Test | Le monde du silence de Silent Hunter III
20 avr. 2005

Testé par UnexpectedGuest sur
Silent Hunter III
  • Éditeur Ubisoft
  • Développeur Ubisoft
  • Sortie initiale Hiver 2005
  • Genre Simulation

Dans la foulée du bien nommé Aces of the Deep, Mindscape publie en 1995 Silent Hunter, le premier du nom. Fin 1999, les sous-mariniers en herbe accueillent à bras ouverts sa nouvelle fournée, Silent Hunter II. C'est donc tout à fait logiquement qu'aujourd'hui Silent Hunter III fait surface sous nos yeux. Plus beau, plus immersif, plus réaliste, plus fidèle ? Suivez la torpille !

Un brin d'histoire

En septembre 1939, la Kriegsmarine commence la guerre avec moins d'une trentaine de submersibles. Deux ans plus tard, l'amiral Dönitz est en mesure de lancer en mission 250 U-Boote, dont une centaine se trouve en permanence en zones opérationnelles. L'atlantique Nord, le pourtour des îles Britanniques et les côtes d'Afrique occidentale représentent les zones d'attaque de ces submersibles. Jusqu'à fin 1942, le nombre de torpillage croît de façon énorme car tous les navires alliés naviguent isolément. Dès lors, le système des convois, l'appoint des avions de surveillance, des porte-avions d'escorte et l'amélioration des moyens de détection et de l'armement des escorteurs permettront aux alliés de renverser le déséquilibre pour au final écarter le péril sous-marin allemand. Silent Hunter III vous met dans la peau d'un commandant de U-Boote tout au long de ces six années de guerre et vous lance le défi suivant : tenter de ré-écrire l'histoire et parvenir à survivre là où l'Histoire vous a vu d'abord dominateur, puis rapidement contesté pour finir aux abois.

Au menu, fruits de mer

Des cadrans en veux tu en voilà.

Silent Hunter III, petit fils de l'ancêtre Silent Hunter, nous met aux commandes d'un U-Boote allemand durant toute la seconde guerre mondiale. Pas de voyage dans les eaux bleues du pacifique donc, mais plutôt de longs trajets dans les eaux sombres et froides de l'altantique nord. Outre le fait de jouer le rôle d'un soldat au service du troisème Reich, ce qui peut gêner des joueurs et on les comprend, cette restriction au théâtre atlantique ne nuit pas au jeu car c'est bien là que se sont écrits les grands chapitres de la légende des sous-marins. Et fidèle à l'histoire, l'implémentation ludique de Silent Hunter III nous offre de grands moments de tension, entre-coupés par de longues périodes d'inaction, nous verrons pourquoi un peu plus bas. Alors, qu'est ce qu'il fait un commandant de U-Boote ? Et bien, dans Silent Hunter III, c'est un peu la bonne à tout faire ! Il passe beaucoup de temps sur les cartes pour peaufiner son trajet, éviter les haut-fonds et les patrouilles anglaises tout en gagnant sa zone d'opération. Et quand la croisière fait place à l'action, vous (car oui, le commandant, c'est vous) passez très rapidement du kiosque au périscope, de la salle des machines à la table de torpillage. C'est dingue ce que ça peut être affairé un commandant de U-Boote. Voilà donc ce que nous promet Silent Hunter III, faire tous les choix tactiques qui feront de votre mission soit un tremplin vers une promotion, soit un aller-simple vers un tombeau froid, sombre, et très humide. Oui, salé aussi.

La croisière s'amuse un peu, s'ennuie souvent

Sans GPS, hors carte point de salut.

