deux camps, orcs et humains, une gestion des ressources astucieuse (bois, or et pétrole), un gameplay et une ambiance fabuleux. A la même époque, Command and Conquer fait aussi fureur. Le genre est lancé, ce qui permet à de nombreux développeurs de s'y essayer. Alerte Rouge, la suite de C&C est un véritable succès, et après cette première vague les choses sérieuses commencent : Dark Colony d'abord, Dark Reign, et surtout Total Annihilation, inattendu, avec ses 150 unités et un moteur superbe pour l'époque. Des tonnes d'innovations qui ont fait de TA un jeu culte. Puis c'est au tour de Microsoft de sortir son bébé, Age of Empires. Si le succès est au rendez-vous, la profondeur du gameplay l'est un peu moins. Et là, en 1998, c'est le succès Starcraft, la plus grosse vente de jeu STR de tous les temps.

Un manque d'originalité.

La même année, Battlezone d'Activision inaugure la STR en 3D : les critiques sont enthousiastes, mais le jeu ne trouve pas son public. Pareil pour Warzone 2100, dont Earth 2150 s'inspire très largement. 1999 est l'année des suites, avec Total Annihilation : Kingdoms, Comand and Conquer : Tiberian Sun, et Age of Empires 2. Il n'y a rien de nouveau dans ces titres, simplement on reprend une recette qui marche et qui fait vendre. Enfin, 2000 est l'année de la suite de Battlezone 2, excellent jeu, et l'été s'annonce prometteur, avec l'excellent Ground Control des suédois de Massive Entertainment, Metal Fatigue de Zono, ou encore Dark Reign 2 d'Activision. Mais ce qui nous interésse aujourd'hui, c'est le nouveau venu dans la cour des grands : Earth 2150, suite de Earth 2140, jeu de stratégie en 2D sorti fin 1997, graphiquement superbe mais au gameplay plutôt quelconque. Earth 2150 s'annonce donc doublement comme une surprise qu'il est la suite d'un jeu franchement raté.

L'été des révolutions.

Mais attention, car contrairement à Ground Control, qui apporte son lot de bonnes idées au genre en gommant la partie construction de base et récolte de ressources, comme Myth précédemment (voir le test de Prodigy), Earth 2150 ne révolutionne rien, il se contente d'apporter beaucoup de nouveautés, et de consolider un gameplay ayant déjà fait ses preuves dans les nombreux jeux de stratégie qui ont précédé : gestion de ressources, construction, combats, etc., ce qui n'empêche pourtant pas Earth 2150 d'être un grand jeu. Car oui, ne nous leurrons pas plus longtemps, il fait d'ores et déjà partie des très bonnes surprises de cet été 2000. Il y a désormais deux sortes de jeux de stratégie : les STR tactiques (Ground Control, Myth, Shogun), et les STR plus traditionnels, mais néanmoins très bien équilibrés, Earth 2150 en faisant partie. En ayant lu les tests de ces 2 jeux, nous espérons que vous aurez pu faire votre choix.

Une scène d'intro, ça?

Entrons directement dans le vif du sujet : l'installation vous demandera d'insérer les 2 CDs du jeu, et après l'installation, vous avez le droit à un petit setup des cartes 3D. Les modes Glide, Direct3D et OpenGL sont disponibles, ainsi qu'un benchmark permettant de juger si la résolution que vous venez de choisir ne fera pas trop souffrir votre processeur. Après ce setup, le jeu se lance, et on a droit à la traditionnelle scène d'introduction. Mais ici, elle ne reflète pas du tout la qualité du jeu, et est étonnante de pauvreté : on aurait aimé une bonne scène d'introduction à la Outcast, mettant le joueur dans le bain, et dévoilant une partie du scénario, mais ici, seule une série d'images vous attend. Alors, plutôt que de vous laisser ignorants, voici un bref résumé des événements qui vont vous amener à entrer en guerre.

Le background.

