Plus qu'une suite, une œuvre !
- Éditeur Epic Games
- Développeur Remedy Entertainment
- Sortie initiale 27 oct. 2023
- Genres Action, Aventure
13 ans... Alan Wake a passé 13 années à se morfondre sur son propre sort, dans le noir, à ressasser des lignes et des lignes de textes sans queue ni tête pour essayer de sortir de l'Antre Noir. Et sans y croire vraiment, il a réussi : Alan Wake II est en effet disponible sur toutes les dernières machines ! Reste à voir maintenant si cette suite en vaut la peine. Est-elle un simple pastiche des événements passés, histoire de faire plaisir aux fans, ou au contraire, tente-t-elle d'aller de l'avant ?
L'histoire
Troquer dans un premier temps l'écrivain torturé contre l'inspectrice Saga Anderson permet aux fans de la première heure qui auraient quelque peu oublié les événements passés, mais aussi aux nouveaux venus, d'aborder le monde concocté par Remedy avec un nouveau regard. Tout comme vous donc, Saga Anderson n'a aucune idée de ce qui se trame à Bright Falls ; elle est donc obligée de découvrir ses lieux, mais aussi ses habitants pour se mettre à jour sur la situation. L'introduction du titre prend d'ailleurs son temps pour justement vous aider à prendre vos marques : c'est l'occasion idéale pour se délecter de l'ambiance lynchienne qui se dégage constamment du jeu – avec des citations évidentes de Blue Velvet et bien évidemment de Twin Peaks –, mais aussi de profiter du soin apporté aux différents environnements sans craindre de faire face à un possédé. Comme a pu l'être le premier chapitre à l'époque, Alan Wake II est une petite claque visuelle : les éclairages sont tout simplement à tomber et la forêt, extrêmement dense, donne vraiment l'impression de vous avaler.
Afin de rendre l'intrigue plus abordable encore, Saga Anderson peut, à tout moment, se téléporter dans son Antre Mental, un lieu coupé du monde qui permet en toute tranquillité de réaliser un tableau d'enquête et de recoller les morceaux. Si dans un premier temps cette idée peut s'avérer convaincante et permet, comme nous l'avons dit plus haut, de mieux s'imprégner de l'univers, rapidement, ce « mini-jeu » qui ne sert qu'à expliciter encore et encore ce que l'on avait déjà compris prend trop de place. Il a tendance à couper l'action, et même à ruiner des pans entiers de l'intrigue, à commencer par la dernière ligne droite... Vous êtes prévenu !
Le principe
Home Sweet Home
Contrairement à l'intrigue de Saga Anderson, l'histoire d'Alan Wake vous fait plonger dans un cauchemar qui rappelle que le jeu vidéo est capable de grandes choses. On s'éloigne des paysages champêtres pour être propulsé dans un New York dévasté, anxiogène, qui ne laisse aucune place pour respirer. La ville est habitée par la nuit, et seuls quelques néons blafards subsistent afin de vous aider à vous repérer. Des ombres hantent également les rues, elles vous appellent, veulent vous dévorer. Ce New York virtuel est aussi une zone d'expérimentation hypnotique qui joue avec vos repères, en changeant régulièrement les agencements des lieux, mais aussi avec le médium, en le déconstruisant. Il vous propulse dans une émission audiovisuelle qui ressemble à s'y méprendre au Late Night de Jimmy Fallon ; celle-ci est entièrement filmée et incarnée par de vrais acteurs. Le jeu vous propose également de prendre part à une comédie musicale qui restera – on l'imagine – gravée dans votre mémoire. L'arrivée de cette dimension transmédiatique inattendue – qui est, bien évidemment à des années lumières de la série B de Quantum Break – vient questionner ce qui tient de la fiction ou du réel, tout en explorant les méandres de l'esprit tourmenté de Wake. Incarner Wake, c'est donc aller de surprise en surprise et s'éloigner avec efficacité des formules habituelles.
Que vous soyez aux mains de Saga ou d'Alan, le gameplay, manette en mains, est le même. Et s'il a perdu en sobriété par rapport au premier chapitre sorti en 2010 – on regrette notamment l'implémentation d'un réticule de visée –, le tout gagne largement en dynamisme en s'inspirant une fois de plus de la formule Resident Evil 2 Remake. L'action est intense, vous ressentez vraiment l'impact des armes sur les ennemis et la caméra rapprochée vient vous étouffer en obstruant une partie de vos repères. C'est efficace, surtout que les combats se font suffisamment rares pour que l'on vienne à en redemander.
Pour qui ?
Blue Velvet, vous ici ?
L'anecdote
Alan fait son cinéma !
- Direction artistique photo-réaliste vraiment réussie
- Une ambiance lynchienne à couper le souffle
- Deux personnages jouables, idéal pour les nouveaux venus
- Des gunfights efficaces et qui se font rares pour mieux temporiser l'action
- Une œuvre transmédiatique rafraîchissante
- Un gameplay qui a perdu en sobriété
- L'Antre Mental inutile et barbant
- Une écriture manquant parfois de finesse
- Un dernier chapitre en demi-teinte
- Des jumpscares, en veux-tu, en voilà
- Beaucoup de crénelages, à cause d'une résolution en dessous des standards actuels sur consoles (même en mode Qualité)
- Des problèmes de sous-titres, de traductions…
Même si l'approche manette en mains n'a pas fondamentalement changé, Alan Wake II surpasse largement son prédécesseur. Contrairement au premier opus qui était un gloubi-boulga de références – certes maîtrisées –, cette suite a une vision. Si la partie avec Saga est réussie, mais sans réelle surprise, celle d'Alan est fascinante. En faisant de ce récit une œuvre transmédiatique, le titre explore l'errance psychique comme jamais auparavant : on a vraiment l'impression d'être dans la tête de l'écrivain. La production aurait même pu aller plus loin en évitant quelques écueils scénaristiques et en expérimentant encore davantage. Mais ça, ce sera peut-être pour une prochaine fois.