Premier constat après quelques heures de jeu, la vie à bord d'un sous-marin est d'une lassitude mortelle. Statistiquement, on passe sa vie en surface, loin des côtes, à scruter un horizon désespérément vide dans des conditions climatiques pas franchement propices à l'installation d'un Club-Med. Oui, l'atlantique nord, ce n'est pas hyper touristique. Aussi, jamais la fonction magique de compression du temps n'aura été si bénie que dans Silent Hunter III. Cette liberté par rapport à l'écoulement du temps en réel vous permet d'effectuer de mission de deux semaines en quelques heures. Quelques heures, quand même ? Oui, Silent Hunter III est un jeu qu'on lance quand on a du temps devant soi. Pour chaque mission, il faudra parcourir des milliers de km sur et sous la mer, passer des dizaines de minutes à tenter de semer ou de rattraper des bateaux à qui on ne veut pas de bien (et qui nous le rendent bien), puis généralement finir par un long retour à la base avec un sous-marin abimé, désarmé, qui se traîne et qui ne plonge plus. Une partie type est donc longue, même avec un facteur de compression de 1024, surtout qu'on ne peut pas sauver au cours d'une mission. Tout comme l'impossibilité de sauvegarder à volonté dans certains FPS, cette caractéristique au premier abord frustrante s'avère vite bénéfique à Silent Hunter III, de par la tension nerveuse réelle qu'elle induit et donc au final l'immersion qu'elle propose. L'immersion, c'est bien sûr la capacité à nous faire vivre ce à quoi on joue. Oui, mais c'est aussi la forte tendance qu'à notre sous-marin à plonger pour ne plus jamais remonter. Car Silent Hunter III est un jeu difficile, la preuve, on meurt souvent.

Plaisir des yeux et des oreilles

Après tant d'émotions, rien ne vaut une bonne douche.

Hors phases de combat, on se prend à jouer avec la caméra externe et regarder notre U-Boote évoluer face aux vagues de l'atlantique Nord ou paré de jolis reflets à quelques mètres sous la surface. Si le moteur graphique de Silent Hunter III est à la hauteur, avec notament une gestion de l'eau réussie, on regrette que le 1024x768 soit figé et qu'on ne puisse activer les shaders 2.0 de notre carte graphique, ce dont le rendu de l'eau aurait pu profiter par exemple. Pas superbe mais joli donc, et surtout fonctionnel avec cette caméra libre avec laquelle on survole le convoi visé, pour finir par se délecter de l'agonie du pétrolier en flammes. Pas réaliste, mais très immersif, comme quoi un écart au premier peu renforcer le second.

Une fois qu'on a appris à apprécier le Wagner distillé en boucle par le DJ du sous-marin, la bande son est elle aussi de bonne facture. Mention toute spéciale aux bruitages divers et variés comme les craquements de la coque sous la pression de l'eau lors des changements de profondeur, ainsi que le toujours très stessant ping ! de l'asdic ou du sonar de l'anglais qui nous cherche dans les ténèbres de l'eau glacée qui entoure son île natale.

Seuls les lâches survivent

Gros et désarmé ? On fonce !

Frustré par de longues heures de navigation monotones, le joueur qui découvre Silent Hunter III a une tendance toute naturelle à attaquer tout ce qui bouge dès que l'occasion se présente, conforté qu'il est par le sentiment d'invincibilité que procure la sensation du "Je te vois, et toi tu ne sais même pas que je suis là". Une fois son sous-marin posé définitivement sur le fond de la mer du Nord, suite à d'inamicaux grenadages anglais, il faut se rendre à l'évidence, la précipitation mène très souvent à la mort. Très vite, on apprend qu'il faut commencer par observer, puis identifier les contacts, et ne s'attaquer qu'à ceux qu'on a une bonne chance de couler, en évitant comme la peste ceux qui trop souvent font preuve d'une agressivité qui n'a dégale que leur puissance destructrice.

Pour ce faire, Silent Hunter III met à notre disposition un carnet de profils de navires, ce qui nous permet en confrontant l'image du périscope et celle de cette référence d'identifier nos contacts. Nationalité et surtout armement de la cible potentielle nous permettent alors de prendre notre décision : on laisse passer ou on attaque ? Là encore, l'expérience prouve que pour survivre, il faut être lâche, et n'attaquer que les navires marchands. Lents, peu ou pas armés et surtout très volumineux (votre score se compte en nombre de tonnes coulées), les gros navires de commerce sont la proie idéale du sous-marin. Tant pis pour l'estime de soi, la survie est à ce prix. Si on ne cherche donc jamais de noises volontairement un bateau de guerre, il est fréquent de s'y confronter lorsqu'on attaque un convoi dont ce sont les très zélés chiens de garde. Et là, c'est une autre histoire. Fini les bateaux poussifs dont les zig-zag prêtent à sourire, les unités de guerres se coordonnent pour quadriller la zone où on a été détecté, y balancent des tonnes d'explosif, et tout ça a une incidence très négative sur notre espérance de vie.Le commandant qui voudra vivre longtemps devra donc s'attaquer aux proies sans défense et de préférence solitaires, et ne pas s'attarder lors de l'attaque d'un convoi, vouloir à tout prix "couler le gros en flammes" étant souvent synonyme de mort.