Earth 2150 prend place sur Terre en 2150 ; jusque là, rien de surprenant (c'est dans le titre). La Terre sort d'une troisième guerre mondiale, entre la Dynastie Eurasienne (DE) et les Etats Civilisés Unis (ECU), qui l'a complètement ravagée, et qui a fait dévier son orbite. La voici donc qui se rapproche irrémédiablement du soleil, forçant ses occupants à prendre une décision radicale : il faut quitter la Terre, et vite, afin de se réfugier sur Mars. A ce conflit entre DE et ECU vient s'ajouter une troisième faction, la corporation lunaire (CL), qui veut également sa place sur Mars. Mais il y a un problème, et de taille : la guerre ayant ravagé la Terre, les ressources nécessaires à la construction de transports pour Mars se font rares, tant et si bien que seulement l'une des 3 factions aura le privilège de s'enfuir. Vous devrez donc incarner au choix un des 3 clans, et vous lancer dans cette longue récolte de ressources...

Moteur graphique irréprochable.

Une fois la cinématique passée, le menu principal nous propose quantité de choses : vous pouvez commencer l'une des 3 campagnes solo, faire un mode escarmouche contre l'ordinateur ou encore jouer en multijoueur. Mais tous ces modes de jeux seront examinés plus loin. Penchons-nous sur un des gros avantages de Earth : son moteur graphique. C'est une claque visuelle (NDLR : décidément c'est la période, à quand des jeux moches?), comme vous pouvez le voir sur les screenshots, un Warzone 2100 en deux fois plus beau. Des textures détaillées, des unités et bâtiments parfaitement modélisés, tout y est, sur ce point on ne peut que féliciter les développeurs. Vous combattrez dans la neige, sur des terres arides, sur des grandes prairies ou encore dans des décors apocalyptiques, mais à chaque fois, c'est de toute beauté. Et cette beauté est renforcée par une innovation majeure : la gestion de la météo.

La météo.

Supposez que vous soyez en train de construire un petit groupe de tanks, équipés de sulfateuses, et que vous vous préparez à attaquer. A ce moment la, une tempête de neige s'abat sur votre base, et du même coup la visibilité se trouve amoindrie : tant pis, il faudra renoncer à votre petite attaque, et attendre que la tempête se calme. Mais une fois calmée, manque de chance, c'est la nuit qui tombe, et là, à moins de connaître le terrain sur le bout des doigts, c'est encore plus suicidaire! Le moteur graphique gère la neige et la pluie, le vent (les fumées sortant des cheminées des usines sont déviées par le vent !) et bien entendu le jour et la nuit, avec beaucoup de nuances : le ciel s'éclaircit jusqu'aux environs de 17 heures, puis commence à s'obscurcir pour la nuit, etc. Le temps change constamment, et c'est un excellent point pour l'immersion : on est rapidement accroché au jeu, c'est un véritable bonheur (NDLR : on trouvait déjà cette option dans le jeu Machines, de Acclaim).

Et le summum.

Détail qui tue, lorsque la nuit tombe, les phares des bâtiments et unités s'allument! Et le comble, c'est que si vous connaissez bien le terrain, vous pouvez éteindre vos phares, et faire une attaque surprise (technique vérifiée, et très efficace). Evidemment, les possesseurs de grosses configurations monteront la résolution jusqu'au 1280x1024 en 32 bits, et pousseront le taquet du champ de vision au maximum... Bien sur, le jeu étant en 3D, vous pourrez faire des rotations et zoomer quand vous le voudrez, ce qui ne vous fera qu'apprécier encore plus ses graphismes fabuleux. Mais qu'est ce qu'un jeu de stratégie sans un gameplay irréprochable? Ca donne un soft très moyen, ce qui n'est bien sur pas le cas de Earth 2150...

Petits regrets.

Commençons directement par les reproches : les 3 factions du jeu ne sont pas équilibrées à la perfection dans le mode solo, mais rassurez-vous, elles prennent chacune leur place en multijoueur. Ensuite, certaines missions du mode solo ont parfois des objectifs obscurs. Quand à la configuration exigée, elle est un peu lourde. Mais ne nous attardons pas sur ces détails de moindre importance, car Earth 2150 possède un gameplay déjà bien rodé, à la manière d'un Total Annihilation ou encore d'un Warzone 2100, et ce genre de reproches paraîtront bien misérables après l'annonce de toutes les qualités du jeu, qui apporte de plus son lot d'innovations : comme les hits de Cavedog ou de Pumpkin Studios (deux sociétés qui ont depuis disparu, le STR serait-il dangereux pour la santé?), Earth va plaire aux fans de jeux de stratégie.