L'art du torpillage

Ni vu ni connu.

L'arme par essence du sous-marin, c'est la torpille. Puissante et discrète, elle a en plus le bon goût de frapper sous la ligne de flotaison, ce qui facilite grandement la destruction des navires. Seulement voilà, oubliez vos références d'Octobre Rouge, les torpilles de la seconde guerre mondiale ne sont pas les armes intelligentes d'aujourd'hui. Dans Silent Hunter III, tirer une torpille est enfantin, il suffit d'appuyer sur le bouton rouge, là. Mais pour avoir une chance de toucher la cible, c'est une autre paire de manches. La torpille allemande dont nous disposons est quand même relativement intelligente puisque qu'elle dispose d'un gyroscope, donc on peut lui spécifier un cap à suivre. De plus, si au bout d'un temps donné elle n'a pas rencontré de cible, elle se met à touner aléatoirement en rond à la recherche que quelque chose à couler, ce qui donne de bon résultats dans les gros convois. Si la trigonométrie vous rebute, Silent Hunter III fera les calculs pour vous et déterminera les angles corrects de lancement en fonction de l'angle et de la vitesse de la cible. La réussite étant encore très aléatoire, il est vivement conseillé de tirer des salves à quelques degrés d'écart pour maximiser ses chances de succès.

Pour couronner le tout, ces fameuses torpilles sont d'une fiabilité désastreuse et il n'est pas rare de les voir heurter la coque de la cible après une trajectoire amoureusement calculée et ... ne pas exploser. Historique, d'accord, mais surtout frustrant. Surtout qu'on ne dispose que d'une quizaine de ces torpilles, et que les temps de rechargement des tubes sont réalistes. Tout cela concourt à rendre les séquences de combats très denses et dures pour les nerfs.

Quand la mer est plate, on joue du canon

Quand le temps le permet, on organise des activités de plein air.

La torpille, objet rare, difficile de maniement et au succès incertain ? Qu'à celà ne tienne, voilà la solution : le canon. Quand les conditions de mer le permettent, et que la cible est inoffensive, les U-Boote la coulait historiquement au canon. Dans Silent Hunter III, c'est pareil. On fait surface à coté du pauvre cargo, et on lui balance des obus explosifs jusqu'à ce qu'il coule. Pas très sportif ? Non, mais diantrement efficace pour faire gonfler son tableau de chasse sans gaspiller ses torpilles. Revers de la médaille, le cargo appelle souvent à l'aide et il n'est pas rare de voire se pointer une vedette lance-torpilles ou un avion alors qu'on est en train de couler tranquillement notre proie. Et si il y a quelque chose de plus vulnérable qu'un sous-marin en plongée, c'est bien un sous-marin en surface. Autre occasion où on doit se battre à l'air libre, c'est quand un avion nous surprend en surface justement. Et on y est souvent en surface, tout du moins dans la première moitié de la guerre, puisqu'à cette époque, les moteurs diesels ne pouvaient pas fonctionner en plongée. Et donc, quand un avion nous repère, on peut soit plonger dare-dare, en espérant éviter ses bombes, soit l'affronter et tenter de le détruire avec nos mitrailleuses anti-aériennes. Autant le maniement du canon de pont est aisé, autant celui de la mitrailleuse AA l'est beaucoup moins, et l'IA est beaucoup plus apte à détruire des avions en vol que le joueur, à la souris, avec un sous-marin qui tangue et qui roule.

Pour les mécanos en herbe

Le cercle qu'il vaut mieux éviter !