La construction, comment ça marche?

Le système de création d'unités et de recherche est similaire à Warzone : produisez un centre de recherches, et vous accédez à toutes les recherches possibles et imaginables, allant du simple lance-oquettes au missile nucléaire, en passant par l'hélicoptère dernier cri ou encore le champ de protection pour unités et bâtiments. Vous devez donc faire des recherches, qui sont assez longues, afin de pouvoir par la suite customiser vos unités. Vous allez par exemple faire des recherches pour un châssis de tank, puis pour un canon 105mm, et un champ de force. Une fois ces 3 recherches effectuées, en appuyant sur F1, vous pouvez assembler le tout, et vous obtenez alors votre première unité d'attaque! Evidemment, le nombre de combinaisons possibles est hallucinant.

Tactiques de fourbe.

Les unités disponibles sont très nombreuses, car vous allez devoir vous occuper du sol, de l'air et de la mer : bateaux, hélicoptères, et tanks seront à votre service. Mais il ne faut pas oublier une autre innovation : les tunnels et les tranchées. Pour les tranchées, cela reste assez classique, vous pourrez, avec votre bulldozer, en creuser tout autour de votre base, afin de freiner l'arrivée des troupes ennemies. Mais les tunnels sont autrement plus innovateurs : supposons que vous soyez attaqués, voire même totalement dominés. Dans un jeu comme Starcraft, en général, vous êtes mal barré. Mais ici, avec un peu d'expérience, vous allez construire un grand nombre de chars, que vous allez, à l'aide de votre bulldozer, dissimuler sous terre. Dans ce cas, lorsque votre base sera attaquée, l'ennemi ne s'attendra pas à voir débarquer 50 tanks si rapidement dans sa base ! De beaux retournements de situation en perspective.

3 races bien distinctes.

Venons en maintenant aux 3 factions du jeu, qui méritent que l'on s'y attarde un peu. Chacune de ses factions possède son identité propre : la CL étant de loin la plus faible, mais la plus avancée technologiquement. La DE et les ECU ont lutté sur Trre durant la troisième guerre mondiale, alors que la CL a colonisé la Lune quelques années auparavant. Mais bon, la Lune sans la Terre, c'est inutile, alors eux aussi ont besoin de collecter des ressources. Le look ainsi que le système de construction des bâtiments diffère chez les 3 factions : pour la DE, les bâtiments se construisent automatiquement sous vos yeux, pour les ECU, ils sont construits sous un espèce de dôme géant, et pour la CL, ils sont livrés par la voie des airs.

Les campagnes solo.

Dans chacune des trois campagnes, vous démarrez avec une base opérationnelle et totalement équipée : c'est votre quartier général, vous le garderez tout le long de la campagne. Un briefing servant d'intro vous fait part de la situation et de vos objectifs. De plus, on vous recommande quelques stratégies pour les missions un peu corsées. Cette base ne subira aucun assaut, n'ayez crainte. Un autre message apparaît, vous expliquant que de nouvelles missions sont disponibles, accessibles en cliquant sur une icône de planète. Vous avez alors une mappemonde de la terre, avec plusieurs endroits marqués : vos missions. Pour la campagne DE, vous débutez par la mission Oural. Le fait de cliquer sur cette mission vous amène à un autre point du globe, cette fois-ci sans base équipée, mais avec un constructeur, le centre nerveux du jeu. Le constructeur permet en effet de tout faire : construire les bâtiments, creuser les tranchées et les tunnels. A partir de là, de nouveaux ordres vous sont donnés, comme par exemple éliminer tous les ennemis, et amasser 10'000 crédits pour le projet d'exode.

Les ressources.

Grâce à la touche Q, vous pouvez passer d'un endroit à l'autre, et naviguer entre votre quartier général et votre mission, car l'argent que vous amasserez devra atterrir dans le quartier général, par le biais de transporteurs. Et là, autre innovation, grâce à une simple touche, vous passez en système Multi-Cam, permettant de diviser l'écran en 3 : une partie pour le QG, et une partie pour les missions en cours. Mais là, une configuration puissante est bienvenue. Amasser des crédits n'est pas chose facile : vous devez d'abord créer une mine, sur un champ de minerai (là où il y a des étoiles fluorescentes sur le sol), puis créer une raffinerie, où sera traité ce minerai, et enfin des collecteurs pour le transporter. Cette méthode varie en fonction des 3 camps, avec, au programme des festivités, accumulateurs et autres panneaux solaires.