Les occasions d'abimer notre sous-marin sont légion : les bateaux adverses, les avions mais aussi des mauvaises manoeuvres de notre part comme ordonner une plongée à 50m dans une Manche que le joueur découvre comme très peu profonde. Car oui, du dessus toutes les mers se ressemblent, mais du dessous le sous-marinier les trouvera fort différentes. Donc, une fois endommagé, on a dans Silent Hunter III la possibilité d'ordonner à une partie de l'équipage de tenter de réparer le compatiment touché. Ainsi, dans leurs heures de loisirs vos hommes pourront boucher les fuites quand ils auront fini de recharger les tubes lance-torpilles. Mais au delà d'un certain degré de desctruction, la zone endommagée est foutue. S'il s'agit d'un élément non vital, il faudra faire avec jusqu'au retour à la base. Si par contre c'est un élément vital, c'est tout simplement la fin de la mission, voire de la carrière qui s'annonce pour vous. Attention à ne pas casser votre jouet donc, dans un sous-marin chaque erreur et problème se payent cash.

Une fidélité historique simplifiée

T'es gros, mais t'as perdu !

Une simulation est toujours confrontée à des choix quant à la fidélité avec laquelle elle va reproduire le réel. Trop de détails en feraient un jeu trop pointu qui rebutera la plupart des joueurs, trop de simplications en le feraient passer du statut de simulation à celui d'arcade, avec tout ce que ça implique sur le profil du joueur visé. La simulation de sous-marin pendant la seconde guerre mondiale n'étant pas par définition un sujet hyper fun, Silent Hunter III a volontairement choisi la voie de la fidélité historique. Il a néanmoins dû faire des choix, et notament certains aspect historiques ont été gommés, voire ignorés.

C'est ainsi que le joueur amateur d'Histoire regrettera certaines limitations de Silent Hunter III comme l'absence des Vaches à lait, ces sous-marins ravitailleurs qui permettaient aux sous-marins d'attaque de se ravitailler en mer. Du coup, une fois toutes nos torpilles épuisées, pas d'autres solutions que celle de rentrer au bercail. Au rayon des lacunes, pas non plus de possibilité d'attaque en groupe des U-Bootes, le fameux Wolfpack. Dommage, car ce fût assez vite la seule alternative possible aux radars et aux fortes escortes des convois alliés. Pas de gestion des mines non plus, alors que semer le trouble en lâchant un chapelet de mines en amont d'un convoi n'a pas son pareil pour le désorganiser et ainsi le rendre plus vulnérable à nos sournoises attaques sous-marines.

Néanmoins, le même joueur amateur d'Histoire sera enchanté de la gestion dans Silent Hunter III de la disponibilité dans le temps de bon nombre d'améliorations technologiques qui changèrent les tactiques employées et le rapport des forces tout au long des six années de guerre. On aura ainsi droit à l'introduction chronologique des différents types d'U-Boote, de torpilles, du fameux schnorkel qui permettait aux U-Boote d'utiliser leurs moteurs diesel en plongée, du radar et du sonar actif. Autant d'éléments qui, au delà du respect la véracité historique, relancent l'intérêt du jeu car le game-play se trouve complètement changé à chaque introduction d'une de ces nouvelles technologies.
Les Plus
  • Une simulation dont le réalisme s'avère un atout et non pas un handicap.
  • On peut rejouer la fameuse mission du 14 Octobre 1939 où l'U-47 coula le cuirassé Royal Oak au mouillage au mouillage à Scapa Flow.
  • Un mode carrière qui permet de jouer avec des technologies en amélioration constante.
Les Moins
  • Bloqué en 1024x768, pas d'AA.
  • La documentation, en pdf et squelettique, est vraiment trop minimale.
  • Quelques bugs avec la compression du temps à des degrés élevés.
Résultat

Silent Hunter III tente avec un certain brio de plaire à la fois à des hardcore simmers férus d'Histoire, et à des joueurs plus classiques en tête de dépaysement. Si les premiers en feront rapidement un de leurs jeux fétiches, les seconds y passeront quelques agréables heures avant de se lasser de la difficulté et de la répétitivité du jeu. Bien documenté et donc fidèle à la période qu'il modélise, Silent Hunter III est le simulateur de sous-marins de la seconde guerre mondiale. Ceux qui sont insensibles aux petits détails seront gênés par les contraintes historiques, et se retourneront donc vers des jeux plus "arcades". Pour les autres, moins fréquents et plus rarement comblés par la simulation video-ludique, Silent Hunter III est un must.

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Tribune libre