Non à la linéarité.

Et chaque mission remportée renfloue les fonds de la caisse du QG, ou bien vous donne accès à une nouvelle technologie. Il y a par exemple dans la campagne trois missions dont le but est de s'approprier la technologie du laser. Vous allez voir le statut de votre projet augmenter très faiblement car il y a une tonne de missions pour chaque campagne, pour le plus grand bonheur des fans du genre. Et vous allez voyager partout : Oural, Alaska, Japon, Himalaya, Canada, etc. Au fur et à mesure, vous allez gagner des technologies, de l'argent et conquérir un peu plus de terrain, laissant petit à petit moins de chances aux adversaires. Au bout du compte, il n'en restera qu'un, vous, avec suffisamment de ressources et de recherches pour vous embarquer pour Mars.

Bande son et mode escarmouche.

L'intérêt de ces 3 campagnes solo se trouve constamment relancé avec de nombreux objectifs originaux, et on prend un immense plaisir à jouer ; plaisir encore renforcé par la bande son du jeu, des musiques dans le style de celles de Total Annihilation, collant parfaitement à l'action. En revanche, les bruitages sont un peu faiblards. Mais vous pouvez vous amuser autrement en solo, avec le mode escarmouche, qui est une émulation du multijoueur, sauf que vous jouez contre l'ordinateur. Bien sur, il y a 3 niveaux de difficulté, mais ils sont un peu trop faciles. On aurait souhaité un niveau de difficulté très corsé avec une IA s'adaptant à la situation, changeant fréquemment de tactique. Mais si vous voulez des sensations fortes, pas d'hésitations : le mode multijoueur est un modèle du genre.

Multijoueur mieux que Quake 3!

Oui, la comparaison est assez étrange, mais vous allez vite comprendre. Plusieurs modes de jeu sont disponibles : Uncle Sam (aucune collecte de ressources, l'argent est illimité), Kill them all (un deathmatch), Arena (une variante du deathmatch, mais sans construction ni ressources), Hide n' Seek (Un mode capture de drapeau excellent). Vous voyez que Earth n'a rien à envier aux ténors du genre STR! Et bien sûr, vous pouvez jouer par TCP/IP, IPX, modem ou encore sur le serveur Earthnet, très bien conçu, dans le même style que le Battle.net de Blizzard. Un conseil tout de même : prenez la DE pour débuter, entraînez-vous en jouant la campagne solo et le mode escarmouche, et abordez le multijoueur uniquement lorsque vous savez parfaitement maîtriser la faction. Si vous suivez ce conseil, vous risquez d'être comblés.
Les Plus
  • pratiquement tout : graphismes, bande son, gameplay
  • un mode multijoueur original et très intuitif
  • les campagnes solo fabuleuses
  • la tonne d'innovations
Les Moins
  • les 3 camps pas parfaitement équilibrés (en solo)
  • une configuration assez puissante exigée
  • la cinématique d'introduction
Résultat

Vous l'aurez donc compris, Earth 2150 est un pur bonheur. Cependant, autant vous avertir à l'avance : si vous cherchez un concept révolutionnaire, privilégiant la tactique, avec des combats spectaculaires, tournez-vous plutôt vers Ground Control, vous ne serez pas déçu. Effectivement, on pourrait reprocher à Earth 2150 d'être tout ce qu'il y a de plus classique, mais cela ne gêne aucunement. Quand ce genre de jeu est tellement bien fait qu'il atteint un tel niveau de gameplay, n'est-ce pas ce qui compte? Dans son genre, Half-Life n'a non plus rien révolutionné, il a appliqué des recettes intelligentes et apporté son lot de nouveautés. Earth 2150 procède de la même manière : on a ici un jeu bien équilibré, beau, intéressant, original de par son mode multi, possédant un gameplay sans failles et apportant son lot d'innovations. A mi-chemin entre Warzone et Total Annihilation, ce jeu est à conseiller à tous les fans de STR classique, et également à ceux qui veulent s'initier à ce genre désormais célèbre. Pas révolutionnaire, certes, mais fichtrement bien conçu!

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